Au Colisée, les familles du monde rassemblées sous la Croix du Christ

Le chemin de Croix du Vendredi Saint, présidé par le Saint-Père, s’est déroulé au Colisée ce 15 avril au soir en présence d’environ 10 000 fidèles. Plusieurs familles ont porté la Croix au long des 14 stations, au rythme des méditations qu’elles avaient rédigées, en témoignant de situations d’épreuve telles que le handicap, la stérilité, le deuil. La guerre en Ukraine fut également évoquée, avec une famille ukrainienne et une famille russe priant en silence avec l'assemblée.

Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

La Passion du Christ se prolonge à travers les souffrances des familles du monde. C’est ce dont ont témoigné quatorze d’entre elles lors de ce chemin de Croix qui s’est tenu au Colisée ce Vendredi Saint. Après deux années sur la Place Saint-Pierre en raison de la pandémie de Covid-19, le Via Crucis a en effet retrouvé le lieu où il se tient traditionnellement depuis 1964, à l’époque du pontificat de saint Paul VI.

L’année de la famille – Amoris Laetitia que vit actuellement l’Église universelle à l’initiative du Pape François a motivé ce choix de confier la rédaction des méditations à des familles.


Dans la pénombre qui enveloppait la Ville éternelle – la célébration ayant commencé vers 21h15 – les derniers moments de la vie terrestre du Christ, de Gethsémani jusqu’au Golgotha, ont donc été reparcourus par des familles et couples aux situations variées: jeunes mariés, missionnaires, parents adoptifs, familles traversant le deuil, la maladie, confrontées au handicap, à la migration, à la guerre, au veuvage... Autant de témoignages délivrés avec pudeur, simplicité et profondeur, qui ont rendu ce chemin de Croix tout aussi incarné que poignant. L’assemblée, très nombreuse aux abords du Colisée, suivait les prières et méditations à la lueur de flambeaux, formant vu d’en-haut un parterre de lueurs rouges. Pendant ce temps cheminait la procession, partie de l'enceinte de l’amphithéâtre Flavien jusqu’à rejoindre l’extérieur après quelques stations. Autour de la Croix, des parents, des enfants, et des représentants du clergé romain. Le Souverain Pontife écoutait avec recueillement, assis à proximité d'une croix illuminée par des bougies. 

La fécondité après le dépouillement

«Nous sommes en train de nous rendre compte que le mariage n'est pas seulement une aventure romantique, mais que c'est aussi Gethsémani, c'est aussi l'angoisse avant de briser ton corps pour l’autre», a d’abord expliqué un couple de jeunes mariés, lancés sur le chemin du mariage dont, lucides, ils n’ignorent pas les embûches. Mais à l’heure de l’épreuve, le Christ est là à Gethsémani qui implore le Père avec eux.

«Puis la vie nous a découverts plus fragiles et, en même temps, elle nous a dépouillés de nos attentes, nous faisant cheminer sur une route bien souvent ardue, au bout de laquelle nous nous sommes retrouvés face à l'impossibilité de devenir parents ; en faisant souvent l’expérience douloureuse de jugements sur notre stérilité», ont confié quant à eux un couple sans enfant. Mais ces regards acrimonieux, semblables à ceux reçus par le Seigneur au Prétoire, ne les empêchent pas de «marcher chaque jour, en nous tenant par la main, en prenant soin d'une communauté de frères et d'amis qui, dans  la solitude et la tendresse, est devenue au fil du temps une maison et une famille».

Car au milieu des ténèbres venues menacer ou submerger la vie de ces familles, des rayons de lumière percent et viennent ouvrir un chemin de vie. «Malgré les pensées et la densité de nos journées, qui semblent ne jamais suffire, nous ne reviendrions jamais en arrière», a expliqué une famille bousculée par l’arrivée de plusieurs enfants. «Nous ne sommes pas à l'abri de la croix du doute ou de la tentation de nous demander comment ça aurait été si les choses avaient été différentes. Mais, en réalité, le handicap est une condition, pas une caractéristique, et l'âme, grâce à Dieu, ne connaît pas de barrières», ont assuré des parents aux côtés de leur enfant handicapé.

Transformés par l’amour

L’épreuve endurée par Jésus il y a deux mille ans, puis sa Résurrection, donnent aux familles d’aujourd’hui une espérance plus forte que les nuits du quotidien. Dans le mystère du mal brille par contraste la plus grande dignité de l’être humain.

