Le Pape célébrant la messe à la Maison Sainte-Marthe, le 18 juin 2018. Le Pape célébrant la messe à la Maison Sainte-Marthe, le 18 juin 2018. 

Le Pape à Sainte-Marthe: les dictatures commencent avec la calomnie

Lors de la messe de ce lundi matin à la Maison Sainte-Marthe, le Pape François a évoqué la séduction du scandale et le pouvoir destructeur de la communication calomnieuse, évoquant l’horreur de la persécution des juifs au XXe siècle.

Debora Donnini – Cité du Vatican

Si l’on veut détruire des institutions ou des personnes, on commence à médire. On utilise la séduction que le scandale exerce dans la monde de la communication. Le Pape a donc mis en garde contre cette «communication calomnieuse»

Défendre l’héritage des pères

Sa réflexion est partie de l’histoire de Naboth, évoquée aujourd’hui dans le Premier Livre des Rois et proposée comme Première Lecture. Le roi Acab désire la vigne de Naboth et il lui offre de l’argent. Mais ce terrain fait partie de l’héritage de ses pères et l’homme refuse donc. Alors, Acab, qui était «capricieux, fait comme les enfants quand ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent : il pleure». Ensuite, sur le conseil de sa femme cruelle, Jézabel, il le fait accuser de mensonge, il le tue et prend possession de sa vigne. Naboth, a remarqué le Pape, est donc un «martyr de la fidélité à l’héritage» qu’il avait reçu de ses pères : un héritage qui allait au-delà de la vigne, «un héritage du cœur».

Les martyrs condamnés avec les calomnies

François a donc relevé que l’histoire de Naboth suit la même trame que celle de Jésus, de saint Étienne et de tous les martyrs qui ont été condamnés en utilisant un scénario de calomnies. Mais elle est aussi révélatrice du modèle de fonctionnement de beaucoup de gens, de «nombreux chefs d’État ou de gouvernement». On commence avec un mensonge, et «après avoir détruit une personne ou une situation avec cette calomnie», on juge et on condamne.

Les dictatures altèrent la communication

«Aussi aujourd’hui, dans de nombreux pays, on utilise cette méthode : détruire la libre communication», a dénoncé le Pape. «Réfléchissons, par exemple : il y a une loi sur les médias, de la communication, on annule cette loi ; on donne tout l’appareil de la communication à une entreprise, à une société qui calomnie, qui dit des choses fausses, qui affaiblit la vie démocratique. Ensuite les juges viennent juger ces institutions affaiblies, ces personnes détruites, ils condamnent, et ainsi avance une dictature. Les dictatures ont toutes commencé comme cela, en faussant la communication, pour mettre la communication dans les mains d’une personne sans scrupule, d’un gouvernement sans scrupule.»

La séduction des scandales

«Même dans la vie quotidienne, c’est comme ça», a souligné François : si on veut détruire une personne, on commence avec la communication : «médire, calomnier, dire des scandales». «Et communiquer des scandales est un fait qui a une séduction énorme, une grande séduction. On séduit avec les scandales. Les bonnes nouvelles ne sont pas séductrice : “Oui, c’est bien qu’il l’ait fait !” Et ça passe… Mais un scandale : “Mais tu as vu ! Tu as vu cela ! Tu as vu cette autre chose qu’il a fait ? Cette situation… Mais ça ne peut pas continuer comme ça!” Et ainsi la communication grandit, et cette personne, cette institution, ce pays finit dans la ruine. On ne juge pas les personnes à la fin. On juge les ruines des personnes ou des institutions, parce qu’elles ne peuvent pas se défendre.»

La persécution des juifs

«La séduction du scandale» détruit les personnes, comme c’est arrivé pour Naboth qui voulait seulement «être fidèle à l’héritage de ses ancêtres», ne pas le brader. L’histoire de saint Étienne est exemplaire aussi. Il fait une long discours pour se défendre mais ceux qui l’accusaient préfèrent le lapider plutôt que d’écouter la vérité. «Ceci est le drame de l’avidité humaine», a déclaré le Pape. Beaucoup de personnes sont en effet détruites par une communication malveillante.

«Beaucoup de personnes, beaucoup de pays sont détruits par des dictatures mauvaises et calomnieuses. Pensons par exemple aux dictatures du siècle passé. Pensons à la persécution des juifs, par exemple. Une communication calomnieuse, contre les juifs, et ils ont fini à Auschwitz parce qu’ils ne méritaient pas de vivre. Oh, c’est une erreur, mais une erreur qui arrive aujourd’hui : dans les petites sociétés, dans les personnes et dans de nombreux pays. Le premier pas, c’est de s’approprier la communication, et ensuite, la destruction, le jugement, et la mort.»

Relire l’histoire de Naboth

L’apôtre Jacques parle justement de la «capacité destructrice de la communication malveillante». En conclusion, le Pape exhorte à relire l’histoire de Naboth dans le chapitre 21 du Premier Livre des Rois, et à penser à «tellement de personnes détruites, tellement de pays détruits, tellement de dictatures avec des “gants blancs” qui ont détruit les pays».

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18 juin 2018, 12:38
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