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Une femme en prière dans une église d'Erevan, la capitale arménienne, le 8 novembre 2020. Une femme en prière dans une église d'Erevan, la capitale arménienne, le 8 novembre 2020. 

Arménie: les responsables des Églises appellent au calme et à l’unité

Dans un climat de vive tension en Arménie après la signature d’un accord de cessation des hostilités mettant fin à six semaines d’affrontements armés dans le Haut-Karabakh, les responsables des Églises catholique et apostolique appellent la population au calme et à l’unité.

Cyprien Viet - Cité du Vatican

«C'est un moment difficile, crucial, délicat. Espérons qu'une solution sera bientôt trouvée». Toujours hospitalisé après avoir été infecté par le coronavirus, Mgr Raphaël François Minassian, archevêque pour les Arméniens catholiques d'Europe orientale, suit de près l'évolution des événements concernant le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, qui a fait des milliers de morts depuis la reprise des hostilités le 27 septembre dernier. Interrogé par l’agence Sir, l’évêque est très prudent après l’annonce du cessez-le-feu signé lundi soir entre les dirigeants des deux pays, sous l’égide du président russe Vladimir Poutine.

Compte tenu des concessions territoriales, et notamment de la perte de la ville stratégique de Chouchi qui passe officiellement sous le contrôle de l’Azerbaïdjan, le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan a reconnu que cet accord est «incroyablement douloureux» pour lui et pour son peuple. Des manifestations ont eu lieu à Erevan aussitôt après l’annonce de l’accord, dans la nuit de lundi à mardi, et plusieurs bâtiments officiels, parmi lesquels le Parlement, ont été envahis et dégradés. Une nouvelle manifestation a été organisée ce mardi.

Observant cette situation confuse, Mgr Minassian parle de «divisions et pressions internes» et du risque de «fausse propagande». «Je lance à toute la nation un appel à l'unité», dit-il. «Laissons les intérêts et les égoïsmes de côté car ils tuent toute aspiration à la paix, toute possibilité d'avenir». L'évêque rappelle à cet égard l'appel lancé le 1er novembre par le Pape François qui a demandé aux parties concernées de s'engager à mettre fin à «l'effusion de sang innocent»

L’appel au calme du chef de l’Église apostolique

Pour sa part, dans un message vidéo diffusé ce matin, le Catholicos de tous les Arméniens Karékine II a également lancé un appel à l'unité et à la sagesse nationale. «Nous demandons de rester calmes, de ne pas céder à des manifestations inutiles, de s'abstenir de toute violence et de toute émeute. La crise actuelle doit être résolue grâce aux efforts conjoints des forces politico-militaires d'Arménie et du Haut-Karabakh».

Le chef de l’Église apostolique arménienne, qui regroupe la majorité de la population du pays, a invité les Arméniens à «trouver ensemble des solutions pour le bien du Haut-Karabakh et de l'Arménie, pour le bien de notre peuple». Le Catholicos a aussi demandé aux autorités d’Erevan et de Stepanakert de «fournir immédiatement des explications solides et complètes» sur les «décisions prises et leur impact sur l'avenir de notre patrie».

Un conflit hérité de l'ère soviétique

Après 26 ans de suspension, la guerre avait repris le 27 septembre pour le contrôle du Haut-Karabakh, territoire de peuplement arménien mais officiellement rattaché à l’Azerbaïdjan par décision de Staline au début de l’ère soviétique, dans les années 1920. La guerre qui avait éclaté entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan 70 ans plus tard, lors de leurs indépendances respectives, faisait suite aux pogroms anti-arméniens survenus notamment dans la capitale azerbaïdjanaise Bakou en 1990, et qui avaient poussé la minorité arménienne à fuir à l'étranger ou en Arménie, ou à se replier dans cette enclave du Haut-Karabakh. Ce territoire montagneux a ensuite proclamé son indépendance sous le nom de "République d'Artsakh", mais sans reconnaissance internationale.

Après plusieurs années d'affrontements, la guerre avait été suspendue en 1994 grâce à une médiation du groupe de Minsk, co-présidé par la Russie, la France et les États-Unis. Depuis, malgré des accrochages fréquents et une guerre de 4 jours en 2016, la ligne de front était stabilisée et environ 150 000 Arméniens vivaient dans une paix relative, sous la protection des troupes de la République d’Arménie, qui n’a cependant jamais officiellement reconnu le Haut-Karabakh comme État indépendant.

Liée à l’alliance militaire entre la Turquie et l’Azerbaïdjan, la reprise des combats depuis le 27 septembre a poussé la majorité de la population arménienne du Haut-Karabakh à la fuite vers la République d'Arménie. En incluant les pertes dans les deux camps, la Russie estime que ces six semaines de guerre ouverte ont coûté la vie à environ 5000 personnes. La cessation des hostilités devrait maintenant ouvrir la voie à des négociations plus précises sur le statut de ce territoire, dont la partie non-conquise par l’Azerbaïdjan, avec notamment la capitale Stepanakert, voit désormais se déployer une force d’interposition composée de militaires russes.

(Avec agence Sir)

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11 novembre 2020, 19:40