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Le Pape François à bord de l'avion le ramenant à Rome, le 15 septembre 2022 Le Pape François à bord de l'avion le ramenant à Rome, le 15 septembre 2022 

François: dialoguer avec qui a déclenché une guerre est difficile mais nécessaire

Sur le vol de retour du Kazakhstan, François a tenu une conférence de presse avec les journalistes qui l’accompagnaient: «L'Occident décadent génère le populisme, en politique nous devons repartir des valeurs», a-t-il notamment déclaré. «Avec la Chine, nous avons besoin de la patience du dialogue», a aussi expliqué le Saint-Père.

Vatican News

Il faut toujours dialoguer. À bord du vol Noursoultan-Rome, le Pape François a répondu ce jeudi 15 septembre aux questions des journalistes qui l'ont accompagné au Kazakhstan. Il a parlé de la guerre en Ukraine, du droit à la défense et du trafic d'armes, mais aussi du rôle de la politique et de l'Occident dans une crise des valeurs qui risque de générer des populismes. Répondant à une question sur la situation en Allemagne, le Saint-Père a expliqué que l'Église a besoin de pasteurs, pas de plans pastoraux.

Au début de la conférence de presse, le Pape a souhaité un joyeux anniversaire à la journaliste d'Avvenire Stefania Falasca, lui faisant ensuite servir un gâteau.

Zhanat Akhmetova, TV Agency Khabar

«Bonjour Saint-Père. Merci beaucoup pour votre visite au Kazakhstan, quel a été le résultat de votre visite, aux origines de notre peuple, qu'est-ce qui vous a inspiré ?»

«Pour moi, ça a aussi été une surprise. Parce que je ne connaissais vraiment rien de l'Asie centrale, à part la musique de Borodine. Ce fut une surprise de trouver les représentants de ces nations. Le Kazakhstan a également été une surprise, car je ne m'y attendais pas. Je savais que c'est un pays, c'est une ville, qui s'est bien développé, intelligemment. Mais trouver après trente ans d'indépendance une telle évolution, je ne m'y attendais pas. Puis un si grand pays, avec dix-neuf millions d'habitants... Incroyable. Très discipliné, et beau. Avec de nombreuses beautés: l'architecture de la ville bien équilibrée, bien agencée. Une ville moderne, une ville que je dirais peut-être "du futur".

C'est ce qui m'a beaucoup impressionné: la volonté d'aller de l'avant non seulement dans l'industrie, dans le développement économique et matériel, mais aussi dans le développement culturel. C'était une surprise à laquelle je ne m'attendais pas. Ensuite, le congrès... une chose très importante. Il en est à sa septième édition. Ce qui signifie que c'est un pays qui a une vision, qui rassemble ceux qui sont habituellement rejetés. Parce qu'il existe une conception progressiste du monde selon laquelle la première chose à écarter est la valeur religieuse. C'est un pays qui fait face au monde avec une proposition de ce genre... sept fois déjà réalisée, c'est merveilleux! Ensuite, s'il reste du temps, je reviendrai sur cette réunion interconfessionnelle. Vous pouvez être fier du pays et de la patrie que vous avez».

Rudiger Kronthaler, ARD

«Saint-Père, merci pour votre message de paix, je suis allemand comme vous pouvez l'entendre à mon accent. Mon peuple est responsable de millions de morts il y a quatre-vingts ans. Je voudrais poser une question sur la paix, puisque mon peuple est responsable de millions de morts, nous apprenons à l'école qu'il ne faut jamais utiliser d'armes, jamais de violence: la seule exception est la légitime défense. À votre avis, faut-il donner des armes à l’Ukraine en ce moment?»

