Recherche

Le Pape François et Mgr Vincenzo Paglia, le 5 janvier 2018 Le Pape François et Mgr Vincenzo Paglia, le 5 janvier 2018  

L’Académie pontificale pour la vie célèbre ses 25 ans

À l’occasion de cet anniversaire, le Pape François a envoyé une lettre au président de cette institution, Mgr Vincenzo Paglia, dans laquelle il revient sur son héritage et sur les nombreux défis à venir face aux mutations contemporaines.

Olivier Bonnel-Cité du Vatican

Dans ce dense texte de six pages, le Souverain Pontife explique d’abord la nécessité de «rendre évidente cette passion de Dieu pour la créature humaine et pour son monde» en nous souvenant du dessein originel de l’amour de Dieu pour l’homme. Cette créature, rappelle François, a été faite par Dieu à son «image» - «homme et femme» il les créa (cf. Gn 1,27) – comme créature spirituelle et sensible, consciente et libre.

«De nos jours, l’Église est appelée à relancer avec force l’humanisme de la vie qui surgit de cette passion de Dieu pour la créature humaine», écrit le Pape, et «l’engagement à comprendre, à promouvoir et à défendre la vie de tout être humain prend son élan de cet amour inconditionnel de Dieu».

Cette passion a animé l’activité de l’Académie pontificale pour la vie depuis son institution, il y a vingt-cinq ans, par Saint Jean-Paul II, sur proposition du Serviteur de Dieu et du grand scientifique Jérôme Lejeune, rappelle François. Grâce à la lucidité de son prédécesseur, qui avait mesuré la rapidité des changements et les enjeux dans le domaine biomédical, l’Académie a pu promouvoir études et formations afin de montrer que les techniques scientifiques sont au service du bien intégral de l’homme.

Un schisme entre individu et communauté humaine

Dans cette lettre, le Pape relève aussi les défis du monde contemporain qui posent de nombreuses questions à une institution comme l’Académie pontificale pour la vie. «Cette passion pour l’humain rencontre de grandes difficultés»¸note-t-il.

Ces défis sont nombreux: «Les joies des relations familiales et de la cohabitation sociale apparaissent profondément minées. La méfiance réciproque entre les individus et les peuples se nourrit d’une recherche démesurée de leur propre intérêt ainsi que d’une compétition exaspérée qui, de plus, ne rejette pas la violence», constate le Saint-Père.

«La distance entre l’obsession envers notre propre bien-être et le bonheur partagé de l’humanité ne cesse de se creuser et nous conduit à considérer qu’un véritable schisme est désormais en cours entre l’individu et la communauté humaine», s’inquiète aussi le Pape. François cite ainsi son encyclique Laudato Si dans laquelle il déplore le peu d’attention accordée à la question, « pourtant si importante et si décisive, de l’unité de la famille humaine et de son avenir. »

Une dérive des ressources économiques et technologiques

Le Pape pointe également un paradoxe dangereux de notre époque:  «comment se fait-il que, juste au moment de l’histoire du monde où les ressources économiques et technologiques disponibles nous permettraient de prendre suffisamment soin de notre maison commune ainsi que de la famille humaine, en honorant la tâche que Dieu lui-même nous a remise, c’est au contraire justement d’elles, de ces mêmes ressources économiques et technologiques que viennent nos divisions les plus agressives et nos pires cauchemars ?», s’interroge-t-il.

« Nous devons le reconnaître, rappelle le Saint-Père, les hommes et les femmes de notre temps sont souvent démoralisés et désorientés, sans vision aucune. Nous sommes tous un peu repliés sur nous-mêmes. Le système de l’argent et l’idéologie de la consommation sélectionnent nos besoins et manipulent nos rêves, sans égard aucun ni pour la beauté de la vie partagée ni pour l’habitabilité de la maison commune».

Atteindre une nouvelle perspective éthique universelle

Pour répondre à ces défis, poursuit le Pape, le peuple chrétien «doit réagir aux esprits négatifs qui fomentent la division, l’indifférence et l’hostilité», et sans perdre de temps. « La réhabilitation de la créature de Dieu à l’heureuse espérance de sa destination doit devenir la passion dominante de notre annonce», rappelle François.

Pour lui, «il est urgent que les personnes âgées croient davantage à leurs meilleurs ‘songes’; et que les jeunes aient des ‘visions’ capables de les pousser à s’engager courageusement dans l’histoire».

Le Pape invite ainsi à faire émerger «une nouvelle perspective éthique universelle, attentive aux thèmes de la création et de la vie humaine», dénonçant les impasses de «décennies de déconstruction de l’humanisme, confondu avec n’importe quelle idéologie de volonté de puissance».

