Le préfet du Dicastère pour la Communication du Saint-Siège Le préfet du Dicastère pour la Communication du Saint-Siège 

Paolo Ruffini à Lourdes: les journalistes, des chercheurs de vérité

La 23° édition des Journées internationales Saint François de Sales s’est ouverte à Lourdes ce mercredi 30 janvier. Plus de 250 participants de près de 30 pays prendront part aux trois journées de réflexion sur «le journalisme et les convictions religieuses». Un thème sur lequel Paolo Ruffini, préfet du dicastère pour la Communication, s’est exprimé ce mercredi après-midi. Pour la deuxième année consécutive, le Saint-Siège co-organise l’événement avec la Fédération des médias catholiques, avec l’appui de Signis.

Marie Duhamel – Cité du Vatican

La communication peut unir ou diviser, avertit le préfet du dicastère pour la Communication du Saint-Siège. Au Vatican, le Pape a déjà fait son choix comme l’indique le thème de son message pour les prochaines Journées des communications sociales : «Nous sommes tous membres les uns des autres». Le Pape y rappelle que «divulguer de fausses convictions sur la base de fausses représentations de la réalité, cela n’est pas du journalisme». Il souligne combien «la communication se réalise uniquement dans la réalité». Il est ainsi nécessaire de se mettre à l’écoute et de s’ouvrir au dialogue. Sur les réseaux sociaux ?

Dans son intervention, et à la suite du Pape, le préfet du dicastère pour la Communication met en garde contre les risques qui leur sont intrinsèques, notamment «l’isolement qui se nourrit paradoxalement d’une connexion stérile, dépouillée de compréhension, de solidarité et d’aide réciproque». Les réseaux créent des contacts, mais «ne sont pas en mesure de nous faire sentir membre d’un seul peuple». La vérité ne se révèle que dans un dialogue enraciné. Elle n’est pas imposée. On la reconnait. «Le dialogue révèle la vérité et la vérité se nourrit du dialogue».

Le Pape qualifie les journalistes du titre de «chercheurs de la vérité». Ils doivent aller au-delà des apparences, ne se contentent pas de stéréotypes, de réponses faciles, de boucs émissaires ou d’un prétendu sauveur de la Patrie.

Humilité et compassion

Le préfet souligne l’importance de l’humilité et de la compassion pour le journaliste. «Dieu est dans l’autre et se manifeste seulement si nous acceptons nos limites, si on ne le défie pas avec la prétention de diviser mais que nous nous efforçons de rester entiers, intègres et humains ». La compassion est le regard des purs de cœur qui ne sont pas esclaves de leur propre narcissisme, affirme-t-il. Il faut rassembler la «complexité du réel, fragmenté par notre prétention à nous substituer à Dieu».

Les moyens de communications posent chaque jour la question du bien et du mal. «Il revient à chacun de nous d’exercer dans le journalisme l’art de voir avant de raconter, de comprendre avant de résumer, de voir au-delà des apparences, de raconter ce que d’autres ne racontent pas, de comprendre les signes des temps, de mettre en réseau ceux que d’autres écartent, de vaincre l’indifférence, en interpellant et en interrogeantVoilà notre devoir

Dans un monde qui confond paresse et objectivité, fanatisme et pureté, il faut chercher à être perçu comme des chercheurs de la vérité de la beauté, non pour l’imposer mais pour proposer qu’elle soit un vecteur de transformation.

Comment raconter le mal pour faire croître le bien ? Le mal ne doit pas être tu, affirme Paolo Ruffini. Il faut le connaitre pour en avoir conscience et pour le combattre sans peur. Et comme le répète le Pape, il faut se laisser surprendre par Dieu.

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Avant son intervention, Hélène Destombes, notre envoyée spéciale à Lourdes, a interrogé Paolo Ruffini sur le thème de ces journées de réflexion :

« Le journalisme est souvent pourri par de fausses convictions ou des préjugés. Les convictions servent si elles ont une racine de vérité mais nous induisent en erreur, si elles ont une racine de mensonge. Ainsi, le bon journalisme doit être une recherche constante de la vérité. Et par conséquent, il faut éviter par exemple de penser qu’une conclusion peut être trouvée immédiatement. Le journalisme, parfois, reste trop à la surface. Un journaliste catholique et chrétien doit toujours essayer d’embrasser l’unité de la réalité. Il doit tenter de comprendre ce qui tient les choses ensemble. Celui qui divise, perd de vue la complexité de la réalité et ainsi la vérité des choses.