«C’est une décision politique, qui peut être morale, moralement acceptée, si elle est faite selon les conditions de la moralité, qui sont nombreuses et alors on peut en parler. Mais elle peut être immorale si elle est faite dans l'intention de provoquer davantage de guerre ou de vendre des armes ou de se débarrasser de celles dont je n'ai plus besoin. La motivation est ce qui qualifie largement la moralité de cet acte. Se défendre n'est pas seulement légal, c'est aussi une expression de l'amour de la patrie. Celui qui ne se défend pas, celui qui ne défend pas quelque chose, ne l'aime pas, alors que celui qui défend, aime. Cela touche à une autre chose que j'ai dite dans l'un de mes discours, à savoir que l'on devrait réfléchir davantage au concept de guerre juste. Parce que tout le monde parle de la paix aujourd'hui: depuis tant d'années, depuis soixante-dix ans, les Nations unies parlent de la paix, elles font beaucoup de discours sur la paix.

Mais combien de guerres sont en cours en ce moment? Celle que vous avez mentionnée, Ukraine-Russie, maintenant l'Azerbaïdjan et l'Arménie qui s'est un peu arrêtée parce que la Russie est sortie comme garante, garante de la paix ici et elle fait la guerre là.... Puis il y a la Syrie, dix ans de guerre, que se passe-t-il là-bas pour que ça ne s'arrête pas? Quels sont les intérêts qui font bouger ces choses? Ensuite, il y a la Corne de l'Afrique, puis le nord du Mozambique ou l'Érythrée et une partie de l'Éthiopie, puis la Birmanie avec ce peuple en souffrance que j'aime tant, le peuple Rohingya qui tourne, tourne en rond comme un gitan et ne trouve pas la paix. Mais nous sommes dans une guerre mondiale, s'il vous plaît...

Je me souviens d'une chose personnelle, quand j'étais enfant, j'avais neuf ans. Je me souviens d'avoir entendu l'alarme du plus grand journal de Buenos Aires: à l'époque, pour fêter un événement ou annoncer une mauvaise nouvelle, ils faisaient retentir ce son – qui aujourd'hui ne retentit plus - et on l'entendait dans toute la ville. Ma mère a dit: "Qu'est-ce qui se passe?" Nous étions en guerre, en 1945. Une voisine est venue à la maison et a dit: "L'alarme a sonné..." et elle a crié: "La guerre est finie!" Et aujourd'hui, je vois maman et le voisin pleurer de joie parce que la guerre est finie, dans un pays d'Amérique du Sud, si loin! Ces femmes savaient que la paix est plus grande que toutes les guerres et elles ont pleuré de joie lorsque la paix a été faite. Je ne l'oublie pas. Je me demande: je ne sais pas si aujourd'hui nous sommes avec un cœur éduqué pour pleurer de joie quand nous voyons la paix. Tout a changé: si vous ne faites pas la guerre, vous ne servez à rien!

Ensuite, il y a la fabrication d'armes. C'est commerce assassin. Quelqu'un qui comprend les statistiques m'a dit que si on arrêtait de fabriquer des armes pendant un an, on résoudrait toute la faim dans le monde... Je ne sais pas si c'est vrai ou non. Mais la faim, l'éducation... rien, on ne peut pas car il faut fabriquer des armes. À Gênes, il y a quelques années, trois ou quatre ans, un bateau est arrivé chargé d'armes que l’on devait transférer sur un plus gros bateau qui allait en Afrique, près du Soudan du Sud. Les travailleurs du port ne voulaient pas le faire, cela leur coûtait, mais ils ont dit: "Je ne coopère pas". C'est une anecdote mais qui fait sentir une conscience de paix.

Vous avez parlé de votre patrie. L’une des choses que j'ai apprises de vous, c’est la capacité de se repentir et de demander pardon pour les erreurs de la guerre. Et aussi, non seulement de demander pardon, mais de payer pour les erreurs de la guerre: cela en dit long sur vous. C'est un exemple que l’on devrait imiter. La guerre elle-même est une erreur, c'est une erreur! Et nous respirons cet air en ce moment: s'il n'y a pas de guerre, il semble qu'il n'y ait pas de vie. [C’est] un peu désordonné mais j'ai dit tout ce que je voulais dire sur la guerre juste. Mais le droit à la défense, oui, celui-là oui, mais utilisez-le quand c'est nécessaire».

