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Le Pape François et une personne âgée lors d'une audience en octobre 2016 Le Pape François et une personne âgée lors d'une audience en octobre 2016  

François: personnes âgées et grands-parents, le “nous” qui fait renaître l'humanité

Après l'annonce de la Journée mondiale des grands-parents et des personnes âgées par le Saint-Père, nous retraçons ses réflexions sur le troisième âge, en n'oubliant pas que beaucoup de personnes âgées ont payé un lourd tribut à la pandémie, notamment en terme de solitude.

Benedetta Capelli - Cité du Vatican

«Ce que l’arbre a de fleuri ne vit que de ce qu’il a d’enseveli»

Il semble que ces vers du poète argentin Francisco Luis Bernárdez ont été déposés dans l'âme du Pape, avant de fleurir et d’illuminer sa vision du troisième âge, auquel François ne cache pas son appartenance. Lors de l'audience générale du 11 mars 2015, il rappelait qu'aux Philippines, on l'appelait “Lolo Kiko”, grand-père François.

Une phase de la vie qui ne doit pas être gaspillée, car «ce n'est pas le moment de tirer les rames dans la barque», mais qui doit être parcourue, a suggéré le Pape, comme «une vocation faite de grâce et de mission». Un chemin que l'on est appelé à «inventer» aussi pour «combler le vide d'ingratitude» qui entoure la vieillesse et pour «donner de la dignité à la mémoire et aux sacrifices» des générations passées.

«Nous pouvons rappeler aux jeunes ambitieux qu'une vie sans amour est une vie stérile. Nous pouvons dire à des jeunes gens craintifs que l'angoisse de l'avenir peut être surmontée. Nous pouvons apprendre aux jeunes qui sont trop amoureux d'eux-mêmes qu'il y a plus de joie à donner qu'à recevoir».


L’imagination de l'amour

Enseigner donc avec la vie, avec la proximité, avec la présence comme le faisait grand-mère Rosa avec François, devenant la racine de l'arbre de sa foi. De «racines», le Pape parle souvent quand il explique, surtout aux jeunes, que leurs grands-parents sont des «arbres» dont il faut aussi s'occuper avec des gestes de tendresse, qu’il faut surprendre en utilisant «l'imagination de l'amour», qui doivent être visités et recherchés parce que sans leur «mémoire» on ne peut pas s'épanouir. «Poètes de la prière», «hommes et femmes, pères et mères», affirmait François le 4 mars 2015 lors de l'audience générale, «qui nous ont précédés sur notre même chemin, dans notre même maison, dans notre combat quotidien pour une vie digne».

Les gardiens de la mémoire

Reconnaître le chemin et l'histoire des grands-parents et des aînés, c'est partager leurs rêves, contrer dans la rencontre la «culture du rejet» et appeler les jeunes à une nouvelle alliance. C'est précisément cette dernière pensée que François confesse avoir «dans son cœur», ainsi qu’on peut le lire dans la préface du livre La Sagesse du Temps du père Antonio Spadaro, dans lequel sont rassemblées environ 250 interviews de personnes âgées dans plus de 30 pays des cinq continents. Pour les jeunes, le Pape invoque «un regard vers l'horizon et vers le haut, afin de voir les étoiles», mais aussi «cet esprit d'utopie saine qui conduit à rassembler des énergies pour un monde meilleur».

«Je confie ce livre aux jeunes pour qu'ils puisent dans les rêves des personnes âgées leurs visions d'un avenir meilleur. Pour marcher vers l'avenir, nous avons besoin du passé, nous avons besoin de racines profondes qui nous aident à vivre le présent et ses défis. Nous avons besoin de mémoire, nous avons besoin de courage, nous avons besoin d'une utopie saine. C'est ce que je voudrais: un monde qui vit une nouvelle étreinte entre jeunes et anciens».

La famille qui a un avenir

On ne peut certainement oublier l'étreinte d'un grand-père ou d'une grand-mère. Une nouvelle étreinte, écrit le Pape dans Amoris Laetitia, qui défie «le virus de la mort», la culture du rejet, dominante dans le monde d'aujourd'hui mais à laquelle l'Église doit répondre, souligne-t-il encore, en ne se conformant pas «à une mentalité d'intolérance, et encore moins d'indifférence et de mépris, envers la vieillesse». L'invitation était alors, comme maintenant, de réveiller «le sens collectif de la gratitude, de l'appréciation, de l'hospitalité, qui font que les personnes âgées se sentent une partie vivante de leur communauté». François, rappelant la mémoire des saints Anne et Joachim, dans un tweet de 2018, parlait des grands-parents comme d'un «trésor de famille» insistant pour qu'ils soient aimés et qu'on les fasse parler aux enfants.

«Une famille qui ne respecte pas et ne s’occupe pas des grands-parents, qui sont sa mémoire vivante, est une famille désintégrée ; mais une famille qui se souvient est une famille qui a de l’avenir». (Amoris Laetitia, 193)


La peur dans les yeux des grands-parents

La pandémie a contribué à éloigner les familles, en rendant impossible l'échange de baisers et de caresses pour protéger la santé des plus fragiles. Le prix payé par les personnes âgées a été très élevé, avec des maisons de repos devenues des foyers de contamination,  des grands-parents mourant dans la solitude, des personnes âgées isolées du reste de la communauté qui a souvent répondu avec générosité en fournissant les choses les plus indispensables. Mais l'affection, essentielle, a fait défaut. François, lors des messes du matin à la Maison Sainte-Marthe, a toujours eu à cœur de prier pour cette humanité silencieuse et souffrante.

«Prions aujourd'hui pour les personnes âgées, en particulier pour celles qui sont isolées ou dans des maisons de retraite. Elles ont peur, peur de mourir seules. Elles ressentent cette pandémie comme quelque chose d'agressif pour elles. Elles sont nos racines, notre histoire. Elles nous ont donné la foi, la tradition, un sentiment d'appartenance à une patrie. Prions pour elles, pour que le Seigneur soit proche d'elles en ce moment». (Pape François, messe à la Maison Sainte-Marthe, 15 avril 2020)

Visages, mains et voix

La pandémie porte avec elle l'image de ces «arbres qui continuent à porter des fruits», courbés dans leur corps et dans leur âme par un fort vent contraire. C'est précisément ce vent de tempête qu'il a lui-même évoqué, lors de la bénédiction Urbi et Orbi le 27 mars, pour nous rappeler que «nous ne nous sauvons pas tout seuls». Cette pensée traverse sa dernière encyclique Fratelli tutti dans laquelle il enseigne qu'aucune douleur, surtout celle liée à la perte, n'est jamais vaine.

«N'oublions pas les personnes âgées qui meurent par manque de respirateurs, en partie à cause des systèmes de soins de santé démantelés année après année. Qu'un si grand deuil ne soit pas vain, que nous fassions un saut vers une nouvelle façon de vivre et que nous découvrions une fois pour toutes que nous avons besoin les uns des autres et que nous nous avons une dette les uns envers les autres, afin que l'humanité renaisse avec tous les visages, toutes les mains et toutes les voix, au-delà des frontières que nous avons créées».

C'est une renaissance qui passe par la gratitude des enfants envers leurs parents, dans le passage du témoin de la vie.

«Et dans cette gratitude pour ceux qui vous ont transmis la vie, avait-il affirmé lors de la messe avec les personnes âgées, le 28 septembre 2014, il y a aussi la gratitude pour le Père qui est aux cieux».

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31 janvier 2021, 12:15