Le Pape Benoît XVI le 8 décembre 2007, fête de l'Immaculée Conception, Piazza di Spagna (Rome) Le Pape Benoît XVI le 8 décembre 2007, fête de l'Immaculée Conception, Piazza di Spagna (Rome)   Éditorial

Six ans après la renonciation de Benoît XVI, l’actualité d’un magistère

Le 11 février 2013 survenait une annonce sans précédent: un Souverain Pontife renonçait à sa charge pour raison d’âge, choisissant de continuer de vivre non loin de son successeur en tant que Pape «émérite». Mais ne retenir de lui que cet événement est une erreur à éviter.

Andrea Tornielli – Cité du Vatican

Six années ont passé depuis ce coup de tonnerre dans un ciel serein. La première renonciation d’un Pape pour raisons de santé et de vieillesse. Le 11 février 2013, Benoît XVI, alors presque arrivé au terme de la huitième année de son pontificat, annonçait sa volonté de quitter le ministère pétrinien à la fin du mois, parce qu’il ne se sentait plus en mesure de porter – physiquement et spirituellement – le poids du pontificat. Le poids d’un ministère qui, au cours du dernier siècle, a profondément changé en ce qui concerne les modalités de son exercice, avec l’ajout de célébrations, d’engagements, de rendez-vous et de voyages internationaux.

Beaucoup a été dit et écrit à propos de cet événement qui marquera l’histoire de l’Église. Et l’on peut courir le risque de concentrer toute son attention uniquement sur ce geste humble et révolutionnaire, jusqu’à finir par faire passer au second plan le témoignage personnel et surtout le magistère de Benoît XVI. À propos du témoignage, étant donné le début maintenant imminent de la Rencontre pour la protection des mineurs qui réunira au Vatican avec le Pape François les présidents des Conférences épiscopales du monde entier, il convient de rappeler que c’est justement Benoît XVI qui a entamé les rencontres avec les victimes des abus. Des rencontres loin des caméras de télévision, des rencontres faites d’écoute, de prière et de pleurs. Bien sûr, ces rencontres se sont accompagnées de normes plus claires et décisives pour combattre la terrible plaie des abus. Mais il ne fait aucun doute que le changement de mentalité demandé avant tout aux évêques et aux supérieurs religieux passe par cette capacité à rencontrer les victimes et leurs familles, en se laissant blesser par leurs récits dramatiques, pour prendre conscience d’un phénomène qui ne pourra jamais être combattu uniquement par des normes, des codes ou des ‘best practices’. 

Concernant le magistère du Pape Benoît XVI, trop souvent ‘écrasé’ par des lectures réductrices et des clichés préconçus incapables d’en valoriser la richesse, la complexité et la fidélité à l’enseignement du Concile Œcuménique Vatican II, comment ne pas rappeler l’insistance sur le fait que l’Église «ne possède rien par elle-même face à Celui qui l’a fondée, de sorte qu’elle pourrait donc dire: nous avons fait cela très bien! Son sens consiste à être un instrument de la rédemption, à se laisser pénétrer par la parole de Dieu et à transformer le monde en l’introduisant dans l’union d’amour avec Dieu». À l’opposé, donc, du fait de mettre sa confiance dans les stratégies et les projets. L’Église, continuait Benoît XVI dans un discours prononcé à la Salle de concert de Fribourg-en-Brisgau en septembre 2011, «est là, où vraiment elle est elle-même, toujours en mouvement, se mettant continuellement au service de la mission, qu’elle a reçue du Seigneur. C’est pourquoi elle doit toujours s’ouvrir aux préoccupations du monde -auquel elle appartient-, se consacrer sans réserve à elles, pour continuer et rendre présent l’échange sacré qui a commencé avec l’Incarnation».

Dans ce même discours, Benoît XVI mettait en garde contre la tendance contraire. Celle «d’une Église qui est satisfaite d’elle-même, qui s’installe dans ce monde, qui est autosuffisante et s’adapte aux critères du monde. Elle donne assez souvent à l’organisation et à l’institutionnalisation une importance plus grande qu’à son appel à l’ouverture vers Dieu et à ouvrir le monde à son prochain».  Par conséquent, le Souverain Pontife allemand montrait dans ce discours l’aspect positif de la sécularisation, qui a «contribué de façon essentielle à [la] purification et à [la] réforme intérieure» de l’Église, même en l’expropriant de ses biens et en supprimant ses privilèges. Car «libérée du fardeau et des privilèges matériels et politiques, l’Église peut se consacrer mieux et de manière vraiment chrétienne au monde entier ; elle peut être vraiment ouverte au monde. Elle peut à nouveau vivre avec plus d’aisance son appel au ministère de l’adoration de Dieu et au service du prochain», concluait Benoît XVI. 

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11 février 2019, 09:33