Scholas Occurrentes: un nouveau cri du Pape contre l’esclavage moderne

François a rencontré 50 jeunes de Scholas Occurrentes au Collège Pontifical International Maria Mater Ecclesiae. Répondant à quelques questions, il a une nouvelle fois dénoncé des «camps de concentration» le long des côtes libyennes, où les migrants sont «capturés».

Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican

«Nous devons ouvrir nos cœurs à la vie du réfugié. Ce n'est pas quelqu'un qui est venu pour faire du tourisme dans un autre pays, ni quelqu'un qui s'est échappé pour des raisons commerciales, c'est quelqu'un qui s'est échappé pour vivre, et qui risque sa vie pour vivre.»

C'est l'histoire d'un jeune réfugié rwandais, qui a fui avec sa famille le génocide de 1994, puis a atterri en République démocratique du Congo et est maintenant accueilli par la communauté de Scholas Occurrentes, qui a ému le cœur du Pape et l'a poussé à lancer une nouvelle dénonciation d'un drame qui se déroule encore sous les yeux de tous. Celle des réfugiés, victimes du rejet et de l'indifférence.

Depuis la salle de congrès du Collège international pontifical Maria Mater Ecclesiae, dans le quartier d'Aurelia à Rome, le Pape a échangé avec des jeunes issus d'une cinquantaine de pays, assis à même le sol. Il l'a fait après avoir assisté à des chants et des témoignages, ainsi qu'à une représentation théâtrale particulière, où les jeunes, portant des masques blancs avec des bandes de différentes couleurs, ont voulu symboliser "el dolor" ("la douleur") qui afflige les jeunes d'aujourd'hui.

La femme n’est pas une marchandise

À l'occasion de la Journée internationale contre la violence à l'égard des femmes, François a exprimé une pensée particulière pour les nombreuses filles, mères, épouses, sœurs, traitées comme des marchandises.

«Aujourd'hui, la vie d'un réfugié est très difficile. J'ai étudié et vu ce qui se passe sur les côtes libyennes avec ceux qui reviennent, avec ceux qui sont ensuite pris par les mafias qui les exploitent, les torturent, vendent les femmes. Vous qui êtes des femmes, vous pouvez imaginer ce que cela signifie d'être vendues comme des marchandises, cela se passe aujourd'hui avec des filles comme vous, avec des jeunes mères», a-t-il expliqué à s’adressant à des étudiantes.

Des frères et des sœurs, pas des numéros

«Les réfugiés qui risquent leur vie en fuyant, et qui risquent leur vie en Méditerranée, dans la mer Égée, dans l'Atlantique en direction des îles Canaries, ces réfugiés n'ont qu'une obsession, sortir, sortir, sortir», a encore martelé François. «Lorsque nous parlons de réfugiés, nous ne parlons pas de chiffres, nous parlons de nos frères et sœurs qui ont dû fuir et dont certains n'ont pas pu et ont été pris dans ces camps de concentration qui existent, et je parle de la côte libyenne», a expliqué le Pape argentin.

Il’a expliqué avoir récemment lu un livre intitulé, en espagnol "Hermanito" (Petit frère): «C'est simplement la vie d'un garçon dont le petit frère est parti pour venir en Europe et qui l'a suivi dans toute l'Afrique, et il raconte ce qu'est la vie d'un réfugié. J'ai rencontré de nombreux réfugiés qui me disent combien de temps il leur a fallu pour arriver en Europe, des années, deux ou trois ans, à fuir et à marcher. La vie d'un réfugié, c'est vivre dans la rue mais pas dans votre rue, pas dans la rue de votre ville, dans la rue de la vie où l'on est ignoré, piétiné, traité comme un moins que rien», s’est insurgé le Pape.

S’échapper de la «prison» du conformisme social

François a donc invité les jeunes à être reconnaissants pour leur confort, leur sécurité, sans pour autant se laisser emprisonner dans des routines. «Apprenez à vous échapper des prisons qui vous sont présentées par les habitudes sociales déjà déterminées, le socialement correct. Parfois, ils vous emprisonnent avec des comportements qui vous rendent amidonné, qui vous empêchent de ressentir, qui vous empêchent d'entendre. Un réfugié fuit parce qu'il a un sentiment, un sentiment de liberté, un sentiment de justice, un sentiment.»

Il appelé notamment les garçons à assumer leurs émotions. «Est-ce que tu laisses tes sentiments grandir pour pouvoir les discerner plus tard, ou est-ce que tu les caches? Si vous cachez vos sentiments, ils exploseront, et exploseront mal, dans le comportement social que nous voyons tous les jours. Si vous laissez vos sentiments sortir, vous avez l'obligation de les discerner et de les gérer, cela vous donnera de la maturité.»

Prêter attention aux appels au secours

Il a remarqué que les «enfants terribles» qui sèment parfois le désordre dans les groupes expriment souvent, avant tout, un «appel au secours» auquel les autres jeunes et les éducateurs doivent répondre avec patience et bienveillance. «Quand vous voyez un jeune faire des bêtises, passer de l'autre côté, c'est parce que d'une certaine manière il attire l'attention (pas toujours dans le mauvais sens du terme). Il demande de l'aide à une société qui a un visage vide, un visage blanc, politiquement correct, tous les mêmes, tous les mêmes à l'extérieur… mais où est votre cœur?», a demandé François.

Des garçons et des filles provenant des cinq continents et appartenant à différentes religions et différents milieux socio-économiques ont écouté le Pape durant cette rencontre: des réfugiés ainsi que des étudiants d'universités prestigieuses ou des jeunes qui, sans cette initiative, auraient été exclus du système éducatif. Jusqu'au 28 novembre, ils partageront en présence les différentes expériences qu'ils ont vécues jusqu'à présent pendant la pandémie, et les leçons apprises dans leurs communautés.

Cinquante de ces jeunes entameront une année de formation humaine et politique inspirée de l'encyclique Fratelli tutti dans le but de créer une réponse en phase avec leur temps, et portant une attention aux périphéries géographiques et sociales. 

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25 novembre 2021, 18:36