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Un sans-abris à Paris, le 17 avril 2020. Un sans-abris à Paris, le 17 avril 2020.  

La «bombe à retardement» du mal-logement en France

Dans son nouveau rapport, la Fondation Abbé-Pierre dénonce la précarisation grandissante dans l'hexagone aggravée par la pandémie de Covid-19 et regrette que la question du logement ne soit pas une priorité du gouvernement.

Olivier Bonnel - Cité du Vatican

Les années suivent et se ressemblent quand il s'agit d'évoquer la précarité en France. Parmis ses indicateurs, celui du logement qui confirme une dynamique inquiétante: il y a de plus en en plus de mal-logés dans l'Hexagone.

Dans son rapport annuel sur le mal-logement publié ce mardi, la Fondation Abbé Pierre dévoile ces tendances profondes, aggravées par la crise sanitaire. Même si le gouvernement a pris des mesures pour alléger l'impact de la crise, comme l'allongement de deux mois de la trêve hivernale, qui interdit toute expulsion locative, ou une trêve sur les coupures d'énergie en raison des impayés de chauffage, les tendances structurelles restent les mêmes. 

Il y a d'abord ce chiffre brut et vertigineux: 300 000 personnes en France étaient privés de domicile au mois de novembre 2020, selon le rapport de la fondation. Ceci recouvre aussi bien les sans-abris que les personnes hébergées dans des structures d'urgence temporaires. Un nombre qui a doublé depuis 2012 précise la fondation Abbé Pierre. Les sources d'inquiétude ne manquent pas écrit la fondation, «avec un risque sanitaire toujours présent, l’isolement et le délitement des liens sociaux dus au confinement, la perte de revenus liée au ralentissement de l’activité économique et le chômage qui devient l’horizon de millions d’actifs».

L'impact de la crise sanitaire

A des tendances de fonds qui ne cessent de s'accentuer s'est ajoutée ces derniers mois la crise sanitaire liée au Covid-19. Une «double-peine» pour les personnes mal-logées s'inquiète l'association. Le rapport reprend avec acidité les propos du président Emmanuel Macron le 16 mars 2020 lorsqu'il a annoncé à la France le premier confinement, encourageant ses concitoyens à «rester chez eux et limiter les contacts», soulignant que pour nombre de personnes, le «chez soi» restait une utopie. «La crise sanitaire révèle l’ampleur de la crise sociale et du logement, mais les aggrave également, dès aujourd’hui et sans doute hélas à l’avenir. Face à cela, l’intervention sociale montre ses limites, en se repliant sur l’aide humanitaire, relayée par de nombreux gestes de solidarité» note la fondation Abbé Pierre.

L'association s'indigne notamment d'explusion pendant le confinement de personnes, comme les gens du voyages, stationnant sur des terrains de manière «illicite» n'ayant pu trouver de place sur les traditionnelles aires d'accueil. 

Si la Fondation Abbé Pierre reconnaît des efforts de la part des pouvoirs publics dans la mise à l'abri des personnes les plus précaires, saluant par exemple la réquisition par l'État de locaux dans certaines agglomérations, elle regrette néanmoins un manque de moyens pour répondre à l'urgence des besoins. Par ailleurs, relève encore la fondation, les « grands précaires » à la rue (qu’ils soient avec animaux, souffrant d’addictions, de troubles psychiques…) «ont constitué le public pour lequel les réponses ont le plus tardé à se mettre en place.

Quel «monde d'après?»

Ce rapport pose aussi la question des choix prioritaires du gouvernement et regrette que la question du logement ne soit pas en haut de l'agenda politique. C'est d'ailleurs le cas depuis 2017 et l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron en 2017. Il pose ainsi clairement la question du modèle de société à construire en tirant les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. 

«Ne pensons pas simplement que cette crise « finira bien par passer », car ses séquelles risquent d’apparaître encore pendant longtemps», relève Laurent Desmard, le président de la Fondation Abbé Pierre, dans sa présentation du rapport. «Regardons plutôt ce qu’elle révèle de nos fragilités, de nos insuffisances collectives, comme de nos forces politiques, associatives, citoyennes et nos capacités à venir en aide aux plus souffrants, comme nous l’invitait à le faire sans relâche notre fondateur.»

La fondation met notamment l'accent sur le défi de la rénovation énergétique plaidant notamment pour la mise en place d'«un véritable service public pour la performance énergétique des bâtiments au niveau local» et le déblocage de subvention pour la rénovation complète des logements des ménages les plus modestes. Un rapport qui se veut en forme d'avertissement pour les prochaines échéances électorales: «les candidats à la présidentielle de 2022 doivent se saisir de ce symbole à la croisée des enjeux sociaux et climatiques, et en faire une des causes incontournables de cette nouvelle décennie», précise la fondation

 

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02 février 2021, 14:51