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«Le nom de Dieu est paix»: appel interreligieux en présence du Pape

Le Pape François s’est rendu ce jeudi 7 octobre après-midi à la cérémonie de clôture de la 35eme rencontre internationale interreligieuse organisée à Rome par la communauté de Sant’Egidio. Devant le Colisée, différents responsables religieux étaient réunis pour lancer un appel commun en faveur de la paix, proclamé par une réfugiée afghane, demandant notamment que soit «repris rapidement» le processus de désarmement.

Cet appel pour la paix est la conclusion d’une semaine à forte dimension interreligieuse pour le Pape François. En compagnie – entre autres - du grand imam de l’université égyptienne d’al-Azhar, Ahmad al-Tayyeb et du patriarche de Constantinople de l’Église orthodoxe, Bartholomée Ier, le Saint-Père avait partagé lundi un appel à la protection de l’environnement pour les décideurs participants à la COP26 à Glasgow, et le lendemain un appel pour promouvoir l’éducation.

Cette fois-ci, à quelques mètres du Colisée, en plein cœur de la Rome antique, les différents responsables religieux se sont retrouvés pour la clôture de la rencontre interreligieuse pour la paix promue par la communauté de Sant’Egidio, dont le thème était cette année "Peuples frères, terre future. Religion et cultures en dialogue". Aux côtés du Pape François, du grand imam al-Azhar et de Bartholomée 1er se tenaient Princhas Goldschmidt, président de la conférence des rabbins d’Europe, Shoten Minegishi, représentant de la communauté bouddhiste Soto Zen, Lakshmi Vyas, présidente du forum hindou européen et Jaswant Singh, représentant de la communauté sikh. Il y avait aussi la chancelière allemande Angela Merkel, Edith Bruck, écrivain et rescapée des camps de concentration, à qui le Pape François avait rendu visite en février dernier, et Sabera Ahmadi, une jeune réfugiée récemment partie d’Afghanistan, son pays d’origine.

Avoir le «courage de la compassion»

Pendant un peu plus d’une heure et demie, chants, prières et prises de parole se sont succédées, dont celle du Souverain Pontife.

Le Pape avait choisi le thème de la rencontre comme fil rouge de son discours.

Il a d’abord déploré tout ce qui peut nuire à la fraternité entre le peuples. «On ne peut pas jouer avec la vie des peuples et des enfants. On ne peut pas rester indifférents», a-t-il lancé, appelant à avoir «le courage de la compassion, qui fait aller au-delà d’une vie tranquille, au-delà du cela ne me regarde pas et du cela ne m’appartient pas. Afin de ne pas laisser la vie des peuples se réduire à un jeu entre puissants». Il a également dénoncé les «passions sectaires et nationalistes» et les «rivières souterraines d’argent» qui provoquent la souffrance des peuples, ainsi que «l’affrontement militaire qui s’impose comme moyen décisif».  

Le Pape prononce son discours devant le Colisée
Le Pape prononce son discours devant le Colisée

Les croyants doivent désarmer les cœurs

«Nous sommes appelés, en tant que représentants des religions, à ne pas céder aux flatteries du pouvoir mondain, mais à être la voix des sans-voix, le soutien des souffrants, les avocats des opprimés, des victimes de la haine, rejetées par les hommes en ce monde, mais précieuses devant Celui qui habite dans les Cieux», a souligné le Saint-Père.

Les croyants ont donc pour mission essentielle d’encourager sans relâche à «déposer les armes, réduire les dépenses militaires pour contribuer aux besoins humanitaires, convertir les instruments de mort en instruments de vie». «Il ne s’agit pas là de paroles creuses, a précisé François, mais des demandes instantes que nous formulons pour le bien de nos frères, contre la guerre et la mort, au nom de Celui qui est paix et vie». Et de résumer: «moins d’armes et plus de nourriture, moins d’hypocrisie et plus de transparence, plus de vaccins distribués équitablement et moins de fusils vendus imprudemment».

Désamorcer «la tentation intégriste»

Le Successeur de Pierre a ensuite redit «l'importance de marcher ensemble pour la paix: les uns avec les autres, jamais plus les uns contre les autres». La paix, a-t-il poursuivi, est avant tout une «attitude du cœur» et non un accord ni une simple valeur. «Elle naît de la justice, elle grandit dans la fraternité, elle vit de gratuité». «Au nom de la paix, je vous en prie, désamorçons dans chaque tradition religieuse la tentation intégriste, toute suggestion de faire du frère un ennemi», a imploré le Pape devant l’assemblée.

