Sit-in d'agriculteurs à la gare d'Amritsar Sit-in d'agriculteurs à la gare d'Amritsar 

Inde: les pauvres manquent de nourriture, alerte un jésuite

Le père Irudhaya Jothi, jésuite indien, spécialiste et promoteur du droit à l'alimentation, analyse la situation de la sécurité alimentaire dans le pays, en s’arrêtant particulièrement sur la protestation des agriculteurs qui dure depuis des mois. Le pays dispose de nourriture en abondance, mais les pauvres en manquent terriblement, dénonce-t-il, déplorant une «injustice flagrante».

«L’Inde se classe 101e sur 116 pays dans l'indice mondial de la faim 2021. Pourtant, c'est un pays d'abondance. En termes de réserves alimentaires, nous avons beaucoup plus que ce dont nous avons besoin pour satisfaire la faim de tout le monde et tout le monde pourrait être nourri dans le pays», affirme le jésuite à l’agence Fides. Cependant, «la nourriture n'est pas distribuée proportionnellement en Inde. Le paradoxe est que le gouvernement prévoit d'envoyer des céréales alimentaires pour produire de l'éthanol (un composé chimique organique) parce qu'il y a trop de céréales alimentaires. Mais il devrait plutôt donner la priorité aux personnes qui manquent de nourriture et souffrent de la faim», déclare encore le père Jothi, qui est également travailleur social.

Paradoxe criant

«L'Inde est dans une situation pitoyable en termes de distribution de nourriture en raison de politiques erronées. Le pays est aux mains de grandes entreprises multinationales. Et les politiques adoptées par le gouvernement ne sont pas favorables aux pauvres. C'est une situation choquante et inquiétante», ajoute le prêtre, pour qui le gouvernement ne peut se laisser aller à des compromis lorsqu’il s’agit de la faim. «Nous nous projetons comme l'un des pays brillants et avancés du monde, alors que des millions de personnes manquent de nourriture», observe-t-il, pointant un paradoxe certain.

Comme le soulignent les données et des études récentes, la pandémie de Covid-19 a aggravé le scénario de la faim en Inde et dans d'autres parties du monde en développement. «Le Mouvement pour le droit à l'alimentation a mené l'enquête sur la faim dans de nombreux États de l'Inde. Les résultats de cette enquête ont été présentés au gouvernement, mais celui-ci n'y prête pas attention», dénonce le père Jothi, citant le cas de familles entières, qu’il connait personnellement.

«La faim des gens est une chose sérieuse en Inde. C'est ce que dit l'Indice Global de la Faim 2021. Nous devons faire pression sur le gouvernement pour qu'il corrige son programme de soutien aux grandes entreprises en s'engageant en faveur des pauvres. Nous demandons que le gouvernement distribue immédiatement des céréales alimentaires aux pauvres. C'est un appel urgent», dit-il.

Colère des agriculteurs

En Inde, la Journée de l'alimentation, célébrée le 16 octobre dernier, a coïncidé avec la plus longue manifestation d'agriculteurs de l'histoire du pays, lancée le 26 novembre 2020 à New Delhi et toujours en cours. Après l'échec des premières tables de négociation, le gouvernement indien a refusé d'écouter les demandes des agriculteurs.

«Les lois anti-agriculteurs doivent être abrogées pour protéger l'agriculture indienne et des millions d'agriculteurs pauvres d'une prise de contrôle totale par les grandes entreprises», plaide Rakesh Tikait, chef de l'un des principaux syndicats du secteur.

En septembre 2020, le Parlement indien a adopté une réforme agricole globale par le biais de trois projets de loi distincts, livrant le secteur aux grandes entreprises agroalimentaires internationales. Les agriculteurs indiens et de nombreux analystes et ONG voient un risque important dans la mise en œuvre d'un système qui conduira à un appauvrissement supplémentaire (et donc à une crise alimentaire) des agriculteurs.

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21 octobre 2021, 10:18