Un convoi de manifestants lors de la COP26 à Glasgow, le 3 novembre 2021. Un convoi de manifestants lors de la COP26 à Glasgow, le 3 novembre 2021.  

COP26: la finance s’engage vers la neutralité carbone, sous l'oeil sceptique des observateurs

Lors du troisième jour de discussions à la COP26 de Glasgow, des centaines d’acteurs financiers comme les banques ou gestionnaires d’actifs ont promis d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Une promesse ambitieuse, mais attention au piège de la compensation carbone, rappellent les associations de défenses de l’environnement présentes sur place, dont le CCFD-Terre Solidaire.

Marine Henriot, envoyée spéciale à Glasgow

Sous la houlette des Nations unies, plusieurs centaines d’acteurs financiers comme les banques, les gestionnaires d’actifs ou les assurances, se sont engagés mercredi 3 novembre à arriver à la neutralité carbone d’ici au plus tard 2050.

À l’échelle de la planète, la neutralité carbone est une situation dans laquelle les rejets anthropiques (liés à l’activité humaine) de dioxyde de carbone -en grande partie responsables du réchauffement climatique-, sont compensés avec leur absorption par des puits de carbone. Cette absorption, qui se fait via des puits de carbone naturels comme les océans ou les tourbières, ou artificiels comme une plantation d’arbres, permet d’arriver à un équilibre entre les émissions et l’élimination du carbone dans notre atmosphère, c’est cela qu’on appelle la neutralité climatique, ou carbone.

Pour arriver à cette neutralité carbone, «les entreprises doivent mettre en place des plans de transition solides et les Etats des politiques prévisibles. Cela donnera à la finance la confiance pour investir», a annoncé ce mercredi Mark Carney, émissaire des Nations unies et ancien gouverneur de la banque d'Angleterre, appelant à «travailler ensemble». L'investissement nécessaire pour décarboner l'économie mondiale est estimé à 100 000 milliards de dollars sur 30 ans

Le piège de la compensation

Sur place, les associations saluent cet engagement qui va dans la bonne direction, mais qui n’est absolument pas suffisant, confient-elles, car cette déclaration n’empêche pas les acteurs financiers d’investir dans dans énergies fossiles comme le charbon ou dans le pétrole, fortement émettrices de gaz à effet de serre. Au contraire, nous détaille Myrto Tilianaki, chargée de plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire, par le biais de la compensation carbone, les entreprises financières peuvent continuer leurs investissements dans les énergies fossiles tout en arrivant à la neutralité carbone.

En marge de la COP26, une manifestation du peuple indigène Minga pour défendre la biodiversité.
En marge de la COP26, une manifestation du peuple indigène Minga pour défendre la biodiversité.

La compensation carbone est «une sorte de pensée magique selon laquelle on peut faire disparaître nos émissions par exemple en plantant des dizaines de millions d’arbres», détaille la chargée de plaidoyer du CCFD-Terre Solidaire

Ainsi, de nombreux Etats, financiers ou industriels ont recours à cette compensation carbone pour atteindre leurs objectifs de neutralité climatique. «La compensation prend une place démesurée dans le plan neutralité climatique de nombreux acteurs», commente Myrto Tilianaki, dénonçant «une manière de maquiller l’expansion des activités polluantes».

Mise en danger des populations

La compensation carbone représente également une atteinte au droit humain et la biodiversité. Pour permettre des projets de puits de carbone, des dizaines de millions d’hectares risquent d’être mis sous cloche, avertit le CCFD-Terre Solidaire. Une saisie des territoires qui se fait au détriment des populations locales, par exemple pour créer des puits de carbone qui absorberait ses émissions, le géant pétrolier TotalEnergies finance notamment des projets de plantation d’arbres, comme sur les plateaux Batéké en République Démocratique du Congo.

Ce plateau est une savane, c’est-à-dire un écosystème complexe. Son remplacement par des monocultures d’arbres importés représente un danger pour la région. «Dans cette zone, de nombreux peuples autochtones dépendent de cette terre pour vivre et se nourrir. Ces populations locales ne sont pas consultées lors de ces plantations d’arbres», précise l’association de défense de l’environnement, qui plaide pour une «une approche systémique, menant de concert la réduction réelle des émissions et la défense des droits humains et de la biodiversité, permettra de garantir la justice climatique».

Aux alentours de la COP, de nombreuses associations et militants tiennent des rassemblements quotidiens pour rappeller aux acteurs de cette conférence de ne pas oublier leurs promesses. Une grande marche aura lieu samedi 6 novembre dans la ville écossaise. 

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03 novembre 2021, 16:22