Des militaires à Naypidaw, la capitale birmane, le 2 février. Des militaires à Naypidaw, la capitale birmane, le 2 février.  

Les militaires birmans reprennent à nouveau le pouvoir

Les militaires birmans sont retournés au pouvoir après leur coup d’État ddu 1er février. Ils prétextent des irrégularités lors des élections législatives de novembre dernier pour justifier la fin de l’expérience démocratique entamée en 2011. Mais quelles sont les véritables raisons de ce coup de force ? Une contradiction dans le système que les militaires ont eux-mêmes élaboré.

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican

La nouvelle Assemblée nationale, issue des élections législatives de novembre 2020, devait se réunir ce lundi 1er février. Mais les militaires ont agi avant, arrêtant les principaux chefs politiques civils, au premier rang desquels Aung San Suu Kyi, cheffe de facto du gouvernement, et le président de la République. Ce coup d’État était «inévitable» a affirmé le 2 février au soir le chef de l’armée, le général Min Aung Hlaing, nouveau maître du pays.

Au-delà du prétexte invoqué pour justifier leur action -de présumées irrégularités lors du scrutin de novembre- les militaires semblent avoir craint que la nouvelle assemblée ne parvienne à remettre en cause le pouvoir qu’ils s’étaient octroyés grâce à la constitution qu’ils avaient imposée. «Cette assemblée pouvait éventuellement aller plus loin dans une tentative de marginalisation des bastions politiques conservés par les militaires» analyse Jean-Louis Margolin, historien de l’Asie orientale contemporaine.

Les militaires conservaient d’office 25 % des sièges de l’Assemblée, sans compter d’autres éventuels sièges détenus par leur parti politique. Ils occupaient aussi les ministères de la Défense, de l’Intérieur et des Frontières. Mais la victoire de la LND, la Ligue nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi, qui a remporté 82 % des 75 % des sièges ouverts au vote, lui permettait d’obtenir une majorité absolue bien menaçante pour les intérêts des militaires. L’instrument mis en place par l’ancienne junte pour garder la haute main sur les affaires risquait donc d’être inopérant.

Intérêts économiques de l’armée

L’armée est-elle pour autant unie derrière son chef ? Ce n’est pas évident à savoir, estime Jean-Louis Margolin, car elle n’est évidemment pas réputée pour sa transparence. «Il y a un élément personnel» cependant, explique l’historien dans la mesure où le général Min Aung Hlaing devait partir à la retraite en juillet prochain et qu’il possède personnellement, ou via ses enfants, d’importants intérêts économiques, comme du reste, une grande partie de l’armée.

Les réactions au coup d’État à l’intérieur du pays sont pour l’heure réduites. Au sein de la société, les militaires peuvent compter sur deux groupes. Il y a d’abord «une partie des milieux d’affaire profondément corrompus, habitués à vivre en symbiose avec le pouvoir d’État», explique Jean-Louis Margolin. L’autre catégorie, précise-t-il, ce sont les «bouddhistes extrémistes». Marginalisée ces dernières années, une partie du clergé et des gens qui s’en sentent proches «vont certainement pavoiser avec cette prise du pouvoir par les militaires».

Quant aux objectifs de la junte, il est pour l’heure difficile d’y voir clair. Les militaires ont promis de rendre le pouvoir à l’issue de nouvelles élections. Mais qu’en sera-t-il réellement ? Mystère

Entretien avec Jean-Louis Margolin

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03 février 2021, 10:46