François au Mozambique: suivre Jésus dans l'exigence du pardon

Le Pape François a présidé une messe devant 60 000 fidèles rassemblés dans le stade de Zimpeto, dans l’agglomération de Maputo, la capitale du Mozambique, vendredi 6 septembre. Dans une atmosphère très joyeuse et festive malgré la pluie, l’évêque de Rome a exhorté les Mozambicains à s’engager dans un amour concret, à la suite du Christ, afin d’encourager le processus de réconciliation nationale.

Cyprien Viet - Cité du Vatican

Dans le cadre de cette messe «pour le progrès des peuples», le Pape François est d’abord revenu sur cette parole exigeante du Christ dans l’Évangile selon saint Luc:  «Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent». Cette parole peut sembler difficile à concrétiser, mais elle répond à une exigence évangélique concrète. «Jésus n’est pas un idéaliste, qui ignore la réalité; il parle de l’ennemi concret, de l’ennemi réel (…): celui qui nous hait, nous exclut, insulte et rejette comme infâme.»

Cette parole prend donc un relief particulier dans ce pays longtemps fracturé par une guerre civile qui a fait des centaines de milliers de morts. «Beaucoup d’entre vous peuvent encore raconter, à la première personne, des histoires de violence, de haine et de discordes; pour certains, des histoires vécues dans leur propre chair; pour d’autres, vécues par une personne connue qui n’est plus; et pour d’autres encore, de peur que les blessures du passé ne se reproduisent et ne tentent d’effacer le chemin de paix déjà parcouru, comme à Cabo Delgado», une région marquée par de nombreux attentats islamistes ces deux dernières années. 

Un amour concret et exigeant

«Jésus ne nous invite pas à un amour abstrait, éthéré ou théorique, rédigé dans des bureaux pour des discours. Le chemin qu’il nous propose est celui qu’il a d’abord parcouru lui-même, le chemin qui lui a fait aimer ceux qui l’ont trahi, jugé injustement et l’ont tué», a précisé François.

«Il est difficile de parler de réconciliation, quand sont encore vives les blessures provoquées par de nombreuses années de discorde», a reconnu François, tout en rappelant que «Jésus ne s’arrête pas là; il nous demande aussi de bénir et de prier pour eux; c’est-à-dire que nos paroles les concernant soient une bénédiction, génératrice de vie et non de mort, que nous prononcions leurs noms non pas pour insulter ou pour nous venger, mais pour inaugurer une nouvelle relation menant à la paix», a-t-il expliqué, invitant à dépasser la loi du talion.

«Aucune famille, aucun groupe de voisins ni aucune ethnie, encore moins aucun pays n’a d’avenir, si le moteur qui unit, agrège et couvre les différences, ce sont la vengeance et la haine», a souligné François, invitant à faire preuve de tendresse et de compassion.

L’engagement pour la paix et la miséricorde

«Surmonter les temps de division et de violence suppose non seulement un acte de réconciliation ou bien la paix comprise comme absence de conflit, mais aussi l’engagement quotidien de chacun d’entre nous d’avoir un œil attentif et actif, qui nous conduit à traiter les autres avec cette miséricorde et cette bonté avec lesquelles nous voudrions être traités, de montrer de la miséricorde et de la bonté surtout envers ceux qui, par leur condition, sont vite rejetés et exclus», a martelé François, en soulignant que cette attitude de miséricorde répond à la force prophétique de Jésus.

«Le Mozambique possède un territoire doté de richesses naturelles et culturelles, mais paradoxalement avec une partie énorme de sa population en-dessous du niveau de pauvreté», a remarqué le Pape, invitant à résister à la tentation de la corruption. «Parfois il semble que ceux qui s’approchent en prétendant aider ont d’autres intérêts. Et c’est triste quand cela se passe entre des frères du même pays, qui se laissent corrompre; il est très dangereux d’accepter que ce soit le prix à payer pour l’aide extérieure.» «Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi», a averti François en citant l’Évangile de Matthieu.

«Nous voulons que règne la paix dans nos cœurs et dans le dynamisme de notre peuple. Nous voulons un avenir de paix». «Que la paix du Christ soit l’arbitre dans vos cœurs», a exigé François en citant la lettre de saint Paul aux Colossiens. «Si la paix du Christ est l’arbitre dans nos cœurs, alors quand les sentiments sont en conflit et que nous nous trouvons indécis entre deux sens opposés, “faisons le jeu’’ du Christ. La décision du Christ nous gardera sur le chemin de l’amour, sur la voie de la miséricorde, dans l’option pour les plus pauvres, dans la sauvegarde de la nature, sur le chemin de la paix. Si Jésus est l’arbitre entre les émotions en conflit dans notre cœur, entre les décisions complexes concernant notre pays, donc le Mozambique a un avenir d’espérance assuré; alors votre pays chantera à Dieu avec gratitude et de tout cœur par des psaumes, des hymnes et des chants inspirés.»

De nombreux motifs d’espérance

Au terme de la messe, après les remerciements chaleureux formulés par l’archevêque de Maputo, le Pape François a effectué sa dernière prise de parole, avant de reprendre la route de l’aéroport de Maputo pour prendre son avion en direction de Madagascar.

Il a remercié les organisateurs de ce voyage, tous ceux qui ont accompagné ce voyage par leur présence ou simplement par leur prière, notamment les personnes affectées par les cyclones de ces derniers mois, qui n’avaient pas pu se déplacer.

En improvisant, le Pape a évoqué avec humour la pluie persistante durant la messe pour dire que les fidèles avaient été aspergés «d’eau bénie». «Je dis à tous: vous avez tant de motifs d’espérer! Je l’ai vu, je l’ai touché de la main ces jours-ci. S’il vous plaît, gardez l’espérance ; ne vous la laissez pas voler. Et il n’est pas meilleure manière de garder l’espérance que de rester unis, pour que toutes les motifs qui la soutiennent se consolident toujours davantage dans un avenir de réconciliation et de paix au Mozambique. Ainsi, que Dieu vous bénisse et que la Vierge Mère vous protège! Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi!», a conclu le Saint-Père avant de bénir la foule.

 

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06 septembre 2019, 11:15