«La différence de la vie humaine est un bien absolu, qui est digne d’être éthiquement défendu et qui est précieux pour le soin de la création toute entière», poursuit le Saint-Père dans ce texte, invitant l’Église «à retrouver la beauté de cette inspiration et apporter sa contribution, avec un enthousiasme renouvelé».

Renouveler le témoignage

Cette tâche est un défi difficile pour l’Église d’aujourd’hui, et le Pape demande à certaines communautés ecclésiales de s’interroger sur le témoignage qu’elles portent aujourd’hui : «sont-elles à la hauteur de l’urgence de l’époque, ou bien se perdent-elles encore trop dans leurs propres problèmes et en de timides ajustements qui ne dépassent pas la logique du compromis mondain ?»

Le Pape invite donc à «stimuler une nouvelle vision pour un humanisme fraternel et solidaire des individus et des peuples». Elle passe avant tout par le fait de reconnaître «les signes de l’œuvre de Dieu dans le temps actuel». «C’est dans cette optique que Saint Jean-Paul II enregistrait les gestes d’accueil et de défense de la vie humaine, la diffusion d’une sensibilité contraire à la guerre et à la peine de mort, ainsi qu’une attention croissante à la qualité de la vie et à l’écologie», relève François.

Dans ce message, le Pape rappelle que depuis vingt-cinq ans, la communauté scientifique de l’Académie pontificale pour la vie a montré qu’elle s’inscrit précisément dans cette même perspective. «En sont ainsi témoins l’engagement envers la promotion et la protection de la vie humaine tout au long de son déroulement, la dénonciation de l’avortement et de la suppression du malade comme maux très graves qui contredisent l’Esprit de la vie, et nous font sombrer dans l’anti-culture de la mort», écrit François qui explique qu’il faut «certainement continuer sur cette même voie, en prêtant attention aux autres provocations que la conjoncture contemporaine offre pour la maturation de la foi, afin de pouvoir la comprendre de façon plus profonde et également la communiquer de façon plus adéquate aux hommes d’aujourd’hui».

L’avenir de l’Académie

Dans la dernière partie de sa lettre, le Pape François rappelle enfin le sens profond que l’Académie pontificale pour la vie doit porter pour se projeter dans l’avenir. «Nous savons bien que le seuil du respect fondamental de la vie humaine est aujourd’hui violé de façon brutale, non seulement par des comportements individuels, mais aussi par les effets des choix et des aménagements structuraux», explique le Saint-Père. L’organisation du profit et le rythme de développement des technologies peuvent contribuer à améliorer la qualité humaine des relations.

«La possibilité de diriger le développement économique et le progrès scientifique vers l’alliance de l’homme et de la femme, pour le soin de l’humanité qui nous est commune et pour la dignité de la personne humaine, puise certainement dans un amour envers la création que la foi nous aide à approfondir et à éclairer», note François.

Le Pape invite l’Académie à ne pas avoir  peur de s’ouvrir plus aux défis contemporains, de dialoguer avec le monde. «N’ayez pas peur d’élaborer des argumentations et des langages qui soient utiles en vue d’un dialogue interculturel et interreligieux, voire interdisciplinaire. Participez à la réflexion sur les droits humains qui constituent une question centrale dans la recherche de critères universellement partageables», demande-t-il.

François invite aussi l’Académie à réfléchir sur les nouvelles technologies définies aujourd’hui comme «émergentes et convergentes», qu’elles concernent le monde de l’information mais aussi les biotechnologies, les nanotechnologies ou la robotique. Dans cette réflexion, il est nécessaire, note-t-il, de «comprendre les transformations historiques, qui s’annoncent sur ces nouvelles frontières, afin de déterminer comment les orienter au service de la personne humaine, en respectant et en promouvant sa dignité intrinsèque»: une tâche «très exigeante».

Dignité intrinsèque de la personne humaine

«La médecine et l’économie, la technologie et la politique, qui sont élaborées au centre même de la ville moderne de l’homme, doivent également et surtout rester exposées au jugement qui est prononcé par les périphéries de la terre», conclut le Pape dans cette lettre. Le Saint-Père prend soin de rappeler une fois encore que les «ressources extraordinaires mises à la disposition de la créature humaine par la recherche scientifique et technologique, risquent d’obscurcir la joie du partage fraternel, ainsi que la beauté des entreprises communes, alors que c’est grâce à leur service qu’elles obtiennent, en réalité, leur authentique signification».

Mgr Vincenzo Paglia, président de l'Académie pontificale pour la vie, revient sur l'histoire et les défis de cette institution: 

Entretien avec Mgr Vincenzo Paglia

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

15 janvier 2019, 12:49