Le Pape saluant des migrants, en l'église de la Sainte-Croixà à Nicosie, le 3 décembre 2021. Le Pape saluant des migrants, en l'église de la Sainte-Croixà à Nicosie, le 3 décembre 2021. 

François appelle au réveil des consciences face à la détresse des migrants

Pour sa dernière prise de parole en territoire chypriote, le Pape François s’est rendu en l’église de la Sainte-Croix, près de la ligne de démarcation, pour une rencontre œcuménique avec des migrants. Il s’est une nouvelle fois dressé avec émotion et fermeté contre l’indifférence de certains face à la détresse des migrants.

Vatican News

Après avoir écouté les témoignages de quatre jeunes migrants, venus du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Asie, le Pape s’est dit très ému, en expliquant que son émotion «vient de la beauté de la vérité». Il a cité ces paroles de Jésus dans l’Évangile de Matthieu: «Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange: ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits».

L’évêque de Rome a ensuite cité la Lettre de saint Paul aux Éphésiens, «vous n’êtes plus des étrangers ni des gens de passage, vous êtes concitoyens des saints, vous êtes membres de la famille de Dieu» (Ep 2, 19). Cette parole exprime «la prophétie de l’Église, une communauté qui, avec toutes les limites humaines, incarne le rêve de Dieu», a expliqué le Pape.

La réaction de Mariamie Welo qui a témoigné devant le Pape

Désamorcer la haine en prenant la voie de la fraternité

«Dieu rêve aussi, comme toi, Mariamie, qui viens de la République Démocratique du Congo, et qui t’es définie comme “pleine de rêves”. Comme toi, Dieu rêve d’un monde de paix, dans lequel ses enfants vivent comme des frères et sœurs», a assuré François à une Congolaise qui venait de présenter son témoignage. «Nous ne sommes pas des numéros, des individus à cataloguer. Nous sommes “frères”, “amis”, “croyants”, “proches” les uns des autres», a insisté François, fils de migrants italiens venus tenter leur chance en Argentine dans les années 1920.

«Lorsque toi, Maccolins, qui viens du Cameroun, tu dis qu’au cours de ta vie tu as été “blessé par la haine”, tu nous rappelles que la haine a aussi pollué nos relations entre chrétiens», a remarqué le Pape. «Nous sommes sur le chemin du conflit à la communion. Sur ce long chemin fait de montées et de descentes, il ne faut pas avoir peur des différences entre nous, mais plutôt de nos fermetures et de nos préjugés, qui nous empêchent de nous rencontrer vraiment et de marcher ensemble.»

Dans une allusion à la blessure propre à l’île de Chypre et la barrière toute proche de cette église, François a redit que «les fermetures et les préjugés reconstruisent entre nous ce mur de séparation que le Christ a abattu, celui de l’inimitié». «Le Seigneur Jésus, vient à notre rencontre avec le visage du frère marginalisé et rejeté. Avec le visage du migrant méprisé, rejeté, en cage», mais aussi celui du migrant «qui voyage vers quelque chose, vers une espérance, vers une coexistence plus humaine», a expliqué le Pape, en dénonçant une nouvelle fois la «culture de l’indifférence» dans laquelle beaucoup se complaisent.

Le rêve d’un monde réconcilié

«Dieu nous parle à travers vos rêves. Il nous appelle, nous aussi, à ne pas nous résigner à un monde divisé, à une communauté chrétienne divisée, mais à cheminer dans l’histoire attirés par le rêve de Dieu: une humanité sans murs de séparation, libérée de l’inimitié, avec non plus des étrangers mais seulement des concitoyens. Différents, certes, et fiers de nos particularités, qui sont un don de Dieu, mais concitoyens réconciliés», a insisté l’évêque de Rome.

«Que cette île, marquée par une douloureuse division, devienne un laboratoire de fraternité», a demandé le Pape, rappelant que «la reconnaissance effective de la dignité de toute personne humaine» et «l’ouverture confiante à Dieu, le Père de tous» sont deux conditions complémentaires et indispensables à l’édification d’une société harmonieuse. «À ces conditions, il est possible que le rêve se transforme en un voyage quotidien, fait de pas concrets allant du conflit à la communion, de la haine à l’amour», a assuré François.

Le cri du Pape contre l’indifférence

Avec gravité, le Pape est ensuite sorti de son texte en évoquant la mémoire des nombreux migrants disparus en chemin, notamment ceux qui se sont noyés en Méditerranée, une mer devenue un «grand cimetière».

Évoquant une nouvelle fois les marchés aux esclaves dont des documentaires ont montré l’horreur, il a dressé un parallèle avec les personnes persécutées sous les régimes d’Hitler et de Staline. Il a aussi exprimé sa colère contre ceux qui dressent des fils barbelés aux frontières pour empêcher l’arrivée des réfugiés. Ces personnes fuient la haine mais se trouvent confrontés à d’autres formes de haine, a-t-il déclaré avec fermeté.

«Que le Seigneur réveille la conscience de nous tous ! Nous ne pouvons pas nous taire et regarder ailleurs!», a exhorté François. «La migration forcée n’est pas une habitude touristique», a martelé le Pape, dénonçant une nouvelle fois l’indifférence de l’Occident.

Il a aussi dénoncé un «esclavage universel» auquel beaucoup s’habituent. «Cette manière de s’habituer est une maladie très grave», a tonné le Pape, s’attristant aussi de l’humiliation vécue par ceux qui ont été expulsés au terme de voyages souvent ruineux.

Prière oecuménique avec les migrants

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03 décembre 2021, 15:55