Sylwia Wysocka, PAP

«Saint-Père, vous avez dit: nous ne pouvons jamais justifier la violence. Tout ce qui se passe actuellement en Ukraine n'est que pure violence, mort, destruction totale par la Russie. En Pologne, nous avons la guerre si près de notre porte, avec deux millions de réfugiés. Je voudrais vous demander si vous pensez qu'il existe une ligne rouge au-delà de laquelle on ne devrait pas dire: nous sommes ouverts au dialogue avec Moscou. Parce que beaucoup ont du mal à comprendre cette ouverture. Et je voudrais aussi demander si le prochain voyage sera à Kiev».

«Je répondrai à cette question, mais je préférerais que les questions sur le voyage soient posées avant... Je pense qu'il est toujours difficile de comprendre le dialogue avec les États qui ont commencé la guerre, et il semble que le premier pas soit venu de là, de ce côté-là. C'est difficile mais nous ne devons pas l'écarter, nous devons donner la possibilité de dialoguer à tout le monde, à tout le monde! Parce qu'il y a toujours la possibilité qu'en dialoguant nous puissions changer les choses, et aussi offrir un autre point de vue, un autre point de considération.

Je n'exclus le dialogue avec aucune puissance, qu'elle soit en guerre, qu'elle soit l'agresseur... parfois il faut dialoguer, mais il faut le faire, ça "pue" mais il faut le faire. Toujours un pas en avant, une main tendue, toujours! Parce qu’en faisant le contraire, nous fermons la seule porte raisonnable vers la paix. Parfois, ils n'acceptent pas le dialogue: tant pis! Mais le dialogue doit toujours être fait, au moins offert, et cela fait du bien à celui qui l'offre, cela fait "respirer"».

Loup Besmond de Senneville, La Croix

«Sainteté, merci beaucoup pour ces journées en Asie centrale. Au cours de ce voyage, il a été beaucoup question de valeurs et d'éthique, notamment lors du congrès interreligieux, la perte de l'Occident en raison de sa dégradation morale a été évoquée par certains chefs religieux. Quelle est votre opinion à ce sujet? Considérez-vous que l'Occident soit en état de perdition, menacé par la perte de ses valeurs? Je pense en particulier au débat qui a lieu sur l'euthanasie, sur la fin de vie, un débat qui a eu lieu en Italie, mais aussi en France et en Belgique».

«C’est vrai que l'Occident, en général, n'est pas au plus haut niveau d'exemplarité en ce moment. Ce n'est pas un enfant de la première communion, pas vraiment. L'Occident a pris de mauvais chemins, pensez par exemple à l'injustice sociale qu’il y a parmi nous. Il y a des pays qui sont un peu développés sur la justice sociale, mais je pense à mon continent, l'Amérique latine, qui est l’Occident. Pensons aussi à la Méditerranée, qui est l'Occident: c'est aujourd'hui le plus grand cimetière, non pas de l'Europe, mais de l'humanité. Ce que l'Occident a perdu en oubliant d'accueillir, alors qu’il a besoin de gens.

Quand on pense à l'hiver démographique que nous vivons, nous avons besoin de gens: aussi bien en Espagne - surtout en Espagne - qu'en Italie. Il y a des villages vides, seulement vingt vieilles femmes, et puis plus rien. Mais pourquoi ne pas faire une politique occidentale où les immigrants seraient inclus avec le principe que le migrant doit être accueilli, accompagné, promu et intégré? C'est très important, intégrer, mais au lieu de cela, non, on laisse les choses vides. C'est un manque de compréhension des valeurs, lorsque l'Occident a connu cela, nous sommes des pays qui ont migré. Dans mon pays - qui compte aujourd'hui 49 millions d'habitants, je crois - nous n'avons qu'un pourcentage de moins d'un million d'aborigènes, et tous les autres sont issus de l'immigration. Tout le monde: Espagnols, Italiens, Allemands, Slaves polonais, d'Asie Mineure, Libanais, tout le monde... Le sang s'est mélangé et cette expérience nous a beaucoup aidés. Ensuite, pour des raisons politiques, cela ne se passe pas bien dans les pays d'Amérique latine, mais je pense que la migration doit être prise au sérieux en ce moment, car elle augmente la valeur intellectuelle et cordiale de l'Occident.

