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Le président turc Recep Tayyip Erdogan, à Ankara, le 16 décembre 2021. Le président turc Recep Tayyip Erdogan, à Ankara, le 16 décembre 2021.  Les dossiers de Radio Vatican

Les prétentions turques en mer Égée, menace pour la souveraineté grecque

Les déclarations tonitruantes et les incidents se multiplient en mer Égée entre la Turquie et la Grèce. Ankara revendique de plus en plus fort sa souveraineté sur des îles grecques, pour des raisons davantage stratégiques que juridiques. Le tout sous l’œil jusqu'ici distant de l’Union européenne et de l’Otan.

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican

La voie diplomatique plutôt que la joute verbale : c’est la préférence affichée la semaine dernière par le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis lors d’un déplacement à Chypre au sujet de la dispute avec la Turquie sur les îles de la mer Égée.

Depuis le traité de Lausanne de 1923 - qui établit les frontières de la toute jeune République de Turquie après la Première Guerre mondiale - puis celui de Paris de 1947 - par lequel l’Italie cède à la Grèce les îles du Dodécanèse qu’elle possédait après sa défaite lors de la Seconde Guerre mondiale -, la souveraineté grecque sur ces terres situées pour certaines à quelques kilomètres seulement de la côte turque, est bien établie et documentée.


Mais Ankara ne cesse depuis près de trente ans de remettre en cause le tracé des frontières. «Cela a commencé très partiellement au milieu des années 1990 et a seulement des fondements stratégiques» explique Aris Marghelis, spécialiste des questions de Méditerranée orientale à l’université du Littoral Côte d’Opale, en France. «À la fin de la Guerre froide, la Turquie comprend qu’il va y a voir un changement au niveau des relations internationales, et commence à se projeter comme puissance régionale voire mondiale. Et cela s’est cristallisé à l’époque d’Erdogan», poursuit-il. Or, pour parvenir à cet objectif partagé par l’ensemble de la classe politique, il faut que la Turquie devienne une puissance navale. D’où l’enjeu d’étendre son emprise sur la mer Égée.

Un contexte favorable

Si la tension est remontée ces dernières semaines, c’est que le contexte a évolué en faveur d’Ankara : la guerre en Ukraine tout d’abord, «banalise la logique expéditionnaire qu’applique la Turquie déjà en Syrie et en Irak», note Aris Marghelis. Ensuite, les autorités turques peuvent vouloir profiter qu’Athènes est en phase de réarmement. L’armée grecque a passé commande de Rafales à la France ainsi que de navires de guerre, mais elle ne sera pas livrée dans l’immédiat.

Enfin, l’incertitude quant à la réaction des alliés de la Grèce pousse le gouvernement turc à penser qu’il a de la place pour «exprimer ce type de menace». «C’est très mauvais de la part de l’Union européenne et de l’Otan d’avoir une distance égale entre les deux», juge l’universitaire. Or, «c’est la Turquie qui revendique. La Grèce ne revendique rien. Son seul différend c’est celui des zones maritimes et elle invite la Turquie à aller devant la Cour internationale de justice pour régler cette question comme le font tous les États.»

Toute ambiguïté de la part des Européens et de l’Otan ne peut que conforter la Turquie dans sa volonté de créer une zone tampon autour d’elle, comme elle le fait donc en Syrie et en Irak, mais aussi en Arménie ou en Libye, analyse le spécialiste de la Méditerranée orientale. Mais les intérêts économiques de certains États européens ou certains agendas politiques nationaux, ne garantissent pas ce soutien plein et entier aux Grecs dans leur face-à-face avec les Turcs, met en garde Aris Marghelis.

Entretien avec Aris Marghelis, spécialiste de la Méditerranée orientale


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28 juin 2022, 15:52