Cet ardent désir de paix est inséparable du «rêve de la terre future», a-t-il poursuivi en nommant le deuxième volet du thème de cette rencontre interreligieuse. Et de préciser qu’«il s’agit de l'engagement pour le soin de la création, pour la maison commune que nous laisserons aux jeunes. Les religions, en cultivant une attitude contemplative et non prédatrice, sont appelées à écouter les gémissements de notre terre mère qui subit tant de violence».

Miser sur la prière et l’action

La pandémie est par ailleurs venue montrer que «beaucoup sont tombés malades de l’oubli, oubli de Dieu et de nos frères». L’oubli et ses corollaires, l’autosuffisance et la cupidité, sont la «souillure de notre cœur» déversée sur la création, a noté François.

Alors quels remèdes dans «ce climat dégradé»? «La prière et l'action peuvent réorienter le cours de l'histoire», a indiqué le Saint-Père. Et d’encourager les croyants de toute religion à garder devant les yeux la vision de «la terre comme maison commune, habitée par des peuples frères. Oui, nous rêvons de religions sœurs et de peuples frères! Des religions sœurs, qui aident les peuples à être des frères en paix, gardiens réconciliés de la maison commune de la création», a conclu le Pape.

Sabera Ahmadi, une jeune femme afghane qui a lu l'appel à la paix, salue le Pape François
Sabera Ahmadi, une jeune femme afghane qui a lu l'appel à la paix, salue le Pape François

La voix d’une réfugiée afghane pour appeler à la paix

Peu après l’intervention du Souverain Pontife une minute de silence a été observée pour les victimes de toutes les guerres.

Puis Sabera Ahmadi a prononcé l’appel pour la paix suivant, dont voici une traduction intégrale en français:

«Dans le monde, il y a de nombreuses guerres ouvertes, des menaces terroristes, des violences graves. L'utilisation de la force comme instrument de politique internationale est réhabilitée. Malheureusement, une génération qui a vécu la Seconde Guerre mondiale est en train de disparaître, et le souvenir de l'horreur de la guerre se perd. Les progrès significatifs vers une culture de la paix, qui ont conduit au développement d'une vision partagée du destin commun de l'humanité, sont remis en question.

Les gens souffrent. Les réfugiés souffrent de la guerre et des crises environnementales, des laissés-pour-compte, des faibles, des sans-défense souffrent. Souvent ce sont des femmes offensées et humiliées, des enfants sans enfants, des personnes âgées abandonnées. Les pauvres, souvent invisibles, participent aujourd'hui d'une manière particulière à notre rencontre : ils sont les premiers à invoquer la paix. Les écouter nous fait mieux comprendre la folie de tous les conflits et de la violence.

Les religions peuvent construire la paix et éduquer à la paix. Les religions ne peuvent pas être utilisées pour la guerre. Seule la paix est sainte, et que personne n'utilise le nom de Dieu pour bénir la terreur et la violence. Si vous voyez des guerres autour de vous, ne vous résignez pas! Les peuples aspirent à la paix. La fraternité entre les religions progresse, malgré les difficultés. Nous remercions tous les amis du dialogue dans le monde et leur disons : courage!  L'avenir du monde dépend de ceci : que nous nous reconnaissions comme des frères. Les peuples ont un destin de frères sur la terre.

Le processus de désarmement, actuellement bloqué, doit être repris rapidement. Il faut mettre un terme au commerce des armes et à leur utilisation. Il faut faire progresser le désarmement nucléaire. La prolifération des armes nucléaires est une menace incroyable. La paix doit être faite. La paix, c'est aussi le respect de la planète, de la nature et des créatures. La destruction de l'environnement est due à l'arrogance d'un être humain qui se sent propriétaire. Un moi maître devient un moi prédateur, prêt à la domination et à la guerre.

Les peuples frères et la terre future sont inextricablement liés. La pandémie a montré combien les êtres humains sont dans le même bateau, liés par des fils profonds. L'avenir n'appartient pas à l'homme du gaspillage et de l'exploitation, qui vit pour lui-même et ignore les autres. L'avenir appartient aux femmes et aux hommes solidaires et aux peuples frères. Que Dieu nous aide à reconstruire la famille humaine commune et à respecter notre mère la terre. Devant le Colisée, symbole de grandeur mais aussi de souffrance, réaffirmons avec la force de la foi que le nom de Dieu est paix.»

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07 octobre 2021, 17:48