Recherche

Le Pape François et le monde du travail. Visite à l'usine ILVA de Gênes en mai 2017 Le Pape François et le monde du travail. Visite à l'usine ILVA de Gênes en mai 2017 

Le Pape au Sole 24 Ore: «Les vraies richesses viennent du travail qui crée de la dignité»

Dans un entretien exclusif au grand quotidien économique italien, publié ce vendredi, le Souverain Pontife appelle à une véritable éthique de la personne dans la vie de l’entreprise.

Olivier Bonnel-Cité du Vatican

La gestion de l’économie et de la finance, la création de nouveaux types de métiers, la crise environnementale ou migratoire, toutes ces thématiques reviennent dans cet entretien fleuve avec le Saint-Père. Le Pape invite à les considérer en utilisant une éthique «amie de la personne», et appelle à une conversion forte «dont nous avons tous besoin».

«Il manque la conscience d’une origine commune, d’une appartenance à une racine commune de l’humanité et à un avenir à bâtir ensemble» explique le Pape. Cette nouvelle éthique doit permettre de créer des nouveaux styles de vie, afin de dépasser la simple logique de profit économique.

L’idôle argent

Interrogé sur son expression souvent reprise de «culture du déchet», François rappelle que l’économie d’aujourd’hui «tue» parce que la personne n’est plus au centre, «elle n’obéit qu’à l’argent» déplore-t-il. Le Pape note ainsi comment se construisent des «structures de pauvreté, d’esclavagisme et de rejet».

L’importance de l’activité financière aujourd’hui n’est pas fortuite poursuit le Saint-Père. Mais l’argent ne se fait pas avec de l’argent, les vraies richesses viennent du travail. C’est le travail, précise-t-il, qui confère à l’homme sa dignité. Le chômage qui touche de nombreux pays européens est la conséquence d’un système économique qui n’est plus capable de créer du travail, parce que l’idole-argent a été mise au centre de tout, juge-t-il sévèrement.

Que le travail puisse créer du travail

A la question de savoir comment un entrepreneur peut être un «créateur de valeur» pour sa société comme pour les autres, le Pape rappelle l’importance à accorder «à la personne concrète», ce qui signifie «donner à chacun ce qui lui est dû». Cela signifie faire sortir de l’angoisse les nombreux parents qui ne savent comment offrir un avenir à leurs enfants.

François explique ainsi que savoir diriger c’est aussi savoir se mettre à l’écoute, savoir partager les projets et idées avec humilité. Il est important de pouvoir ainsi faire en sorte que le travail créé du travail, que la responsabilité créé d’autres responsabilités. Cela est particulièrement important pour les générations futures qui en ont le plus besoin. Le Pape en appelle ainsi à un «nouvel humanisme du travail».

Un développement intégral

Au cours de cet entretien, François exhorte donc à la réalisation d’un nouvel ordre économique qui cesse de générer «des déchets» pour enrichir véritablement l’action économique avec comme horizon la lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités. Pour cela, note-il,  «nous avons besoin de courage et de créativité géniale».

Ce développement intégral auquel le Souverain Pontife appelle de ses vœux concerne la distribution et la participation aux richesses produites tout comme la parité salariale entre hommes et femmes, la responsabilité sociale, le respect de l’environnement, ou encore la reconnaissance d’un salaire juste. Tout cela doit toucher de près la dimension communautaire de l’entreprise.

Encore beaucoup à faire pour un développement écologique

Le Pape est aussi interrogé sur la responsabilité environnementale des entreprises. Développer la dimension écologique découle avant tout d’une «formation à des valeurs» : solidarité, éthique, justice, dignité ou durabilité. Cela nécessite une conjonction des actions productives, politiques, culturelles et sociales ; domaine dans lequel «Il y a encore beaucoup à faire» constate François.

L’entretien au quotidien Il Sole 24 Ore porte également sur la défiance dont les «pauvres» sont victimes dans de nombreuses sociétés «surtout celles qui vivent dans le bien-être». Il n’y a pas d’avenir pacifique de l’humanité si la diversité n'est pas accueillie dans la solidarité sans penser que «l’humanité est une seule famille», explique-t-il. Dans cette perspective, la crise migratoire «est un grand défi pour tous». Il faut se convaincre que les hommes font «un voyage commun», et ne pas avoir peur de le partager avec espérance.

“En faisant l’effort de comprendre leur culture, sans négliger les difficultés du contexte actuel, nous donnerions un signe clair au monde, d’une Église qui essaie d’être ouverte, inclusive et accueillante, une Église mère qui embrasse chacun dans le partage de ce voyage commun.”

Le Pape est aussi questionné sur les forces politiques populistes qui ont repris de la vigueur en Italie ces derniers mois, et qui se manifestent dans la fermeture des frontières. Il exhorte à regarder d’abord ces personnes qui fuient la misère et la famine, et sollicite «de nombreux entrepreneurs» tout comme les institutions européennes à investir dans la formation, dans l’école et dans le travail afin que ces personnes puissent s’intégrer par un emploi digne.

Intégration et logement digne

«Face aux milliers de morts, il y a eu trop de silences» déplore le Saint-Père faisant allusion aux migrants de la Méditerranée. «Le Seigneur promet de libérer à tous les opprimés du monde, mais il a besoin de nous pour rendre sa promesse efficace, il a besoin de nos voix pour dénoncer les injustices commises dans le silence» rappelle-t-il. Surtout, «le Seigneur a besoin de notre cœur pour manifester l’amour miséricordieux de Dieu envers les plus petits, ceux qui sont abandonnés et marginalisés».

Développant sa réflexion sur les migrants, le Pape rappelle enfin l’importance de mettre en place des structures d’accueil «qui permettent de surmonter les peurs et les inquiétudes».

«Je confie cela à la prudence des gouvernements, conclut-il, afin qu’ils trouvent des modalités d'un accueil digne de ces frères et sœurs qui demandent de l’aide. On peut recevoir un certain nombre de personnes, sans négliger la possibilité de les intégrer et de les loger dignement. Il est pour cela nécessaire d’être attentifs aux trafics illégaux, et rester conscients que l’accueil n’est pas facile ».

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

07 septembre 2018, 07:00