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François: personne ne peut effacer la dignité violée, le mal subi, la confiance trahie

Pour le second rendez-vous de sa première journée à Edmonton dans l’Alberta, le Pape François s’est rendu en l’église du Sacré Cœur des Premières Nations, la paroisse de la communauté autochtone catholique. Prenant la parole, François a expliqué que jamais la honte ne devait s’effacer, et que jamais l’Église ne devait imposer des préceptes, mais être un temple de réconciliation aux portes toujours ouvertes.

Marine Henriot - Envoyée spéciale à Edmonton, Canada

La rencontre avec le Pape François dans la petite église du Sacré Cœur des Premières Nations, a débuté au son des tambours traditionnels autochtones. Premier à prendre la parole, le curé de la paroisse, le frère Susai Jésus, d’origine indienne, au Canada depuis 2008. Il a remercié le Souverain pontife d’avoir pris « sur son temps de repos estival» pour venir à la rencontre des communautés autochtones ; « nous souhaitons être unis à vous dans ce pèlerinage de guérison, de réconciliation et d'espérance». «Que notre rencontre aujourd’hui nous donne à tous de la force», a déclaré l’oblat de Marie Immaculée, devant ses paroissiens.  

Deux fidèles, issus de la communauté Métis, ont ensuite pris la parole pour partager l’histoire et l'activité de la paroisse qui nourrit des centaines de personnes chaque jour, malgré ses maigres fonds, diminués de surcroit par l’incendie accidentel qui l’a en partie détruite à la fin de l’été 2020. Aux abords de l’église, et de part et d’autre de la ville d’Edmonton, des centaines de personnes sans-abris cherchent à survivre. Les deux fidèles ont également remercié le Pape pour sa présence qui leur donne l’opportunité d’«affronter, comprendre, libérer et transcender nos traumatismes».  

Parmi la foule venue écouter le Pape François, un certain nombre de personnes faisait partie de la délégation reçue au Vatican au printemps. Parlant en espagnol, François a d’abord salué le sens de l’accueil de la communauté du Sacré Cœur des Premières Nations: «voici une maison pour tous, ouverte et inclusive, comme doit l’être l’Église, famille des enfants de Dieu où l’hospitalité et l’accueil, valeurs typiques de la culture autochtone, sont essentiels: où chacun doit se sentir bienvenu, indépendamment des événements du passé et des circonstances de chaque vie». Il a également remercié la paroisse pour sa mission de charité envers les personnes de la rue «si nombreuses dans ce pays riche». 

Le Pape François dans l'église du Sacré Coeur des Premières Nations, le 25 juillet 2022.
Le Pape François dans l'église du Sacré Coeur des Premières Nations, le 25 juillet 2022.

Entre les murs de l'édifice qui abrite de nombreuses oeuvres d'art autochtone, l'évêque de Rome a continué: «cela me fait de la peine de penser que des catholiques aient contribué aux politiques d’assimilation et d’affranchissement qui véhiculaient un sens d’infériorité, spoliant les communautés et les personnes de leurs identités culturelles et spirituelles, arrachant leurs racines et alimentant des attitudes préjudiciables et discriminatoires, et que tout cela ait été aussi fait au nom d’une éducation supposée chrétienne», avant de revenir sur le sens du mot «réconciliation»

«Chers amis, la réconciliation opérée par le Christ n’a pas été un accord de paix extérieur, une sorte de compromis pour contenter les parties», a-t-il dit aux fidèles. La réconciliation n’est pas tombée du ciel, a continué François, dans l’église construite en 1913 et désignée en 1991 par l’archevêque Joseph MacNeil comme paroisse nationale des Premières nations, Métis et Inuits. «C’est Jésus qui nous réconcilie entre nous sur la croix, sur cet arbre de vie, comme aimaient à le dire les premiers chrétiens.» Et sur cet arbre de vie précisément, les autochtones ont «beaucoup à nous apprendre». Un arbre représenté dans la physionomie même de cette petite église d’Edmonton, où un tronc unit le sol et l’autel.

La honte ne doit jamais s’effacer

Devant des fidèles visiblement émus, certains au visage fermé ou sombre, le Pape a poursuivi, gravement: «J’imagine la réticence, chez celui qui a souffert terriblement à cause des hommes et des femmes qui devaient donner un témoignage de vie chrétienne, devant une quelconque perspective de réconciliation». Car en effet, «personne ne peut effacer la dignité violée, le mal subi, la confiance trahie. Et même notre honte à nous, croyants, ne doit jamais s’effacer», «parce que c’est sur l’arbre de la Croix que la douleur se transforme en amour, la mort en vie, la déception en espérance, l’abandon en communion, la distance en unité», a-t-il expliqué.  

Une couverture traditionnelle offerte à François
Une couverture traditionnelle offerte à François

Poursuivant son discours, François est revenu sur la colère et la honte ressenties lorsqu’il pense à la «douleur indélébile» vécue par tant de personnes au sein des institutions ecclésiales: «cela s’est produit lorsque les croyants se sont laissés prendre par la mondanité et, au lieu de promouvoir la réconciliation, ils ont imposé leur modèle culturel.» Mais une telle attitude d’inculturation ne fonctionne jamais, «parce que le Seigneur n’agit pas ainsi: il ne contraint pas, n’étouffe pas et n’opprime pas; par contre, il aime toujours, libère et laisse libre.» Car, «on ne peut annoncer Dieu d’une manière contraire à Dieu. Et pourtant, combien de fois cela s’est-il produit dans l’histoire !», s’est exclamé le Saint-Père, «alors que Dieu se propose simplement et humblement, nous avons toujours la tentation de l’imposer et de nous imposer en son nom».

Garder les portes de l’Église ouvertes

«Au nom de Jésus, il ne faut plus agir ainsi dans l’Église», a appelé François. Le mot réconciliation «est pratiquement synonyme d’Église», «la maison où l’on se réconcilie, où l’on se réunit pour repartir et grandir ensemble.» 

Ainsi, le chemin est de ne «pas décider pour les autres, ne pas ranger tout le monde dans des schémas prédéterminés, mais se mettre devant le Crucifié et devant le frère pour apprendre à marcher ensemble.» Et l’Église devrait toujours être un temple avec des portes ouvertes, a conseillé l’évêque de Rome, où «nous rencontrons, nous servons et nous nous réconcilions».  

En conclusion de son discours, le Souverain pontife est revenu sur le tepee, la tente traditionnelle, représenté dans l’église du Sacré Cœur des Premières Nations et la signification de la tente dans la bible: «quand Israël marchait dans le désert, Dieu demeurait dans une tente qui était montée chaque fois que le peuple s’arrêtait: c’était la Tente de la Rencontre.» C’est pourquoi il faut toujours se souvenir que «Dieu a donc planté sa tente au milieu de nous et nous accompagne dans nos déserts: il n’habite pas dans des palais célestes, mais dans notre Église, qui désire être une maison de réconciliation.» 

Après le discours du Saint-Père, des tambours ont de nouveau résonné dans l’église survivante, qui accueillait la veille de la venue du Saint-Père sa première messe depuis l’incendie accidentel du 30 août 2020. En repartant sous les applaudissements et au son des tambours, le Pape François a pris le temps de saluer les personnes aux premiers rangs des bancs de l’église, recevant des cadeaux de certains survivants et paroissiens. 

Rencontre avec les peuples autochtones et la communautés paroissiales de l'Église du Sacré-Cœur à Edmonton

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25 juillet 2022, 18:01