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Un Algérien vote, le 1er novembre 2020 Un Algérien vote, le 1er novembre 2020 

Algérie: un référendum en forme de désaveu du régime politique

Dimanche 1er novembre, les Algériens se rendaient aux urnes à l’occasion du référendum constitutionnel, projet cher au président actuel Abdelmadjid Tebboune. Malgré la victoire du “oui” le taux d’abstention record sonne comme un échec pour le pouvoir en place. S’y ajoute l’incertitude suscitée par l’hospitalisation du chef de l’État. Quel scénario se dessine pour l’Algérie au lendemain de ce vote? L’analyse du chercheur Kader Abderrahim.

Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

Ce référendum du 1er novembre semble ouvrir la porte à une crise de légitimité pour un régime politique déjà peu convainquant aux yeux du peuple algérien, majoritairement en quête de renouveau.

Dimanche dernier, l’Algérie votait pour ou contre une révision constitutionnelle, la énième depuis l'accession du pays à l'indépendance en 1962. Le «oui» l’a emporté avec près de 67% des voix, mais le scrutin a surtout été marqué par une abstention record s’élevant à 76,3% de l’électorat du pays. «C’est une claque pour le régime, c’est un échec», estime Kader Abderrahim, directeur de recherche à l’Institut Prospective & Sécurité en Europe, et auteur du livre Géopolitique de l’Algérie paru aux éditions Bibliomonde. «Les Algériens depuis très longtemps se sont détournés de la politique telle qu’elle est pratiquée par ce régime», souligne-t-il.

Par ailleurs, l’état de santé du président Abdelmajid Tebboune, 74 ans, hospitalisé depuis plusieurs jours en Allemagne, accentue l’incertitude. En effet, explique le chercheur, «c’est à lui que revient la signature du décret de promulgation de cette nouvelle constitution», qui doit être promulguée dans un délai de 90 jours pour avoir force de loi.

Un possible changement impliquant l'armée

L’actuel chef d’État a été élu en décembre 2019, huit mois après la démission d’Abdelaziz Bouteflika qui avait dirigé le pays pendant vingt ans. C’est aussi l’année dernière qu’est né le Hirak, vaste mouvement populaire réclamant un changement du système politique; ses partisans ont prôné le boycott du référendum et leur appel semble avoir été entendu. Le Hirak reste «profondément ancré dans la société algérienne», observe Kader Abderrahim, et même si le mouvement a perdu de son élan initial en raison de la pandémie, il pourrait encore faire entendre sa voix. Toutefois, il n’est pas à exclure qu’une autre composante de la vie politique algérienne avance ses pions lors des prochaines semaines: l’armée. «Est-ce que nous sommes à la veille d’un changement à l’intérieur du système politique (…), ou est-ce que les militaires attendent le retour du président Tebboune?», s’interroge Kader Abderrahim. «Il y a des scénarios à Alger au sein du ministère de la Défense, au sein de l’État-Major des armées, qui sont échafaudés, mais aucune décision formelle n’a été prise», explique-t-il.

Mais si les Algériens aspirent toujours plus à une démocratie renouvelée, «il faut à tout prix – et pour le moment la sagesse a présidé – éviter une nouvelle confrontation qui ferait basculer le pays  dans des affrontements civils avec l’armée».

Entretien avec Kader Abderrahim

 

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05 novembre 2020, 09:38