Une femme pleure la mort d'un de ses proches dans la prison de Guayaquil mardi. Une femme pleure la mort d'un de ses proches dans la prison de Guayaquil mardi. 

Equateur: 79 morts dans des émeutes carcérales

Une série d'émeutes et d'affrontements ont éclaté de façon simultanée mardi entre des gangs se disputant le contrôle des prisons à Guayaquil, Cuenca et Latacunga, villes qui concentrent 70% de la population pénitentiaire. Les autorités ont assuré avoir repris le contrôle des prisons. Analyse.

Hier soir, une nouvelle mutinerie a débuté dans l'une des prisons de Guayaquil. Les gardiens appuyés par la police et des militaires ont rétabli l’ordre quelques heures plus tard. On ne sait pas si de nouvelles victimes sont à déplorer mais sur twitter, le chef de la police, le général Patricio Carrillo a évoqué «l'agressivité et l'irrationalité des groupes de délinquants».

Mardi, au moins 79 personnes ont perdu la vie en une journée d’émeutes. Le directeur du système pénitentiaire (SNAI), Edmundo Moncayo, parle de 37 victimes à Guayaquil, 34 à Cuenca et huit à Latacunga, des villes qui concentrent 70% de la population pénitentiaire.

Des scènes glaçantes


À Cuenca, le procureur local a fait des révélations qui ont glacé d’horreur les 600 000 habitants de la troisième ville d'Équateur. «Environ 18 cadavres ont été décapités et on a même tenté d'en brûler certains» affirme Leonardo Amoroso.

Depuis l’extérieur de la prison de Tori, une vendeuse ambulante a vu «des gens au désespoir, des prisonniers sur la terrasse, des coups de feu dans tous les sens, des hurlements». Elle parle à l’AFP des personnes en visite dans la prison qui se sont enfuies prises de «panique parce qu'elles allaient se faire tuer».

Après ce «massacre sans précédent» selon les mots du Défenseur du peuple, entité publique chargée de la protection des droits humains, le bureau des Nations unies en Équateur a demandé «une enquête rapide et impartiale» et a appelé à «sanctionner les responsables et à une gestion de la crise conforme aux règles de la Constitution et aux instruments internationaux relatifs aux droits humains».

Surpopulation carcérale

«Le problème des prisons en Équateur est ancien», explique Alfredo Luis Somoza président de l'Institut de coopération économique internationale de Milan, dans une interview accordée à Vatican News. «La surpopulation et un personnel pénitentiaire sous-dimensionné et sous-payé, sont des problèmes qui existent depuis un certain temps, et cela finit par avoir un impact», estime-t-il.

L'Équateur compte environ 60 centres pénitentiaires d'une capacité de 29.000 places. Mais résume l’AFP, la surpopulation avoisine les 30%. Il y a aujourd’hui 38.000 détenus, surveillés par 1.500 gardiens alors que, selon des experts, il en faudrait 4.000 pour un contrôle efficace.

Après la «barbarie» de mardi, le chef de l’État, Lenin Moreno a ordonné un renfort de l'armée pour procéder au «contrôle d'armes, d'explosifs et de munitions aux abords des centres pénitentiaires 24 heures sur 24 et le temps que ce sera nécessaire». À Guayaquil, après les affrontements, des armes à feu, couteaux, machettes, téléphones portables et drogues ont été saisis.

Guerre de gangs


Revenant sur l’origine des violences, le président équatorien y voit «une extermination entre bandes criminelles». Un gang de narco-trafiquants aurait organisé des attaques coordonnées pour éliminer une bande rivale. «Ce n'est pas un hasard. Cela a été organisé de l'extérieur des prisons et orchestré en interne par ceux qui s'en disputent le contrôle, ainsi que le trafic de drogue sur tout le territoire national», a ajouté le président Moreno.

Dans son entretien accordé à notre collègue Andrea de Angelis, Alfredo Luis Somoza affirme que ces émeutes ne sont pas les premières, «probablement parce qu'aucun de ces gangs ne parvient à s'imposer». «Les cartels en Équateur ne sont pas liés strictement au trafic de drogue, et parviennent à exercer un certain contrôle sur les structures pénitentiaires». Il ne s’agit pas que d’exercer un contrôle à l’intérieur des prisons. «Souvent ces gangs criminels ont leurs chefs en prison. Depuis ces prisons, les patrons continuent de coordonner leurs affaires, par téléphone et par d'autres moyens. Contrôler la prison où se trouve le chef d'un gang ou ses affiliés devient stratégique», explique le journaliste installé à Milan.  

Les autorités équatoriennes ont fait état d'au moins quatre gangs opérant dans ces prisons: Los Pipos, Los Lobos, Tigrones et Chone Killers.

Selon le Défenseur du peuple, il y a eu «103 assassinats» dans les prisons équatoriennes en 2020.

 

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25 février 2021, 10:36