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Un homme porte le drapeau russe, à l'occasion du "jour de la Victoire", fêté le 9 mai 2022 en Russie. Un homme porte le drapeau russe, à l'occasion du "jour de la Victoire", fêté le 9 mai 2022 en Russie.  Les dossiers de Radio Vatican

Dépeuplement de la Russie: le défi caché de Vladimir Poutine ?

Entre 2020 et 2021, la Russie a perdu pas loin d'un million d'habitants. En cause, une baisse de la natalité et une mortalité systémiques, lentement aggravées par une succession de choix politiques de Moscou. Jean Radvanyi, géographe et professeur émérite à l’Inalco, revient sur les causes et les conséquences du dépeuplement progressif de la Russie.

Entretien réalisé par Claire Riobé - Cité du Vatican

Plus grand pays au monde par sa superficie, la Russie se dépeuple pourtant d'année en année. Le pays subit ces jours-ci la plus importante crise démographique de son histoire, qui a été aggravée en 2020 puis en 2021 par la pandémie de Covid-19. La population, qui comptait 148 millions d'habitants en 1991 à la chute de l'URSS, s'élève aujourd'hui 144 millions d'habitants, faisant du dépeuplement russe l'un des principaux défis du président Vladimir Poutine.

Ce phénomène, bien connu de Moscou, résulte de l'évolution de deux variables, scrupuleusement analysées par les démographes russes : d'une part, l’écart annuel entre le nombre de naissances et le nombre de décès dans le pays, et de l'autre, la différence entre le nombre d’émigrants et d’immigrants russes. 

Entretien avec Jean Radvanyi

Baisse de la natalité au cours des années 1990

Depuis la fin des années 1990, explique le géographe Jean Radvanyi, le nombre de décès en Russie est supérieur au nombre de naissances. Si cette baisse de natalité a coïncidé, en Russie, avec la fin de l'URSS, les deux phénomènes ne seraient pas directement liés, affirme le professeur émérite de l'Inalco. «Beaucoup ont vu dans cette baisse de natalité une conséquence directe de la crise économique et politique de la fin des années 1980 et des années 1990. En réalité, il y a rarement une telle coïncidence mécanique.»

Cet accroissement naturel négatif tiendrait à une série de facteurs, dont certains - l’urbanisation ou le vieillissement global de la population - sont communs à d'autres États européens. D’autres facteurs sont, eux, directement liés à l'histoire et à la politique russes. «Il y avait et il y a toujours des problèmes dans le système sanitaire russe», explique Jean Radvanyi, pointant du doigt la récurrence de certaines maladies péri-natales, ou encore les défaillance chroniques de l'industrie pharmaceutique. 

Alcool et conflits : une mortalité systémique 

À ce contexte de faible natalité s'est ajoutée une mortalité élevée, directement liée à des modes de vie inadaptés de la population. «Beaucoup de morts non-naturelles, liées à l'alcoolisme ou à des rixes», analyse Jean Radvanyi, ajoutant qu'une succession de crises a également participé au dépeuplement en cours dans le pays. Ainsi de la guerre de Tchéchénie, qui opposa dès 1999 l'armée fédérale aux indépendantistes tchéchènes, et qui a provoqué la mort de plusieurs milliers de soldats russes.

L'immigration, solution insuffisante

À la fin des années 1990, la baisse de la natalité et la hausse de la mortalité dans le pays ont été en partie compensées par des vagues de migrations. «La Russie a, pendant de nombreuses années, eu plus de migrants que de gens qui quittaient le pays (...). Après l’éclatement de l’URSS, beaucoup de gens qui vivaient dans les autres républiques sont rentrés en Russie. Il y a donc eu un accroissement migratoire qui a en partie compensé ce déficit de naissance, mais pas totalement», indique Jean Radvanyi.

Le géographe revient également sur l'impact économique de la crise démographique dans le pays, d'autant plus présent dans un contexte de pandémie et de tension sécuritaire. 


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16 mai 2022, 11:03