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Le Pape François et le cardinal Sean O'Malley au Vatican le 26 juillet 2018. Le Pape François et le cardinal Sean O'Malley au Vatican le 26 juillet 2018. 

Cardinal O’Malley: «Porter la voix des victimes au sommet de l’Eglise est crucial»

La Commission pontificale pour la protection des mineurs a conclu dimanche 9 septembre sa 9ème assemblée plénière initiée vendredi dernier. Le point sur ses travaux avec le cardinal Sean Patrick O’Malley.

Au terme de sa neuvième assemblée plénière, la Commission pontificale pour la protection des mineurs a indiqué, dans un communiqué paru le 9 septembre, avoir évoqué les récents événements dans l’Eglise universelle «qui ont blessé tant de personnes, dont les familles et les fidèles». Ces actes d’abus sexuels ont privé de nombreux enfants de leur jeunesse.  Les questions qui sont apparues ces derniers mois sur la gravité des abus représentent également l’occasion d’attirer l’attention sur les outils de prévention. «Notre point de départ ne consiste pas à enquêter sur des cas particuliers, mais à prévenir pour l'avenir», explique la Commission. À l’issue de cette assemblée, Vatican News a rencontré le cardinal Sean O’Malley, président de la Commission.

Entretien réalisé par Sergio Centofanti – Cité du Vatican

Vatican News: Pour le Pape François, l’écoute des victimes et de leur vécu est centrale et représente un guide pour l’Église dans la protection des mineurs des abus sexuels. Dans le contexte actuel, est-ce que vous écoutez vraiment les victimes et qu’apprenez-vous d’elles?

Cardinal O’Malley: Il est évident que la récente actualité a concentré toutes les attentions sur le besoin urgent d’une réponse claire de la part de l'Eglise sur le thème des abus sexuels, dont sont victimes les mineurs. Une des missions de cette commission est l’écoute des victimes. 

Nous sommes toujours soucieux d’écouter les témoignages des victimes, qui éclairent nos délibérations et nos jugements. Cette fois, nous avons commencé notre réunion en écoutant le témoignage d’une latino-américaine, abusée par un prêtre; puis, nous avons entendu la mère de deux victimes adultes, originaires des États-Unis. La voix des victimes est vraiment importante.

Ces jours-ci, nous avons rencontré les nouveaux évêques et comme cela s’est produit par le passé, j’avais invité Marie Collins pour qu’ils puissent entendre le témoignage direct d’une personne qui a elle-même subi ces horreurs. Elle peut ainsi leur expliquer les conséquences et répercussions des abus sur l’individu, sur la famille et toute la communauté. Cette année, Marie Collins n’a malheureusement pas pu venir, mais elle nous a gentiment adressé une belle vidéo, que nous avons partagé avec les 200 nouveaux évêques.

Chaque année, lors de cette rencontre, de nombreux évêques viennent me voir pour me dire combien le témoignage de Marie Collins est l’intervention la plus importante qu’ils entendent durant toute la semaine de conférence.  Donc, porter la voix des victimes au sommet de l’Église est crucial afin de faire comprendre à tous combien il est important pour l’Église de fournir des réponses rapides et correctes face à chaque situation d’abus qui se manifeste, à un quelconque moment.  

À la lumière de la situation actuelle, si l’Église se révèle incapable de répondre de tout son cœur à cette question et d’en faire une priorité, toutes nos autres activités d’évangélisation, d’œuvre de charité et d’éducation, en seront touchées. Ce doit être la priorité sur laquelle nous devons nous concentrer maintenant.

La Commission parle souvent de son mandat consistant à promouvoir “la responsabilité locale” dans la protection. Qu’est-ce que cela signifie ?

La Commission a inlassablement transmis ce message de protection dans le monde entier. Nous savons qu’il y a beaucoup de continents où c’est un thème nouveau dont les gens ne parlent pas beaucoup, en particulier sur les terres de mission où l’Église a peu de ressources. Par conséquent, nos membres ont participé à plus de 100 conférences à travers le monde depuis notre dernière réunion. En ce moment, ils organisent des conférences importantes au Brésil, en collaboration avec les conférences épiscopales de Colombie, du Mexique ou de Pologne. Nous travaillons également avec diligence sur les directives et les meilleures pratiques, et l'une de nos dernières initiatives consiste à développer des outils de vérification, qui pourront être utilisés par les conférences épiscopales pour mesurer ce qui a déjà été mis en œuvre et son respect. Ainsi, lorsque les évêques viendront à Rome pour effectuer leur visite ad limina, ils pourront montrer comment ils ont pu mettre en pratique les directives que chaque conférence épiscopale a été chargée de développer par le Saint-Siège, et le Saint-Père, lui-même.

Quel est le retour que reçoivent ces efforts?

Les conférences épiscopales qui nous ont vus impliqués dans l'éducation et la formation ont été d'un grand soutien. L’une de nos initiatives consiste maintenant à créer des «groupes consultatifs de survivants» sur plusieurs continents. Le premier sera au Brésil, mais nous avons également amorcé le processus en Afrique et en Asie. Nous pourrons donc avoir des groupes de victimes qui pourront donner des conseils aux conférences épiscopales locales, offrir leur contribution, mais également informer sur le travail de notre commission internationale.

Il y a beaucoup de confusion sur le rôle de la Commission. Elle a souvent été critiquée pour un manque de «pouvoir» perçu dans la mise en œuvre de réformes incisives. Cependant, le mandat de la commission stipule qu'il s'agit d'un «organe consultatif» du Saint-Père. Comment fonctionne votre travail?

Parfois, les gens me présentent comme le président de la «Commission sur les abus sexuels», et je les corrige toujours en disant que non, car notre compétence concerne la protection des mineurs: c'est vraiment une tâche qui concerne la prévention. Nous ne sommes pas un organe qui traite de cas déjà avérés ou de situations d'abus particulières. Nous essayons de changer l'avenir, afin que ces histoires tristes ne se répètent pas; et nous accomplissons cette tâche en adoptant des recommandations que nous présentons au Saint-Père. Notre tâche consiste également à promouvoir de meilleures pratiques, les lignes directrices qui tiennent compte de la sauvegarde et de la prévention. De plus, nous réalisons des programmes d’éducation et de formation pour les personnes qui sont au sommet de l’Église, afin que nos évêques, prêtres et religieux soient conscients de la gravité de la question et disposent des outils nécessaires afin d'agir et de faire de la protection des mineurs et des soins pastoraux de la victime une priorité. C'est l'objectif qui anime notre activité. Il y a d'autres dicastères au sein du Saint-Siège chargés de traiter les cas individuels et les circonstances d'abus ou de négligence de la part des autorités. Notre Commission ne peut être tenue responsable de leurs activités: nous avons nos compétences qui me semblent très importantes. Ici, notre travail concerne la prévention et tente de faire de l’Église le lieu le plus sûr pour les enfants et les adultes vulnérables.

Comment définir les relations avec les autres organismes de la Curie Romaine?

Comme je l'ai dit, l'une de nos responsabilités est de former les dirigeants de l'Église. Pour cette raison, nous avons organisé des conférences dans de nombreux dicastères où nous avons eu l'occasion de parler de ce sujet. À ces occasions, une victime m'accompagne toujours et je parle de la mission de l'Église en termes de protection. Je pense que ces rencontres ont été très réussies. Cette semaine, les membres de notre commission rencontreront les responsables de la Conférence épiscopale italienne et de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

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09 septembre 2018, 17:13