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Vote anticipé en Caroline du Nord, le 23 octobre 2020 Vote anticipé en Caroline du Nord, le 23 octobre 2020 

Présidentielle américaine: l'enjeu du vote catholique

Plus de 150 millions d'Américains désignent jusqu'au 3 novembre leur président pour les quatre années à venir, au moyen d’un scrutin indirect. Parmi eux, environ 51 millions de catholiques, formant un électorat hétérogène. Leur vote est un véritable enjeu, bien qu’ils soient minoritaires face aux protestants. Décryptage d'Henrik Lindell, chef de rubrique société à l’hebdomadaire français "La Vie".

Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

Ils représentent environ 22% de la population, et la majorité de leurs voix soutiennent le vainqueur de l’élection présidentielle américaine, quasiment à chaque scrutin. Les catholiques représentent un électorat crucial aux États-Unis, en particulier dans certains États, où il est même déterminant dans le résultat final: ils ont par exemple fait pencher la balance en faveur de Donald Trump en 2016 dans les États de la région des Grands Lacs.

Cette année encore, le président sortant et son rival Joe Biden essaient tous deux de se rallier ce «vote catholique», le candidat démocrate n’hésitant pas à évoquer sa foi en public, tandis que Donald Trump s’oppose résolument à l’IVG, par exemple. Et justement, c’est surtout la question de l’avortement qui domine dans le choix du futur président, du moins aux yeux des électeurs.

Mais le soutien à Donald Trump s’émousse: en 2016, seuls 50% des catholiques avaient voté pour lui, et trois ans plus tard, le président américain n’obtenait le soutien que de 44 % d’entre eux. Beaucoup critiquent en effet sa politique migratoire répressive, en particulier les catholiques latinos-américains, l’une des composantes de ce groupe hétérogène, comprenant aussi des blancs descendant de l’immigration européenne.

Alors quelles tendances pourraient se dégager lors du prochain scrutin? L’éclairage d’Henrik Lindell, chef de rubrique société à l’hebdomadaire français La Vie.

Entretien avec Henrik Lindell

Beaucoup disent que le vote catholique n’existe pas, puisqu’effectivement les catholiques votent essentiellement comme les Américains. Mais si on regarde bien comment ça se passe, on découvre vite qu’en fait les catholiques suivent les tendances générales dans la société. Quand Obama a gagné les élections en 2008, une certaine majorité des catholiques ont voté pour Obama. Ils étaient moins nombreux en 2012. En 2016, Donald Trump a capté une nette majorité des catholiques, mais il n’avait pas capté une nette majorité des Américains. Il y a donc des tendances, qui sont très intéressantes à étudier. Mais les catholiques sont comme les Américains en général, c’est d’ailleurs une particularité. Ce n’est pas vrai par exemple pour les évangéliques, qui sont très nettement républicains. 

Les catholiques qui ont voté Donald Trump en 2016 sont-ils prêts à voter à nouveau pour lui en novembre?

Non, comme la tendance générale, qui est la suivante: Donald Trump aura probablement moins de votes cette année, donc les catholiques votent au moins à moitié pour Biden, ou à moitié pour Trump si vous voulez. Quand on regarde les sondages, on découvre que Biden est beaucoup plus populaire chez les catholiques que Hillary Clinton, et selon les sondages, il va capter au moins la moitié des votes catholiques. Donald Trump dépasse rarement la moitié des catholiques quand on regarde les sondages. Or il était parfois à 55-60% des votes chez les catholiques en 2016.

Cette plus grande popularité de Joe Biden par rapport à Hillary Clinton est-elle due à une foi catholique clairement assumée?

Oui, je pense que l’on peut dire que c’est lié au fait qu’il est catholique. En plus, lui met en avant sa foi, contrairement à Hillary Clinton. Il a compris que pour parler à ses compatriotes, il ne faut pas cacher sa foi. Or Hillary Clinton en était même à refuser d’aller dans les églises. Et ça, c’est une question évidemment très importante. Par ailleurs, Biden est un homme blanc qui vient de la Pennsylvanie, et il y a beaucoup de blancs venant de Pennsylvanie qui sont catholiques, qui sont comme lui. Il est issu de la classe moyenne, donc il ressemble à beaucoup d’Américains, et à beaucoup d’Américains catholiques.