Au contraire, avec cet hiver démographique, où allons-nous? L'Occident est en train de se décomposer sur ce point, il est un peu en perte de vitesse, il a perdu... Pensons à l'aspect économique: il se porte si bien. Mais pensons à l'esprit politique et mystique de Schuman, Adenauer, De Gasperi, ces grands: où sont-ils aujourd'hui? Il y a des grands, mais ils ne peuvent pas faire progresser la société. L'Occident a besoin de parler, de se respecter, et puis il y a le danger du populisme. Que se passe-t-il dans un tel état socio-politique? Il y a des messies qui naissent: les messies des populismes.

Nous voyons comment naissent les populismes, je crois que j'ai mentionné plusieurs fois ce livre de Ginzberg, Syndrome 1933: il raconte exactement comment naît le populisme en Allemagne après la chute du gouvernement de Weimar. C'est comme ça que naissent les populismes: quand il y a une moitié sans force, et que l’on promet le messie. Je pense que nous ne sommes pas au plus haut niveau, nous occidentaux, pour aider les autres peuples, ne sommes-nous pas un peu en décadence? Peut-être, oui, mais nous devons repartir des valeurs, des valeurs de l'Europe, des valeurs des pères fondateurs de l'Union européenne, les grands. Je ne sais pas, c’est un peu confus, mais je pense avoir répondu».

Loup Besmond de Senneville, La Croix

«Et sur l'euthanasie ?»

«Tuer n'est pas humain, point. Si vous tuez avec motivation, oui... vous finirez par tuer de plus en plus. Tuer, laissons cela aux animaux.» 

Iacopo Scaramuzzi, La Repubblica

«Je voudrais revenir sur cette dernière question: dans vos discours, vous avez beaucoup insisté sur le lien entre les valeurs, les valeurs religieuses et la vivacité de la démocratie. Selon vous, que manque-t-il à notre continent, à l’Europe? Que devrait-elle apprendre des autres expériences? Et, si je peux me permettre, j'ajouterais une chose: puisqu’il y aura en Italie dans quelques jours un exercice démocratique, un vote, puis un nouveau gouvernement. Lorsque vous rencontrerez le prochain président du Conseil ou la prochaine présidente du Conseil, que lui conseillerez-vous? Quelles sont, selon vous, les priorités pour l'Italie, quelles sont vos préoccupations, quels sont les risques à éviter?»

«Je pense avoir déjà répondu à cette question lors de mon dernier voyage. J'ai rencontré deux présidents italiens, de très haut niveau: Giorgio Napolitano et l'actuel. Des grands. Et les autres politiciens, je ne les connais pas. Lors de mon dernier voyage, j'ai demandé à l'un de mes secrétaires combien de gouvernements l'Italie avait eu au cours de ce siècle: vingt. Je ne sais pas l'expliquer. Je ne condamne ni ne critique, je ne peux simplement pas l'expliquer. Si les gouvernements changent comme ça, il y a beaucoup de questions à se poser. Parce qu'aujourd'hui, être un homme politique, un grand homme politique, est un chemin difficile. Un homme politique qui se met en jeu pour les valeurs de son pays, les grandes valeurs, et ne se met pas en jeu par intérêt, pour son siège, les avantages... Les pays, dont l'Italie, doivent chercher de grands hommes politiques, ceux qui ont la capacité de faire de la politique; ce qui est un art.

