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Des enfants marchant dans les ruines de Jalaa Street à Gaza-ville, le 14 janvier 2025. Des enfants marchant dans les ruines de Jalaa Street à Gaza-ville, le 14 janvier 2025.  (AFP or licensors)

«Des bébés meurent de froid à Gaza»

Après plus d’un an de guerre, «les familles sont quasiment à cours d’eau, de nourriture, de médicaments et d’abris de base», rapporte Rosalia Bollen, responsable de la communication de l’Unicef à Gaza. La souffrance est générale mais les enfants sont les plus vulnérables. Huit nouveau-nés sont morts d’hypothermie en une semaine dans l’enclave palestinienne.

Félicité Maymat – Cité du Vatican

La plupart des familles ont perdu leurs maisons. 9 personnes sur 10 ont été déplacées, souvent plusieurs fois. Elles se retrouvent contraintes à vivre dans des tentes de fortune. «On utilise tout ce qu’on trouve pour les fabriquer: tapis, serviettes, bouts de plastique», relate Rosalia Bollen qui se trouve à Gaza pour l’Unicef. Ces abris précaires ne résistent ni au froid ni aux intempéries, nombreuses depuis le début de l’année. La semaine passée, la jeune humanitaire a vu plusieurs tentes être emportées par le vent loin des campements, dans la mer. Or, la nuit, les températures ne dépassent pas les 4 à 5 degrés celsius.

Toute la population est affectée, mais les enfants sont les plus vulnérables, en particulier les nouveau-nés. Au nombre important de malformations et de naissances prématurées causées par la guerre s’ajoutent aujourd’hui des conditions météorologiques défavorables. La première semaine de janvier, l’Unicef a recensé huit bébés morts d’hypothermie. Des enfants qui «n'avaient pas de condition médicale particulière», assure Rosalia Bollen, mais leurs parents n’avaient aucun moyen de les tenir au chaud. «Quand je me balade à Gaza, confie l’humanitaire, je vois beaucoup d’enfants nu-pieds qui portent des vêtements d’été, qui n’ont pas de vêtements chauds».

Des bombardements incessants

L’Unicef tente de pallier ce manque et distribue des habits d’hiver, des couvertures et des bâches pour renforcer les abris. «Mais il est vraiment très difficile d’aider véritablement ces familles», affirme la responsable de l’Unicef, «il faut que les attaques cessent, or, en 2025 aussi, les bombardements sont incessants». Au moins 85 enfants sont morts dans des frappes en neuf jours, l’équivalent, souligne-t-elle, de quasi dix enfants par jour. Ces attaques aériennes sont également à l’origine de blessures graves: «Des brûlures, des lésions de la moelle épinière, des enfants qui perdent des jambes, des bras, la vue».

La douleur physique se double d’une souffrance psychologique terrifiante aux yeux de Rosalia Bollen. Les attaques ne laissent aucun répit aux familles qui vivent dans un état d’alerte et de stress permanent. Les enfants «sont coincés dans une sorte de cycle de violence, dès qu’ils entendent les bruits d’un avion d’un drone, ils sont sidérés», raconte-t-elle, «certains pleurent, crient et d’autres se murent dans le silence». La situation de l’enclave ne leur laisse aucune issue possible. Ils ont conscience qu’ils ne sont pas en sécurité. «Les enfants évoquent la mort». Rosalia Bollen reste bouleversée par sa rencontre le mois dernier avec Saad, un petit garçon de 5 ans devenu aveugle à la suite du bombardement de sa maison. «Mes yeux sont montés au ciel avant moi», lui a-t-il dit.

Des soins inaccessibles et «une extra-vulnérabilité»

Un suivi médical ou psychologique est impraticable dans ce contexte de guerre et de blocus. Les hôpitaux ne fonctionnent que partiellement, si on peut encore les appeler ainsi. Pour Rosalia Bollen qui en a visité plusieurs dans le sud de l’enclave, cette dénomination est devenue impropre. Les bâtiments sont endommagés et des chambres prévues pour deux malades en accueillent des dizaines avec leur famille. Du reste, il n’y a pas de matériel ni de médicaments. «Si un enfant tombe malade, arrive aux urgences et doit recevoir de premiers soins, ce n'est pas possible à Gaza», déplore-t-elle. La jeune femme souligne en outre la propagation de maladies due au manque d’hygiène, «des déchets et des débris sont partout». Et là encore, les enfants sont les premiers touchés. Il ne faut pas oublier, ajoute-t-elle, qu’il n'y a pas assez à manger, qu’il n'y a pas d'eau potable, ce qui les rend «extra-vulnérables».

Des enfants absorbés par leur survie

Au-delà des privations, des traumatismes et des maladies, ces conditions extrêmes ont un impact direct sur le quotidien des enfants, désormais rythmé par des taches leur permettant de survivre. «Beaucoup d'enfants vont chercher de l'eau, trient les ordures pour essayer de trouver quelque chose à manger ou qu’ils peuvent brûler pour se tenir chaud», décrit la responsable de la communication.

Ces enfants pris au piège espèrent malgré tout. Quand Rosalia Bollen s’adresse à eux, elle mesure combien «ils rêvent de revenir à l'école, de voir les copains d’avant et de dormir dans leur propre lit». Plus un seul enfant ne va à l’école à Gaza aujourd’hui. 95% des établissements scolaires sont endommagés et ceux qui tiennent debout servent d’abri aux familles déplacées. Parce que Gaza avait un taux d’alphabétisation élevé avant la guerre, les parents sont aujourd’hui extrêmement inquiets du manque d’instruction. Aussi, les communautés s’organisent et l’Unicef les soutient. Le fond onusien distribue, outre des suppléments nutritionnels et de l’eau potable, des stylos et des cahiers aux enfants. Il met surtout à leur disposition des centres d’accueil, doté de toilettes, pour favoriser une éducation, même informelle.

 

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14 janvier 2025, 17:16