Qu’est-ce qui a pu provoquer ce glissement de l’électorat catholique de Trump vers Biden?

Beaucoup de catholiques sont déçus des comportements de Donald Trump. Ils veulent avoir un chef d’État qui soit respecté, respectable, qui se comporte comme il faut en public. Quand on regarde des études qui sont faites là-dessus, sur ce que pensent les catholiques des dirigeants, c’est cela qui ressort le plus souvent. En revanche, sur la question de l’avortement qui est une question très clivante, et même structurante dans la vie politique américaine, on découvre que les catholiques de droite, les catholiques républicains, sont massivement favorables à Donald Trump sur la question de l’avortement, alors que les catholiques démocrates sont massivement favorables à l’avortement et massivement pro-Biden, parce que Biden est lui aussi favorable au droit à l’avortement. La question de l’avortement est encore plus importante cette année qu’en 2016.

Concernant l’immigration, Donald Trump s’est montré défavorable aux migrations provenant d’Amérique centrale, notamment en poursuivant la construction de ce mur séparant le Mexique des États-Unis. Pour autant, le vote des catholiques hispaniques en faveur des démocrates est-il acquis?

Oui, les catholiques hispaniques ou d’origine hispanique votent majoritairement démocrates – environ deux tiers -, et la question de l’immigration est très importante pour eux, donc il n’y a aucun doute là-dessus.

Qu’est-ce qui distingue au fond le vote des évangéliques de celui des catholiques?

Le vote évangélique est conditionné par beaucoup de facteurs. C’est un électorat qui est assez homogène, essentiellement de l’intérieur du pays, essentiellement un vote que l’on trouve chez les blancs, où il y a moins d’altérité, pour faire vite. Le vote catholique ne fonctionne pas du tout comme cela. Dans ce vote évangélique, on vote souvent de la même façon: en l’occurrence, ils vont donc voter massivement républicain, massivement pour le candidat qui se dit défavorable à l’avortement, ce qui est la question la plus importante pour eux. Les catholiques ne fonctionnent pas du tout de la même manière: s’ils sont démocrates, ils vont voter pour le démocrate, donc ils vont être pour l’avortement, pour faire vite. Et vice-versa, s’ils sont républicains, s’ils se sont fait enregistrer comme républicains, ils vont donc voter républicain, même s’ils n’aiment pas trop le candidat, s’ils n’aiment pas trop Donald Trump, ils vont quand même voter pour lui car ils sont d’abord républicains, ils ne sont pas d’abord catholiques.

La société américaine apparait profondément fracturée dans le contexte actuel. Quelle est la place des Églises dans cette crise, y a-t-il un élan œcuménique pour défendre la paix civique, ou au contraire, observe-t-on une fracturation identitaire, y compris sur le plan des appartenances religieuses?

On peut dire que les Églises sont un facteur d’unité. Elles sont très actives lorsqu’il s’agit de combattre le racisme par exemple, même dans les Églises marquées par les blancs, pour faire vite, par un certain conservatisme. Elles se mobilisent massivement contre les divisions, et les divisions raciales en particulier. Joe Biden en particulier le sait, puisqu’il ne cesse de se déplacer dans les églises, évidemment pour mobiliser les électeurs, mais aussi parce qu’il sait qu’il peut s’appuyer sur la force de la plupart de ces Églises, qu’elles soient protestantes ou qu’il s’agisse de l’Église catholique.

La pandémie actuelle a accentué la crise économique aux États-Unis; en quoi la position de l’Église catholique à l’égard des plus pauvres peut-elle influencer le vote américain?

Aux États-Unis, souvent, surtout si l’on est un peu républicain, on n’aime pas payer les impôts, non pas parce qu’on n’aime pas les impôts, mais parce qu’on ne fait pas naturellement confiance à l’État. En revanche, on donne énormément d’argent et de temps aux Églises, parce qu’on pense que les Églises sont parfois mieux à même de faire preuve de solidarité et de partager concrètement les richesses. Joe Biden se réfère souvent au Pape François, il utilise même le Pape François dans ses spots publicitaires, et il pense – j’imagine – que pour beaucoup d’Américains, le Pape François – qui est allé aux États-Unis il y a quelques années – incarne justement ces valeurs de partage et de solidarité qui sont vraiment très ancrées dans la société américaine, qu’on le veuille ou non. 

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27 octobre 2020, 09:19