La politique est une noble vocation. Je pense que l'un des papes, je ne sais plus si c'est Pie XII ou saint Paul VI, a dit que la politique est l'une des plus hautes formes de charité. Nous devons nous efforcer d'aider nos politiciens à maintenir le niveau de la haute politique, et non de la politique de bas étage qui n'aide en rien, mais tire plutôt l'État vers le bas, l'appauvrit. Aujourd'hui, la politique dans les pays d'Europe devrait prendre en main le problème, par exemple, de l'hiver démographique, le problème du développement industriel, du développement naturel, le problème des migrants... La politique doit prendre les problèmes au sérieux afin de progresser. Je parle de la politique en général. Je ne comprends pas la politique italienne: rien que ce nombre de vingt gouvernements en vingt ans, un peu étrange, mais chacun a sa façon de danser le tango... On peut danser de l’une ou de l’autre façon et la politique se danse de l’une ou de l’autre façon. 

L'Europe doit recevoir les expériences des autres, certaines seront meilleures, d'autres non. Mais elle doit être ouverte, chaque continent doit être ouvert à l'expérience des autres».

Elise Allen, Crux

«Merci d'être avec nous ce soir. Hier, au Congrès, vous avez parlé de l'importance de la liberté religieuse. Comme vous le savez, le même jour, le président chinois est arrivé en ville. En Chine, cette question suscite de grandes inquiétudes depuis longtemps, surtout maintenant avec le procès à l’encontre du cardinal Zen. Considérez-vous ce procès comme une violation de la liberté de religion?»

«Pour comprendre la Chine, il faut un siècle, et nous ne vivons pas un siècle. La mentalité chinoise est une mentalité riche et quand elle tombe un peu malade, elle perd sa richesse, elle est capable de faire des erreurs. Pour comprendre, nous avons choisi la voie du dialogue, nous sommes ouverts au dialogue. Il y a une commission bilatérale Vatican-Chine qui procède bien, lentement, car le rythme chinois est lent. Ils ont une éternité pour poursuivre: c'est un peuple d'une patience infinie. À partir des expériences que nous avons vécues auparavant: pensons aux missionnaires italiens qui sont allés là-bas et qui ont été respectés en tant que scientifiques; pensons aussi aujourd'hui aux nombreux prêtres ou croyants qui ont été appelés par l'université chinoise parce que cela donne de la valeur à la culture. Il n'est pas facile de comprendre la mentalité chinoise, mais il faut la respecter, je la respecte toujours.

Et ici, au Vatican, il y a une commission de dialogue qui fonctionne bien, le cardinal Parolin la préside et c'est l'homme qui connaît le mieux la Chine et le dialogue chinois en ce moment. C'est une chose lente, mais on avance. Je n'ai pas envie de qualifier la Chine d’antidémocratique, car c'est un pays très complexe... Oui, c’est vrai qu'il y a des choses qui nous semblent antidémocratiques, c'est vrai. Le cardinal Zen passera en jugement ces jours-ci, je crois. Il dit ce qu'il ressent, et on voit qu’il y a des limites. Plutôt que de qualifier, parce que c'est difficile, et je n'ai pas envie de qualifier, ce sont des impressions. J'essaie de soutenir la voie du dialogue. Ensuite, dans le dialogue, beaucoup de choses sont clarifiées et pas seulement de l'Église, mais aussi dans d'autres domaines, par exemple l'extension de la Chine, les gouverneurs des provinces sont tous différents, il y a différentes cultures en Chine, c'est un géant, comprendre la Chine est une chose géante. Mais il ne faut pas perdre patience, il en faut, il en faut beaucoup, mais il faut procéder par le dialogue, j'essaie de m’abstenir de qualificatif... mais avançons».

Elise Allen, Crux

«Et Xi Jinping?»

«Il était en visite d'État, mais je ne l'ai pas vu». 

Maria Angeles Conde Mir, Rome Reports

«Dans la déclaration signée (lors du congrès, ndlr), tous les leaders soulignent un appel aux gouvernements et aux organisations internationales pour qu'ils protègent les personnes persécutées en raison de leur ethnie ou de leur religion. C'est malheureusement ce qui se passe au Nicaragua. Nous savons que vous en avez parlé le 21 août lors de l'Angélus. Mais peut-être pouvez-vous ajouter quelque chose de plus pour le peuple catholique, en particulier au Nicaragua. Puis, une autre chose: nous vous l’avons bien vu lors de ce voyage, et nous aimerions savoir si, après ce voyage, vous pourrez reprendre le voyage en Afrique que vous avez reporté, et si d'autres voyages sont prévus».

