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Un char russe déployé dans le Haut-Karabakh, le 10 novembre 2020. Un char russe déployé dans le Haut-Karabakh, le 10 novembre 2020. 

Haut-Karabakh: la Russie s'interpose entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan

La signature d'un accord de cessation des hostilités entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan a été obtenue lundi soir par le président russe Vladimir Poutine, après plus de 40 jours de guerre dans la région du Haut-Karabakh. L'envoi d'une force d'interposition russe vise à séparer les belligérants et à geler la ligne de front. L'Arménie perd le contrôle d'une partie des territoires conquis dans les années 1990.

Vatican News (avec agences)

L'annonce est intervenue dans la nuit de lundi à mardi: réunis à Moscou sous l'égide du président russe Vladimir Poutine, le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan et le président azerbaïdjanais Ilham Aliev ont finalement signé un accord de cessation des hostilités, mettant fin à une guerre entamée le 27 septembre et qui a certainement fait des milliers de morts, même si aucun bilan exhaustif n'a pu être établi. Ce nouvel accord intervient après la rupture de trois précédentes tentatives de cessez-le-feu, menées sous l'égide successivement de la Russie, de la France et des États-Unis.

Cette fois-ci, les termes de l'accord laissent moins de place à une reprise des hostilités. Les positions militaires sont gelées sur la ligne de front, ce qui signifie concrètement que le Haut-Karabakh sera divisé entre deux zones: la population arménienne devrait pouvoir revenir en sécurité à Stepanakert, la capitale de ce territoire, mais la ville de Chouchi, essentielle sur le plan stratégique et symbolique pour l'Arménie et lieu d'une intense bataille depuis plusieurs jours, passe sous le contrôle de l'Azerbaïdjan. Les territoires adjacents conquis par l'Arménie lors de la guerre de 1992-1994 seront également transférés à l'Azerbaïdjan. Par ailleurs, au sud de la République d'Arménie, près de la frontière avec l'Iran, une route devra permettre aux Azerbaïdjanais de la République autonome du Nakitchevan de se rendre dans le reste du territoire azerbaïdjanais, situé à une quarantaine de kilomètres plus à l'est.

Conformément aux dispositions de l'accord, la Fédération de Russie a déjà commencé à déployer une force d'interposition afin d'éviter tout contact entre les belligérants, mais déjà, une certaine confusion règne quant au rôle de la Turquie, allié de l'Azerbaïdjan.

En ce qui concerne le contingent de maintien de la paix prévu au Haut-Karabakh, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a déclaré que «non seulement des soldats de la paix russes mais aussi turcs seront déployés». L'accord de cessez-le-feu «ne prévoit pas la présence de troupes turques dans le territoire du Haut-Karabakh», a rétorqué le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, mais il a souligné qu'un centre de surveillance du cessez-le-feu avec la participation de la Turquie pourrait être mis en place dans le cadre d'un accord séparé, qui concernerait le territoire azerbaïdjanais mais pas le Haut-Karabakh en tant que tel. 

D'autres négociations devraient donc s'amorcer afin de préciser le statut de ces territoires qui demeurent une zone de conflit, malgré le gel des affrontements militaires. Le président français Emmanuel Macron a réagi à l'annonce de cet accord en appelant à une «solution pacifique durable»

Une décision douloureuse pour l'Arménie

Cet accord a ouvert une crise politique en Arménie. Dès hier soir, des centaines de personnes ont fait le siège du gouvernement et du Parlement à Erevan, la capitale arménienne, après l’annonce du cessez-le feu. Des manifestants ont défilé aux cris de «traître» et appelant à la démission du Premier ministre Nikol Pachinian, dont la résidence a été saccagée.

La fin des combats dans la province du Haut-Karabakh est en effet vécue comme une capitulation humilitante pour de nombreux Arméniens. Les responsables de l’opposition ont exigé que le chef du gouvernement arménien vienne s’expliquer au parlement. La nuit dernière, le président de la République Armen Sarkissian, qui joue un rôle de garant constitutionnel mais dont les prérogatives sont limitées, a rappelé que le sort des Arméniens ne pouvait être décidé «que sur la base d’un consensus national».

Nikol Pachinian a tenté de calmer les esprits en reconnaissant sur Facebook que cette trêve imposée était une «décision incroyablement douloureuse» pour lui et pour la population arménienne. Les lourdes pertes enregistrées dans les combats de ces derniers jours, traumatisantes pour un pays d'à peine trois millions d'habitants entouré par des pays hostiles, avaient réduit ses marges de manœuvre.

Arrivé au pouvoir après une révolution pacifique en 2018, le Premier ministre arménien est désormais confronté à une impopularité grandissante, entretenue par les responsables de l'ancien régime qui avaient, pour beaucoup d'entre eux, participé à la guerre des années 1990 et pouvaient se targuer d'une plus grande proximité opérationnelle avec la Russie.

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10 novembre 2020, 15:19