Cardinal De Kesel: «Les premiers pas de Léon XIV sont dans la continuité de François»
Olivier Bonnel - Cité du Vatican
Créé cardinal en 2016 par le Pape François, Jozef De Kesel est l’archevêque émérite de Malines-Bruxelles et ancien Primat de Belgique. Proche de François, il avait accueilli notamment l’évêque de Rome en septembre dernier lors de son voyage apostolique en Belgique. Le Pape était alors accompagné du cardinal Prevost, alors préfet du dicastère pour les Évêques. Jozef De Kesel a participé au conclave qui a élu Léon XIV le 8 mai dernier et est passé dans nos studios pour revenir sur l’héritage de François et ses attentes du pontificat du nouveau Successeur de Pierre.
Un mois après la mort du Pape François, quel héritage laisse le Pape argentin selon vous?
Je garde un souvenir de quelqu'un qui était très attentif à ce qu'on disait. Il écoutait, il me connaissait. Quand j'ai été malade, je me souviens que sa première question était toujours: "comment va la santé?". Dans la discussion il était toujours très alerte. De lui, je garde surtout l'héritage qu'il nous a laissé, et je l'ai senti durant le pré-conclave. Le Pape François a été pendant douze ans notre Pape, mais plus fondamentalement, il a marqué l'Église.
Il ne peut pas y avoir de retour en arrière. J'ai vraiment senti cela. C'est d'ailleurs à mon avis la raison pour laquelle le conclave n'a pas duré longtemps, il y avait déjà un consensus avant d'entrer dans le conclave, pas sur la personne, mais pour l'héritage. Durant les congrégations générales, j'ai entendu que l'on parlait toujours de lui avec beaucoup de respect, comme de tout ce qui lui tenait à cœur, c’est-à-dire une Église plus humble, plus proche des gens, une Église ouverte au monde qui partage les joies mais aussi les tristesses et les angoisses de l'homme d'aujourd'hui. Une Église, qui, comme dit le concile Vatican II, se fait proche de l'homme qui souffre.
Quel héritage du Pape François voyez-vous dans les premiers pas de Léon XIV?
Pour moi, c'est fondamentalement la fidélité au concile Vatican II. C'est dans la continuité profonde. Évidemment, continuité ne signifie pas répétition. Le Pape Léon n'est pas "une copie", il ne doit pas imiter. Mais je pense que c'est grâce au Pape François que nous avons trouvé si vite un successeur. J’ai beaucoup pensé pendant le conclave, au temps du concile Vatican II. Il y avait à l’époque Jean XXIII, un pape qui osait prendre des initiatives, parfois un peu non-conformiste, comme François, qui était charismatique. Et puis est venu Paul VI, celui qui a continué le concile. Il a été fidèle au concile, fidèle à l'héritage de Jean XXIII, mais il devait prendre des responsabilités pour structurer et mettre un peu au clair le chemin à suivre. Évidemment, mutatis mutandis, ce n'est pas la même situation aujourd’hui. Mais je vois le Pape Léon comme celui qui pourra continuer et consolider l'héritage du Pape François, car tout ce que François a voulu faire ne peut pas se faire en quelques années: la réforme de la curie romaine, la décentralisation de l'Église, un autre regard sur la présence de la femme dans l'Église, la synodalité, c'est un long chemin, mais c'est une conversion de l'Église en profondeur.
Quelles sont vos attentes de ce nouveau pontificat de Léon XIV , en particulier pour la Belgique? Réussira-t-il à parler aux Belges, dans une société très sécularisée, et aux gens blessés par les scandales d’abus?
Je l'espère et j'en suis presque sûr. Je me rappelle que j'ai parlé une fois du drame des abus avec le cardinal Prevost pendant le synode, j'ai entendu un langage clair là-dessus de sa part. Je ne peux pas dire que je le connais bien, mais je l'ai quand même fréquenté de temps en temps. C’est un homme intelligent, un homme d'écoute. Il y a des gens qui écoutent, mais qui oublient. Quand on parle d'une Église plus humble, cela veut dire aussi une Église qui est beaucoup plus respectueuse pour ceux qui ne sont pas dans l'Église. L'Église vit dans le monde, elle ne peut pas vivre dans son monde, elle doit s'ouvrir au monde, car celui-ci est beaucoup plus grand que l'Église.
Et ce langage, je l'ai senti chez lui plus d'une fois déjà, comme dans sa première homélie. C'est une Église qui est fière de son identité, qui a un message à donner au monde, mais une Église qui ne se sent pas supérieure mais humble servante. Ce n'est pas une pastorale de reconquête dont nous avons besoin, mais d'une présence de l'Église à l'intérieur de la société. Je pense beaucoup à ce que le Pape François avait dit à Rabat, au Maroc: «ce qui est triste, ce n'est pas que nous sommes moins nombreux, mais de devenir insignifiants».
Comment les catholiques belges ont-ils accueilli l'élection de Léon XIV?
J'en suis très content. Même les journalistes qui ne sont pas toujours de notre côté ou qui sont critiques, ont eu une bonne impression et je suis très content de cela aussi. Je ne veux pas dire qu'il faut "soigner sa façade", mais notre crédibilité a été atteinte et donc pour retrouver une certaine crédibilité, cela prendra du temps. On ne peut pas faire cela en quelques mois ou en un an, ce sont des petits pas.
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