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Une protestation de parents, d'élèves et d'enseignants après l'attaque de l'école de Kumba, le 25 octobre 2020. "Nous avons besoin de stylos, pas d'armes". Une protestation de parents, d'élèves et d'enseignants après l'attaque de l'école de Kumba, le 25 octobre 2020. "Nous avons besoin de stylos, pas d'armes". 

Noso camerounais: les jeunes sont les premières victimes d'une «sale guerre»

Depuis la rentrée scolaire, il y a à peine un mois dans le nord-ouest et le sud-ouest du Cameroun, de nombreux cas d’enlèvements, de harcèlements et d’assassinats d’élèves, d’étudiants et d’enseignants, ont été signalés. Une «sale guerre», témoigne le frère Eric Michel Miedji sur place.

Marine Henriot - Cité du Vatican 

L'inimaginable s’est produit à Kumba dans le sud-ouest du Cameroun, samedi 24 octobre. Des assaillants, munis de machettes, ont pénétré dans une école, et ont froidement assassiné neuf enfants, douze autres ont été blessés. Une nouvelle fois, l’école, sanctuaire de l’éducation, était prise pour cible par des groupes armés. Dans le viseur des autorités: des rebelles anglophones qui sévissent dans le Nord-Ouest et Sud-Ouest (Noso) du Cameroun et réclament la création d’un territoire indépendant, l’Ambazonie. 

«Ce carnage consacre le niveau d’insécurité criard qui règne dans cette partie du pays», détaille frère Eric Michel Miedji, qui lance l’alerte sur la situation de violence dans la région, où les jeunes sont les premières victimes. Selon l’Unicef, les attaques contre les écoles et le centres de formation dans le Noso augmentent de façon alarmante. L’organisation annonce que ces derniers jours, après la sordide attaque dans l’école de Kumba, au moins six élèves et onze enseignants ont été enlevés, des locaux scolaires ont été incendiés et un nombre indéterminé d'élèves et de membres du personnel scolaire ont été humiliés et harcelés dans diverses écoles de Kumbo (Division Sombre), Fundong (Division Boyo) et Limbe (Division Fako).

«Ces attaques sont inacceptables», a déclaré dans un communiqué Marie-Pierre Poirier, directrice régionale de l'Unicef pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, «Les écoles sont des lieux d'apprentissage où les enfants doivent se sentir en sécurité et protégés». Toujours selon l’organisation de protection de l’enfance, il y a eu 35 attaques d'écoles dans cette région instable en 2019, 17 en 2020, une diminution qui peut être attribuée à la fermeture des écoles à cause de la crise sanitaire entre mars et juin. 

Les conséquences sont dramatiques : plus d’un million d’enfants ne sont pas scolarisés au Cameroun. «La majorité de ces gens surtout les jeunes désoeuvrés, traumatisés par la guerre, sombrent dans l’oisiveté, le vol, la délinquance pour les garçons et la prostitution pour les filles», explique le membre des petits frères de Jésus de Bafoussam (Nord-Ouest). 

L’enlèvement du cardinal Tumi

Jeudi 5 novembre, le cardinal Christian Tumi, archevêque émérite de Douala, a été enlevé durant une nuit. Ses proches estiment que les ravisseurs sont des séparatistes anglophones, qui lui en voulait pour son travail de paix et pour sa lutte pour protéger les écoles. 

En colère, le frère Eric nous parle d’une «sale guerre, aux dimensions politiques, économique et sociales insupportables». Une sale guerre, qui oblige de nombreux ménages à fuir leurs terres, «il y aurait dans ces villes et villages du Cameroun plus d’un million de déplacés internes dont la majorité est composée des jeunes non scolarisés», s’inquiète le religieux. Et depuis le drame dans l’école de Kumba, les déplacés affluent, «nous sommes débordés», soupire-t-il.

Une situation terrible, qui est en fait un cercle vicieux, «Les enfants du Cameroun méritent mieux. Toute occasion manquée d'apprendre aujourd'hui empêchera les enfants de réaliser leur plein potentiel et de devenir les citoyens actifs et productifs de l'avenir», précise Marie-Pierre Poirier de l’Unicef. 

Les racines de la crise

La crise actuelle dans la région anglophone sévit depuis 2016, d’abord sociale, elle a débuté avec les revendications des enseignants ou des avocats réclamant de meilleures conditions de travail, égalent à celles des travailleurs francophones. Des revendications qui ont fait apparaître les limites du modèle de gouvernance du Cameroun, nous détaille le frère Eric, «le centralisme a démontré ses failles». Selon le membre des petits frères de Jésus de Bafoussam, «Les violences dûes à la crise et la radicalisation des protagonistes résultent en grande partie de la mauvaise réponse apportée par le Gouvernement : déni, mépris, intimidation, répression, emprisonnement et de l’étiolement de la confiance entre la population Anglophone et le Gouvernement au point qu’une probable majorité d’Anglophones envisagent comme issue viable que le retour au fédéralisme ou la sécession

Dans un appel à l’aide, frère Eric remercie l’association Côme Noi pour son travail, et demande aux «personnes de bonne volonté de venir à notre secours pour qu’ensemble nous trouvons des solutions concrètes pour l’épanouissement et l’intégration sociaux économiques de ces âmes à Foumban».

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07 novembre 2020, 14:33