Une femme et son enfant à la frontière entre le Soudan et l'Éthiopie, dans l'État de Kassala, en novembre 2022 Une femme et son enfant à la frontière entre le Soudan et l'Éthiopie, dans l'État de Kassala, en novembre 2022 

Tigré: un conflit opaque aux conséquences humanitaires désastreuses

Deux mois et demi après le début de l’offensive du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, les affrontements ne semblent pas terminés, et la population, contre laquelle des exactions sont commises, est mise à rude épreuve.

Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

C’est un conflit qui est passé à l’arrière-plan dans l’actualité internationale, mais il n’en continue pas moins de faire des ravages. Au Tigré, cette région du nord de l’Éthiopie où l’armée éthiopienne est intervenue en novembre pour mater la rébellion du FLPT, le Front de Libération du peuple du Tigré, la situation reste instable. Le Premier ministre Abiy Ahmed avait lancé l’offensive militaire le 4 novembre, avant de proclamer la victoire le 28, lors de la prise de Mekele, la capitale régionale. Le gouvernement avait ensuite annoncé un retour à la normale, mais aujourd’hui, les rares informations qui filtrent de cette région inaccessible aux journalistes indiquent le contraire. Les dirigeants du TPLF en fuite ont affirmé vouloir poursuivre les combats. Les Nations-Unies ont parlé de «conflits localisés» et déploré la mort de cinq travailleurs humanitaires, comme le rapporte RFI.  


Inquiétude des organisations internationales

Une chose est certaine, les affrontements qui sévissent depuis l’automne ont entraîné une immense catastrophe humanitaire. On ne dispose pas de bilan précis, mais l’International Crisis Groupe évoque «des milliers de morts». Deux millions d’Éthiopiens, soit un tiers de la population, sont en fuite. Des milliers de réfugiés s’entassent dans des camps à la frontière soudanaise. Une famine est également redoutée, parfois présentée comme «organisée», dans le «but politique d’affaiblir les tigréens», explique Sonia Le Gouriellec, maître de conférence en sciences politiques à l’Université catholique de Lille.

L’ONU a quant à elle récemment alerté sur des cas de violences sexuelles et d’abus. «Je suis très inquiète des graves accusations de violences sexuelles dans la région du Tigré en Éthiopie, notamment d'un grand nombre de viols présumés» dans la zone de Mekele, déclarait le 21 janvier dernier Pramila Patten, représentante spéciale de l'ONU chargée des violences sexuelles commises en période de conflit.

Pour Sonia Le Gouriellec, «des pressions extérieures peuvent venir de la part de l’Union Européenne» pour rétablir la paix dans le pays, et d’abord en obtenant un accès indépendant au Tigré, pour l’heure refusé par les autorités éthiopiennes. Quant aux États-Unis, un temps en retrait en raison de l’élection présidentielle, ils devraient se repencher sur le dossier. L’Union Africaine en revanche «marche sur des œufs avec l’Éthiopie», étant donné que le siège de l’organisation est à Addis-Abeba. La chercheuse évoque aussi la stratégie politique du gouvernement actuel en vue des élections législatives et régionales du 5 juin prochain.

Entretien avec Sonia Le Gouriellec

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25 janvier 2021, 08:31