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Card. Cupich et Mgr Scicluna: «Le sommet de février devra impulser un changement de culture»

Ils ont été chargés par le Pape d’organiser la rencontre sur les abus qui aura lieu au Vatican en février: interrogés par deux médias, le cardinal américain Blase Cupich et Mgr Charles Scicluna reviennent sur les objectifs de cet important rendez-vous.

Manuella Affejee (avec Crux et America Magazine)- Cité du Vatican

La rencontre sur «la protection des mineurs» se précise; du 21 au 24 février prochains, elle réunira autour du Pape François les présidents des conférences épiscopales du monde entier, les chefs des Églises catholiques orientales, les principaux responsables de la Secrétairerie d’État du Saint-Siège et de la Curie romaine, les représentants des supérieurs et supérieures généraux des congrégations religieuses, des experts, et bien sûr, plusieurs victimes d’abus. 

Pour organiser cette réunion inédite, le Pape a institué un comité spécial composé de deux cardinaux, Blase Cupich (archevêque de Chicago) et Oswald Gracias (archevêque de Bombay), ainsi que de deux experts reconnus de la question, Mgr Charles Scicluna, (archevêque de Malte) et le père Hans Zollner, sj, président du centre de protection des mineurs de l’Université pontificale grégorienne, nommé référent de ce comité.

Une priorité pour l’Eglise

Au cours d’un long entretien accordé à la revue jésuite America Magazine, Mgr Scicluna, -récemment nommé secrétaire-adjoint de la Congrégation pour la Doctrine de la foi-, affirme que la convocation de cette rencontre procède d’une prise de conscience du Pape: «la protection des mineurs, la prévention des abus commis par des membres du clergé doivent figurer en tête de l’agenda de l’Église», assure-t-il.

Interrogé par le site d’informations Crux, le cardinal Cupich abonde en ce sens, tout en précisant «qu’une seule rencontre ne résoudra pas tous les problèmes». Mais, comme Mgr Scicluna, il est persuadé qu’elle marquera le «début d’un processus global, d’une réforme mondiale».

Et pour cause: «ce problème concerne toute l’Église», dans la pluralité des cultures qu’elle regroupe, et il doit être traité à tous les niveaux. «La protection ne peut pas être quelque chose d’abstrait, insiste Mgr Scicluna, elle doit être vécue dans chaque paroisse, chaque école, chaque diocèse». Si elle n’est pas vécue d’abord à l’échelle locale, elle ne sera pas du tout effective, observe encore l’archevêque maltais.

Changer de culture, revoir la gestion des cas d’abus

Le cardinal Cupich se dit, quant à lui, conscient des attentes qui pèsent sur ce sommet. Après les demandes de pardon et les déclarations, les catholiques réclament désormais des décisions concrètes. Mais pour l’archevêque de Chicago, la lutte contre cette plaie qui défigure le visage de l’Église passe d’abord par une transformation des mentalités, un changement de culture.

C’est ainsi une réflexion de fond qu’il faut mener sur le sens du ministère, préconise-t-il, rejoint en cela par Mgr Scicluna: «ce phénomène, en plus de constituer un crime est symptomatique de quelque chose de plus profond», à savoir une crise touchant à l’approche même du ministère. «Certains le nomment cléricalisme, d’autres l’appellent perversion du ministère», analyse-t-il.

Et l’archevêque de Malte poursuit: ce qui est aussi en jeu ici, -outre l’impact dévastateur des abus sur les enfants et les plus vulnérables-,  c’est la gestion de ces problèmes, «la manière dont nous traitons les auteurs, la manière dont nous traitons les victimes, la manière dont nous traitons la communauté». Cette gestion implique nécessairement une totale transparence, car en dissimulant le problème, «vous ne le résolvez pas, assène Mgr Scicluna, vous décidez de ne pas le traiter, d’en cacher les importantes conséquences, et d’éviter les demandes de justice». Il est fondamental de sortir des logiques d’autoprotection, lesquelles placent la bonne réputation de l’institution au-dessus de toute autre considération. «Seule la vérité nous rendra libre», rappelle avec force Mgr Scicluna.

Une démarche synodale

Le problème des abus étant global, universel, il requiert une approche synodale, collégiale, et la réunion de février en sera l’expression. Le Pape y tient tout particulièrement, fait encore remarquer Mgr Scicluna. Les évêques écouteront les victimes, parleront avec des experts, s’entretiendront les uns avec les autres sur les sujets qui leur seront présentés. Le procédé et les modalités de la rencontre s’apparenteront à ceux d’un synode : «il y aura des sessions plénières, des groupes de travail linguistiques et des rapports ; il y aura des prières en groupes, des intervenants. Ce sera un mélange d’information, de formation, de discussion», résume l’archevêque. Une liturgie pénitentielle est également prévue, sur volonté du Pape, et les victimes en seront partie prenante.

La réunion de février abordera-t-elle la question des éventuelles modifications à apporter au Droit canon en matière d’abus ? Mgr Scicluna doute que les discussions entrent dans le vif du sujet, même s’il a son avis  sur la question : «le Droit canon suit toujours la réalité (…) et il devra changer en réponse aux nouveaux problèmes et aux nouvelles priorités de l’Eglise», affirme-t-il avant d’envisager «un rôle plus fort confié aux évêques métropolitains» mais aussi «un rôle plus grand pour les victimes dans les procès canoniques».

Mgr Scicluna espère surtout que cette rencontre inédite, qui inclura de nombreux participants, se déroule dans une atmosphère positive, et soit portée par un esprit d’action. Il est fondamental que les évêques, les responsables de la Curie, les supérieurs d’ordres religieux prennent la mesure de la «gravité de la situation», et réfléchissent ensemble à des solutions, même si, tient-il à rappeler, ce sommet n’est «que le début d’un processus».

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26 novembre 2018, 11:07