Les convictions sont multiples: il y a des convictions religieuses, politiques, scientifiques. Cela sert-il à construire notre identité et, en ce qui concerne les médias, à définir la ligne éditoriale?

Nous vivons dans un monde où l’opinion prévaut souvent sur la vérité. On a une opinion sans tenir compte de la vérité. La conviction doit reposer avant tout sur la recherche de la vérité. Nous devons faire attention - à tous les hommes, de toutes les identités, culturelles, religieuses, etc. - au fait que nos identités ne soient pas utilisées, ni ne deviennent un outil de lutte, afin que les convictions fondées sur la recherche de la vérité puissent encore se rencontrer. Seules les identités faibles refusent la discussion. Des identités fortes, enracinées, cherchent la discussion, et du dialogue émerge la vérité. Je pense qu'un bon journalisme doit être basé sur la capacité de dialoguer.

Y a-t-il un risque de s'enfermer dans ses propres convictions, avec pour conséquence de n’être pas ouvert, disponible à l'autre ?

Une fois, le Pape, rencontrant les journalistes catholiques de TV2000 en Italie, a déclaré : «Faites attention à ne pas être pris dans le syndrome du “trop plein”». Si vous êtes trop plein, vous n'avez pas la place d'écouter l'autre. Bien sûr, l’autre risque à éviter est le syndrome du “trop vide”, c’est-à-dire de ne plus avoir ses racines, sa conviction qui pousse à penser qu’une chose en vaut une autre. Nous en tant que chrétiens, en tant que catholiques, nous avons une identité, nous avons une foi, mais cette foi sera d’autant plus forte que nous la laissons être mise en discussion par l’autre, que nous la partageons avec l’autre. C'est ainsi que se propage la foi et que la vérité se répand. Dans le même temps, nous pouvons apprendre des autres une manière différente de percevoir les choses et, à partir de là, comprendre comment notre foi, la vérité que nous portons, peut être inculturée dans différentes cultures, dans différentes langues, dans différents pays. C'est l'histoire du christianisme, la façon dont le christianisme s'est répandu.

En tant que média du Vatican, comment pouvons-nous alimenter nos convictions afin de proposer un message qui tend à proposer une vérité, un message d’espérance?

Le bon journalisme, c’est l’humilité de savoir que la vérité - quand on parle de vérité journalistique - est une recherche. Il faut de l'humilité: il n'y a pas de pire journalistes que ceux qui pensent déjà tout savoir, qui ont une version prédéfinie de la réalité, qui ne sont plus en mesure de s'émerveiller de la réalité. Je crois que la meilleure façon de voir que nous sommes de bons journalistes est d'être et d'être perçus comme des chercheurs de vérité et non comme des êtres fermés dans notre monde retranché, qui ne dialogue pas avec la réalité.

Le défi aujourd'hui, comme l'a dit le Pape dans son dernier message pour les Communications sociales, consiste à être présent sur les réseaux sociaux, en dialogue avec le monde. Comment assurer cette présence sans trahir nos croyances, sans perdre notre identité en cherchant à trouver un public?

Au Panama, le Pape l'a très bien dit: le réseau crée une connexion, mais la connexion seule ne suffit pas. Les racines sont nécessaires. C’est en réunissant les racines qu’on redonne aux réseaux sociaux leur sens originel, celui du partage. Notre tâche consiste à faire en sorte que ces réseaux ne soient pas des pièges comme une toile d’araignée, mais un réseau qui vous libère et vous permette de rencontrer des gens. Comment faire ? En étant l'outil qui ramène à la réalité, en permettant de rencontrer des gens en les regardant dans les yeux, et pas seulement via une connexion internet. Je pense que c'est ce que ce message nous dit. Et c’est le moyen de ramener la technologie au service de l’homme, et non pas l’homme au service d’un paradigme technocratique.

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30 janvier 2019, 17:57