Emmanuel Macron et Paul Kagame le 17 mai 2021 à Paris Emmanuel Macron et Paul Kagame le 17 mai 2021 à Paris 

France-Rwanda : la mémoire en partage

Visite historique ce jeudi du président français au Rwanda. Emmanuel Macron se rend à Kigali pour sceller la réconciliation entre Français et Rwandais après 27 ans de tensions qui ont suivi le génocide des Tutsis de 1994. Le travail de mémoire des deux pays a permis ce rapprochement sans effacer les blessures.

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican

Depuis 1994, le débat sur la responsabilité des autorités françaises dans le génocide des Tutsis au Rwanda ne s’est pas calmé, entre ceux qui accusaient Paris de complicité dans les massacres et ceux qui niaient toute faute ou erreur à l’époque des faits. Le rapport Duclert commandé par le président Emmanuel Macron, et effectué à partir des archives françaises de l’époque, a permis à la France de regarder en face le passé. S’il est exagéré de dire que Paris est complice de crimes contre l’humanité, il est juste de souligner l’aveuglement pour différents motifs du gouvernement et de la présidence envers les auteurs du génocide.

Ce rapport Duclert est donc une étape importante dans le travail de mémoire des Français mais aussi des Rwandais sur le drame survenu en 1994 et lors duquel périrent 800 000 personnes, en grande majorité des Tutsis. Ce document permet aussi aux gouvernements français et rwandais d’apaiser leurs relations.

Une visite historique

Second président à se rendre à Kigali depuis 1994 après Nicolas Sarkozy en 2010, Emmanuel Macron a «à cœur d’écrire une nouvelle page» entre les deux pays, et cette visite doit consacrer «l’étape finale de normalisation des relations» selon la présidence française. Ce jeudi matin, il visitera le Mémorial du génocide où il prononcera un discours en s’adressant notamment aux survivants du génocide.

«Cette visite est vraiment historique» estime ainsi Colette Braeckman, journaliste au quotidien belge Le Soir, qui connait très bien le Rwanda et a été témoin du génocide. Le rapport Duclert représente pour elle «le triomphe de la vérité» et «une nouvelle page s’est ouverte et c’est important pour la France de connaitre la vérité, de la reconnaitre, peut-être de réparer ses conséquences». Pour les victimes, les survivants et leurs proches, «c’est aussi un élément de réconfort psychologique».

Cette visite, et la reconnaissance des responsabilités de la France, est aussi, du point de vue de la journaliste belge, une bonne chose pour la société française, tiraillée depuis un quart de siècle entre une demande de clarification de ce qui s’est passé en 1994 et le déni dont les autorités ont fait preuve. Cela permettra aussi d’améliorer l’image de Paris dans plusieurs pays africains où les événements rwandais sont connus et ont marqué les opinions publiques.

Une normalisation des relations

Pour Paul Kagame, cette réconciliation avec la France est logique, analyse Colette Braeckman qui souligne que Paris et Kigali sont engagés côte à côte dans la lutte contre le terrorisme, le Rwanda participant même à la stabilisation de la Centrafrique via un contingent de casques bleus. «Le Rwanda est un pays qui a évolué et qui s’engage pour la paix, contre le terrorisme dans d’autres pays d’Afrique. La France et le Rwanda ont donc intérêt à s’entendre pour jouer un rôle positif en Afrique», assure-t-elle.

Cela permettra aussi, pense la journaliste, d’aider les Rwandais à se réconcilier avec les Congolais, avec qui les relations, si au niveau officiel sont rétablies et bonnes, au niveau des populations sont encore marquées par une grande méfiance que les récents propos de Paul Kagame sur les crimes commis il y a une vingtaine d’années n’ont pas améliorées. Le président rwandais a nié dans une interview à France 24 et RFI l’existence de crimes commis par des Rwandais dans l’Est de la République démocratique du Congo, ce qui a suscité une vive émotion dans ce pays.

Entretien avec Colette Braeckman, journaliste au Soir

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27 mai 2021, 08:30