«Sur le Nicaragua, toutes les informations sont claires. Un dialogue existe. Il y a eu des discussions avec le gouvernement, il y a un dialogue. Cela ne signifie pas que l’on approuve tout ce que le gouvernement fait ou que l’on désapprouve tout. Non. Il y a un dialogue et il faut résoudre les problèmes. Actuellement, il y a des problèmes. Je m'attends au moins à ce que les sœurs de Mère Teresa puissent y retourner. Ces femmes sont de bonnes révolutionnaires, mais de l'Évangile! Elles ne font la guerre à personne. Au contraire, nous avons tous besoin de ces femmes. C'est un geste qu’on ne comprend pas... Mais espérons qu'elles rentreront. Et que le dialogue puisse se poursuivre. Mais il ne faut jamais interrompre le dialogue. Il y a des choses que l'on ne comprend pas. Renvoyer un nonce à la frontière est une chose grave sur le plan diplomatique. Le nonce est un brave homme qui a maintenant été nommé ailleurs. Ces choses sont difficiles à comprendre et aussi à avaler. Mais en Amérique latine, il y a ici et là des situations comme celle-ci.

Quant aux voyages, ils sont difficiles. Le genou n'est toujours pas guéri. C'est difficile, mais je ferai le prochain (en référence à un voyage prévu au Bahreïn en novembre prochain, ndlr). Puis j'ai parlé l'autre jour avec Monseigneur Welby (primat anglican, archevêque de Canterbury, ndlr) et nous avons vu comme une possibilité en février d'aller au Soudan du Sud. Et si je vais au Soudan du Sud, j'irai aussi au Congo. Nous essayons. Nous devons y aller tous les trois ensembles: le chef de l'Église d'Écosse, Monseigneur Welby et moi-même. Nous avons eu une réunion sur zoom l'autre jour à ce sujet».

Alexey Gotovskiy, Ewtn

«Merci Saint-Père d'avoir visité notre pays. Je voudrais vous demander: pour les catholiques vivant au Kazakhstan, où le contexte est majoritairement musulman, comment l'évangélisation peut-elle se faire? Et y a-t-il quelque chose qui vous a inspiré en voyant des catholiques au Kazakhstan?»

«Inspiré, je ne sais pas, mais j'étais heureux aujourd'hui dans la cathédrale de voir les catholiques si enthousiastes, heureux, joyeux. C'est mon impression sur les catholiques Kazakhstanais. Ensuite, la coexistence avec les musulmans: c'est un sujet sur lequel nous travaillons beaucoup et nous avons avancé, pas seulement au Kazakhstan. Pensons à certains pays d'Afrique du Nord, il y a une belle coexistence: au Maroc par exemple. Au Maroc, le dialogue est assez bon. Et effectivement je m'arrête sur la réunion religieuse (le Forum de ces jours-ci, ndlr). Quelqu'un a critiqué et m'a dit: c'est de la fomentation, c'est faire grandir le relativisme. Aucun relativisme! Chacun a eu son mot à dire, chacun a respecté la position de l'autre, mais nous dialoguons comme des frères. Car s'il n'y a pas de dialogue, il y a soit l'ignorance, soit la guerre. Mieux vaut vivre comme des frères, nous avons une chose en commun, nous sommes tous humains. Vivons comme des humains, bien éduqués: que penses-tu ?, et moi, qu’est-ce que je pense? Mettons-nous d'accord, parlons, apprenons à nous connaître. Ces guerres "de religion" mal comprises sont souvent dues à un manque de connaissance. Et ce n'est pas du relativisme, je ne renonce pas à ma foi si je parle avec la foi d'un autre, au contraire. J'honore ma foi parce qu'un autre l'écoute et j'écoute la sienne. Je suis resté très admiratif qu'un pays si jeune, avec tant de problèmes - le climat par exemple - ait pu organiser sept éditions d'une telle rencontre: une rencontre mondiale, avec des juifs, des chrétiens, des musulmans, des religions orientales. Autour de la table, on pouvait voir que tout le monde se parlait et s'écoutait avec respect. C'est l'une des bonnes choses que votre pays a faites. Qu'un pays comme celui-ci, un peu - disons - à l'écart du monde, organise une telle convocation. C'est l'impression que j’ai eue. Ensuite, la ville est d'une beauté architecturale de premier ordre. Et aussi les préoccupations du gouvernement, j'ai été très touché par les préoccupations du président du Sénat: il faisait progresser cette réunion, mais ensuite il a trouvé le temps de me présenter un jeune chanteur, que vous devez connaître… ce garçon ouvert à la culture. Je ne m'y attendais pas et j'ai été heureux de vous connaitre».