«Par cette maladie, sur cette croix, nous sommes devenus le pilier sur lequel les enfants savent qu'ils peuvent s'appuyer. Il n’en était pas ainsi auparavant. Je pourrais presque dire qu'aujourd'hui, avec ses yeux pénétrants dans leur douleur glabre, elle est pleinement mère et épouse. Sans fioritures, dans l'essentiel d'une vie plus difficile et nouvelle», a ainsi déclaré le mari d’une femme gravement malade.   

Les parents d’un enfant adopté l’ont reconnu aussi: «il n'y a pas un jour où nous ne nous réveillons en pensant que cela en valait la peine, que tous ces efforts ne sont pas vains, que cette croix, bien que douloureuse, cache un secret de bonheur».

Ce secret de bonheur donné par la Croix est aussi un secret d’amour, qui «se multiplie parce qu'il est gratuit», a expliqué une jeune veuve. En Jésus crucifié, «l'Amour est rendu tangible, car dans notre abîme et nos difficultés, nous ne sommes pas abandonnés», a-t-elle poursuivi. Une foi qui soutient, ou qui travaille les cœurs, comme en ont témoigné avec humilité les parents d’une personne consacrée: «nous avons compris qu'on ne peut pas lutter contre Toi. Nous sommes un vase, et tu es la mer. Nous sommes une étincelle et tu es le feu. Et donc, comme le bon larron, nous Te demandons de Te souvenir de nous lorsque tu entreras dans ton Royaume».  

Silencieux dans une même douleur

Au sommet du Calvaire, lors de la 13e station, celle de la mort du Christ, une infirmière russe et une infirmière ukrainienne ont tenu ensemble la Croix. Une image forte de ce via Crucis, alors que la guerre continue de faire rage en Ukraine. «Face à la mort, le silence est plus éloquent que les mots. Restons donc debout dans le silence de la prière, et que chacun de nous prie dans son cœur pour la paix dans le monde», a-t-il été déclaré sobrement, avant que la foule ne se recueille quelques instants, dans un saisissant silence.  

Enfin, spirituellement à côté du tombeau du Christ, une famille de migrants originaires de République Démocratique du Congo a parlé de son exil et de sa nouvelle condition sur le sol italien. «Nous qui étions importants chez nous, nous sommes ici des numéros, des catégories, des simplifications. Pourtant, nous sommes bien plus que des immigrés. Nous sommes des personnes», a plaidé le couple. «Nous sommes catholiques, mais même cela semble parfois passer au second plan par rapport au fait que nous sommes des migrants», ont regretté Raoul et Irène. Mais là aussi, l’espérance a eu le dernier mot: «Si nous ne nous résignons pas, c'est parce que nous savons que la grande pierre devant la porte du tombeau sera un jour roulée».


La prière du Pape François

Ce chemin de Croix au Colisée s’est conclu par la prière suivante, lue par le Souverain Pontife:

«Père miséricordieux,

Toi qui fais lever le soleil sur les bons et les méchants,

n'abandonne pas le travail de tes mains,

pour lequel tu n'as pas hésité

à livrer ton Fils unique,

né de la Vierge,

crucifié sous Ponce Pilate,

mort et enseveli au cœur de la terre,

ressuscité des morts le troisième jour,

apparu à Marie Madeleine,

à Pierre, aux autres Apôtres et aux disciples,

toujours vivant dans la sainte Église,

son Corps vivant dans le monde.

Garde allumée dans nos familles

la lampe de l'Évangile.

Qu’elle illumine les joies et les peines,

les efforts et les espérances :

que chaque foyer reflète le visage de l'Église,

dont la loi suprême est l'amour.

Par l'effusion de ton Esprit

aide-nous à nous dépouiller du vieil homme

corrompu par des passions trompeuses,

et à nous revêtir de l'homme nouveau

créé dans la justice et la sainteté.

Tiens-nous par la main comme un Père,

pour que nous ne nous éloignions pas de Toi.

Convertis nos cœurs rebelles à ton cœur,

pour que nous apprenions à suivre des projets de paix.

Conduis les adversaires à se serrer la main,

afin qu'ils puissent goûter le pardon mutuel.

Désarme la main levée du frère contre le frère,

pour que là où il y a de la haine, fleurisse la concorde.

Fais que nous ne nous comportions pas en ennemis de la croix du Christ,

afin de participer à la gloire de sa résurrection.

Lui qui vit et règne avec toi,

dans l'unité du Saint-Esprit,

pour les siècles des siècles.»

Revoir l'intégralité du chemin de Croix, commenté en français

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15 avril 2022, 22:30