Saint André Dũng Lạc, prêtre, et ses compagnons, martyrs

Martyrs du Viêt-Nam Martyrs du Viêt-Nam  (Missions étrangères de Paris)

La semence de l’Église

Un homme, un prêtre, donne son nom à la fête d’aujourd’hui, mais l’un représente beaucoup de personnes : 117 fidèles vietnamiens. Il s’agissait d’évêques, de prêtres et de nombreux laïcs, une mère de six enfants et même un enfant de neuf ans, qui ont donné leur vie pour le Christ entre le XVIIe et le XIXe siècle. 96 étaient des Vietnamiens de souche et 21 des missionnaires espagnols ou français qui avaient embrassé cette terre et sa culture. Le groupe des 117, canonisés ensemble par le Pape Jean-Paul II en 1988, représente à son tour une multitude anonyme estimée entre 100 000 et 300 000 martyrs, la « grande nuée de témoins » dont le sang fut la semence d’une Église florissante sur la terre du Vietnam.

An-Tran, ou André

Le Père André Dũng-Lạc, qui donne son nom et l’histoire de sa vie à ce groupe de martyrs, est né sous le nom de Dung An-Tran dans une famille pauvre et ordinaire du nord du Vietnam vers 1795. La famille suivait la religion traditionnelle de leur pays. Mais quand An-Tran avait douze ans, sa famille déménagea à Hanoi pour chercher du travail. Là, il rencontra un chrétien, un catéchiste qui le logea et l’instruisit au sujet du Seigneur et Sauveur de l’humanité. Le jeune garçon fut baptisé sous le nom d’André. En 1823, André fut ordonné prêtre, et sa prédication et sa simplicité de vie conduisirent de nombreuses personnes au baptême. Mais c’était dangereux d’être chrétien au Vietnam en ce temps-là.
En 1832, l’empereur Minh-Mang interdit les missionnaires étrangers et ordonna aux chrétiens vietnamiens de piétiner les crucifix afin de renier publiquement leur foi en Jésus-Christ. Beaucoup refusèrent. L’amour rendait les fidèles créatifs, et ils cachèrent les prêtres dans des grottes ou parfois dans leurs maisons, risquant et donnant souvent leur vie. Certains de ces fidèles furent décapités, d’autres étouffés, d’autres encore écorchés vifs ; et d’autres, souvent des prêtres, furent pendus dans des cages sur des places publiques jusqu’à leur mort.
Le Père André fut arrêté une première fois en 1835, mais ses paroissiens payèrent la rançon pour le libérer. Il changea son nom de famille en Lạc et s’installa dans une autre région pour éviter la persécution, mais la persécution le suivit. En 1839, il fut à nouveau arrêté avec un autre prêtre vietnamien, le Père Peter Thi, auquel le Père André avait rendu visite pour se confesser. Les deux hommes furent libérés contre rançon, puis arrêtés à nouveau, torturés et finalement décapités à Hanoï le 21 décembre 1839.

Des racines profondes

D’autres vagues de persécution suivirent la mort du Père André, tout comme elles l’avaient précédée. En effet, les fidèles vietnamiens furent soumis à certaines des formes de martyre les plus cruelles de l’histoire du christianisme. Les chrétiens avaient les mots « ta dao », ou « fausse religion », écrits sur leur visage. Ils furent dépouillés de leurs biens et de leur famille, et soumis à des formes de torture diaboliquement ingénieuses. Les villages chrétiens furent détruits. Mais les membres baptisés du Corps du Christ sur la terre du Vietnam connaissaient trop bien la voix de leur Pasteur pour le trahir. Ce que les dirigeants du pays firent pour anéantir l’Église, l’Esprit de Dieu l’utilisa pour lui donner des racines profondes et durables au sein du peuple vietnamien. À la fin du XXe siècle, les catholiques étaient estimés à 10 % de la population vietnamienne.
Lorsque le Père André Dũng-Lạc et les martyrs vietnamiens – les 117 nommés et les centaines de milliers non nommés – furent canonisés en 1988, le gouvernement communiste du Vietnam ne permit pas à un seul représentant du pays d’y assister. Mais 8 000 catholiques vietnamiens de la diaspora étaient là, remplis de joie d’être les enfants de cette Église souffrante. La fête de cette grande nuée de témoins du pays du Vietnam est célébrée le 24 novembre.