Des femmes yézidies brûlent de l'encens lors des funérailles de victimes de l'État islamique dans le village de Kojo, le 6 février 2021. Des femmes yézidies brûlent de l'encens lors des funérailles de victimes de l'État islamique dans le village de Kojo, le 6 février 2021. 

Irak: Nadia Murad s’adresse au Pape pour la protection des minorités

La prix Nobel de la Paix 2018 a pris la plume avec plusieurs ONG internationales et représentants de la société civile irakienne pour écrire au Saint Père à l'occasion de sa visite en Irak. Ils espèrent des engagements concrets locaux et sur la scène régionale afin de protéger les minorités qui ont souffert et continuent d'être menacées à cause de lois jugées injustes.

Gabriella Ceraso – Cité du Vatican

La visite du Pape François en Irak met en lumière les nombreux défis auxquels sont confrontées les minorités religieuses du pays et la nécessité d'un respect mutuel. Parmi ces minorités se trouvent les Yézidis (Yazidis), que le Pape a à maintes fois cités comme l'exemple des souffrances physiques et spirituelles endurées à cause de l'extrémisme et de la violence.

Pour les membres de cette minorité et en particulier pour ceux qui restent portés disparus ou dans les mains de leurs ravisseurs, le Pape a prié afin que «les libertés fondamentales soient respectées et reconnues» partout, comme ce samedi matin dans son discours dans la cité antique de Ur, ville d'Abraham.

Des paroles que l’on retrouve dans la longue lettre ouverte signée, avec plusieurs ONG internationales et des représentants de la société civile irakienne, par Nadia Murad, une jeune Yézidie captive un temps des djihadistes du groupe État islamique et qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2018.

«Les Yézidis ressentiront les effets durables du génocide jusqu'à ce que les minorités bénéficient d'une protection et de droits complets en Irak» peut-on lire dans ce texte. Le moment que traversent l'Irak et sa région est, selon eux, critique et la visite du Pape est «une occasion importante de promouvoir la paix et la tolérance, en rassemblant les communautés ethniques et religieuses et en poussant à une action collective pour prévenir de nouvelles atrocités du type de celles qui ont causé tant de souffrances pendant des générations.»

Génocide et marginalisation systématique


Cette lettre ne se contente pas de décrire la «riche tapisserie» que forment les différentes communautés d’Irak, mais dénonce le fait qu'après plusieurs siècles de coexistence pacifique, des persécutions et des attaques violentes de nature religieuse ont frappé des groupes minoritaires. On parle de «génocide», d'«abus de la charia», de «marginalisation institutionnalisée», à l'origine de la fuite de centaines de milliers de personnes et d'un tissu social dissous dans ce qui fut pourtant un «berceau de civilisation». La déstabilisation liée à l'intervention militaire de 2003 a entraîné une réduction du nombre de chrétiens et a perpétué la violence entre les Yézidis, les Sabéens-Mandéens, les Turkmènes, les Kak'ais et les Shabaks qui ont dû faire face à des menaces existentielles depuis des années. Puis est arrivé le terrorisme de Daesh en août 2014, avec des conversions forcées et la destruction de biens culturels, dans l'intention d'«effacer complètement la présence des minorités religieuses irakiennes».

Une menace encore vivante

Mais cela ne s’arrête pas là car, «la menace de futures atrocités de la part de Daesh reste claire et bien présente, malgré la défaite territoriale du groupe terroriste». Les discours de haine et l'intolérance profondément enracinée sont le résultat d'un manque d'éducation liée aux religions, et l'insuffisance des infrastructures de base et des services ainsi que la menace permanente pour la sécurité «laissent les communautés avec un sentiment de désespoir» expliquent les auteurs de cette lettre.

De nombreux efforts ont été faits, reconnaissent-ils, mais «sans justice et sans que les responsables des atrocités passées aient à répondre de leurs actes, les communautés religieuses continueront à être persécutées et menacées de violences répétées». Sont ensuite listées, des demandes adressées au gouvernement irakien, au gouvernement du Kurdistan irakien, à la communauté internationale et aux chefs religieux.

Promouvoir la coopération et l’unité


À l’occasion de la visite du Pape, «une occasion idéale de promouvoir la coopération et l'unité d'objectif afin de répondre pleinement aux besoins des communautés touchées», les auteurs de la lettre demandent à ce que soient prises des mesures concrètes en termes d'indemnisation des survivants, de protection des personnes par des moyens légaux, de reconstruction des zones détruites à Sinjar, Tel Afar et dans la plaine de Ninive avec la réactivation des services de base et des possibilités de subsistance. Ils appellent également à un soutien thérapeutique à apporter aux survivants, en particulier aux femmes et aux enfants, pour faciliter leur réinsertion sociale, mais aussi à des changements de lois et à la promotion d'une éducation religieuse qui puisse informer sur les communautés minoritaires. 

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06 mars 2021, 18:50