Ces dernières semaines, le Liban a été plongé deux fois dans un black-out total faute d'approvisionnement en carburant. Ces dernières semaines, le Liban a été plongé deux fois dans un black-out total faute d'approvisionnement en carburant. 

Au Liban, le secteur de l’énergie tente une sortie de crise

Faute d’approvisionnement, la compagnie nationale d’électricité du Liban (EDL) ne fournit plus qu’environ deux heures d’électricité par jour à ses habitants. Plongé dans une crise énergétique sans précédent, le pays du cèdre est contraint de se tourner vers d’autres sources d’énergie, analyse pour Vatican News Laury Haytayan, experte libanaise du pétrole et du gaz au Moyen-Orient.

Claire Riobé – Cité du Vatican

Les Libanais vivent dans le noir. Ces dernières semaines, le Liban a été plongé deux fois dans un black-out total, par manque de carburant. Les deux principales centrales de gazole du pays, qui servent à produire et répartir l'électricité partout sur le territoire, sont presque vides. Ces pénuries, et les coupures de courant drastiques imposées en conséquence par la compagnie nationale d'électricité EDL (Electricité du Liban) aux Libanais, paralysent leur vie quotidienne et les services vitaux du pays. L’électricité produite par des générateurs privés étant elle aussi soumise à rationnement, les Libanais se retrouvent aujourd’hui privés d’électricité plusieurs heures du jour et de la nuit.

La crise énergétique que connait le Liban, bien que vieille de plusieurs décennies, a été aggravée par la crise économique, politique et financière que traverse le pays depuis bientôt deux ans, qualifiée « d’historique » par la Banque mondiale. L’effondrement de la monnaie nationale libanaise, combiné à la raréfaction des devises étrangères nécessaires aux importations, ont provoqué une hausse des prix, en particulier du carburant. Le secteur de l'énergie libanais se trouve aujourd’hui au bord du gouffre.

Multiplier les partenariats régionaux

Plusieurs solutions ont été envisagées dernièrement par le ministère libanais de l’Energie afin d’atténuer les effets de la crise. La première, un partenariat avec l’Irak, a apporté une bouffée d’oxygène nécessaire au pays du cèdre. Le 24 juillet 2021, Bagdad et Beyrouth ont signé un accord au terme duquel le premier s’engageait à fournir au second un million de tonnes de pétrole sur un an. «Nous avons aujourd’hui le fioul irakien qui arrive au Liban. Et cela ne nous coûte pas cher, car l’Irak ne souhaite pas être payé maintenant», explique Laury Haytayan, experte libanaise du pétrole et du gaz au Moyen-Orient.

Autre solution considérée par le ministère de l’Energie : acheminer du gaz naturel égyptien via la Jordanie et la Syrie, jusqu’au nord du Liban. Le 8 septembre 2021, les quatre Etats moyen-orientaux ont ainsi signé une feuille de route à Amman, afin de mettre en place une stratégie de soutien au Liban. «C’est très important pour l’Egypte de jouer le rôle de force régionale et d’être le centre de l’énergie de la région. C’est pourquoi elle cherche de nouveaux marchés, et le Liban est un de ceux-là.», analyse l’experte libanaise, également directrice de l’institut de conseil en hydrocarbures NRGI, au Moyen-Orient.

Enfin, troisième solution envisagée depuis fin septembre par le ministre de l’énergie libanais : faire venir de l’électricité produite par la Jordanie sur son territoire national. Car tout comme l’Egypte, le royaume hachémite a un surplus d’électricité, qu’il cherche à écouler via de nouveaux marchés. «C’est pour cette raison qu’on a vu soudainement Amman dire qu’elle devait aider le Liban et les Libanais, et trouver une solution pour les aider à surpasser cette crise.», explique Laury Haytayan.

Pris ensemble, le gaz naturel égyptien et l’électricité jordanienne devraient permettre au Liban de produire jusqu’à 450 mégawatts (MW), soit le quart de ses besoins actuels. Une opération gagnante pour les deux Etats : « Pour l’Egypte comme la Jordanie, ce projet signifie l’ouverture sur la Syrie. Et je pense que c’est aussi ce que le Hezbollah veut. Son objectif n’est pas de nous faire gagner quelques heures d’électricité, mais avant tout de chercher à s’ouvrir sur la Syrie.», considère l’experte. Le Hezbollah, mouvement chiite pro-iranien, a par ailleurs annoncé fin septembre 2021 des livraisons de mazout en provenance de l’Iran.

« Un problème de système politique »

Formé en septembre après treize mois de tractations politiques, le nouveau gouvernement libanais mené par Najib Mikati s’est engagé à amorcer des réformes dans le secteur de l’électricité, et à rétablir progressivement le courant public. Des promesses auxquelles peine à croire, de son côté, Laury Haytayan. «Cela fait vingt ans que nous sommes dans une crise énergétique. Et en vingt ans, rien ne s’est passé », déplore-t-elle. « Le ministre de l’énergie voyage aujourd’hui d’un pays à un autre, pour tenter de trouver des solutions rapides…mais il ne parle pas de réformes. Tous ces partenariats, pris dans leur ensemble, peuvent apporter une certaine amélioration [du quotidien des Libanais]. Mais le fond du problème n’est pas un problème d’énergie, c’est un problème de système politique.»

La directrice du NGRI l’affirme, la solution à la crise énergétique libanaise ne pourra venir que d’une réforme en profondeur du système politique en place. «C’est malheureux de constater à quel point le blocage du système politique au Liban nous amène à la situation actuelle. Nous avons avant tout besoin de faire des réformes institutionnelles et de construire nos propres centrales électriques (…). Et je crois qu’il est temps d’y faire face, et que nous travaillions tous ensemble, dans le pays, pour trouver des solutions.»

Entretien avec Laury Haytayan

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22 octobre 2021, 15:47