Rudolf Gehrig Ewtn

«Saint Père, de nombreuses Églises en Europe, comme l'Église allemande, subissent de sérieuses chutes de croyants, les jeunes ne semblent plus vouloir aller à la messe. Dans quelle mesure êtes-vous préoccupé par cette tendance et que voulez-vous faire?»

«C'est en partie vrai, en partie relatif. Il est vrai que l'esprit de la sécularisation, du relativisme, remet en cause ces choses, c'est vrai. Ce que l’on doit faire, tout d'abord, c'est être cohérent avec sa foi. Réfléchissons: si vous êtes évêque ou prêtre, et que vous n'êtes pas cohérent, les jeunes le sentent, et alors… au revoir! Lorsqu'une Église, quelle qu'elle soit, dans n'importe quel pays ou dans n'importe quel secteur, pense davantage à l'argent, au développement, aux plans pastoraux et non à la pastorale, et qu’elle poursuit dans cette direction, cela n'attire pas les gens. Lorsque j'ai écrit la lettre au peuple allemand il y a deux ans, il y a eu des pasteurs qui l'ont publiée et l'ont diffusée à chaque personne. Quand le pasteur était proche du peuple, il disait: le peuple doit savoir ce que pense le Pape. Je pense que les pasteurs doivent avancer, mais s'ils ont perdu l'odeur de leurs brebis et que les brebis ont perdu l'odeur de leurs pasteurs, on n'avance pas. Parfois - je parle de tout le monde, en général, pas seulement de l'Allemagne - on pense à la manière de se renouveler, de rendre la pastorale plus moderne: c'est bien, mais elle doit toujours être entre les mains d'un pasteur. Si la pastorale est entre les mains de "scientifiques" de la pastorale, qui opinent ici et disent ce qu'il faudrait faire là... (on n'avance pas, ndlr). Jésus a fait l'Église avec des pasteurs, pas avec des dirigeants politiques. Il a fait l'Église avec des personnes ignorantes, les douze étaient plus ignorants les uns que les autres et l'Église a continué. Pourquoi? À cause de l’odeur du troupeau avec le pasteur et de l’odeur du pasteur avec son troupeau. C'est la plus grande relation que je vois quand il y a une crise dans un lieu, dans une province. Je me demande: le pasteur est-il en contact, est-il proche du troupeau? Ce troupeau a-t-il un pasteur? Le problème, ce sont les pasteurs. Sur ce point, je me permets de vous suggérer de lire le commentaire de saint Augustin sur les pasteurs, il se lit en une heure mais c'est l'une des choses les plus sages qui ait été écrite pour les pasteurs et avec cela vous pouvez qualifier tel ou tel pasteur. Il ne s'agit pas de moderniser: bien sûr qu’il faut actualiser avec des méthodes. Cela est vrai, mais s'il manque le cœur du pasteur, aucune pastorale ne peut marcher. Aucune».

(transcription et traduction réalisées par le dicastère pour la Communication)

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15 septembre 2022, 21:00