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Distribution d'aide alimentaire par les Restos du Cœur, le 13 octobre 2020. Distribution d'aide alimentaire par les Restos du Cœur, le 13 octobre 2020. 

La pandémie provoque une montée de la pauvreté partout dans le monde

La Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, aussi appelée “Journée mondiale du refus de la misère”, en ce 17 octobre, prend un relief particulier cette année dans le contexte d’une montée massive de la pauvreté, liée aux mesures prises pour lutter contre la pandémie de coronavirus.

«Il faut développer cette conscience qu’aujourd’hui, ou bien nous nous sauvons tous, ou bien personne ne se sauve. La pauvreté, la décadence, les souffrances, sont un terreau silencieux pour les problèmes qui finiront par affecter toute la planète», écrit le Pape aujourd’hui dans un tweet reprenant un extrait de son encyclique Fratelli tutti, écrite dans le contexte de la pandémie de coronavirus, dont les conséquences douloureuses sur le plan économique n’ont pas fini de se faire sentir.

Une hausse massive de la pauvreté est enregistrée partout dans le monde, y compris en Europe, où de plus en plus de personnes ont besoin d’assistance alimentaire. Dans le monde, plus de 730 millions de personnes vivent avec moins de 1,90 dollars par jour, selon la Banque mondiale. Et, comme le souligne le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, la pandémie de COVID-19 «pourrait faire basculer jusqu’à 115 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté cette année».

Aux Pays-Bas, 16,8 % de la population vit dans la précarité, un chiffre qui monte à 20% au Royaume-Uni, à 21% au Portugal, 26,6% en Italie et près d’un tiers en Grèce. En Irlande, 14 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et au Portugal, on estime que 21% de la population est à risque.

Un fait frappant est l’apparition de «nouveaux pauvres» à cause du coronavirus. Ces personnes vivaient dans la précarité avant la pandémie et leur situation s’est dégradée brutalement avec la crise sanitaire.

L’enjeu urgent de la sous-alimentation

Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), qui a remporté cette année le prix Nobel de la paix, près de 690 millions de personnes souffrent de sous-alimentation. Au niveau mondial, les Nations Unies estiment qu’entre 83 et 132 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de la faim à cause du coronavirus. La pandémie a en effet engendré une baisse des revenus pour de nombreuses personnes, une augmentation globale des prix des aliments et des perturbations de l’approvisionnement dans certains pays.

Le rôle des associations et des banques alimentaires est encore plus important. La Fédération française des banques alimentaires s’est vue obligée d’augmenter sa distribution d’aide alimentaire de 25%. En Belgique aussi les banques alimentaires ont dû augmenter d’un tier leur distribution de nourriture par rapport à l’année dernière.

La surexploitation des ressources naturelles, la pollution et la destruction de l’environnement affectent de manière disproportionnée les plus démunis. De plus, des millions de nouvelles personnes risquent de tomber dans la pauvreté en raison du changement climatique et de la destruction de l’environnement.

(Source: Centre régional d'information de l'ONU pour l'Europe occidentale)

La France n’est pas épargnée par la montée de la misère

En France, 45% des personnes qui ont sollicité l’aide du Secours Populaire durant le confinement étaient jusque-là inconnues de l’association et un Français sur trois a subi une perte de revenu depuis le confinement.

Avec 800 000 chômeurs en plus, le cap des 10 millions de pauvres sera probablement franchi cette année. C’est en tout cas ce que pense Manuel Domergue, le  directeur des études à la Fondation Abbé Pierre.  «Les prochains mois et les prochaines années seront marqués sans doute par une augmentation de la pauvreté et de la précarité, à moins qu’il y ait une action politique pour anticiper cela et aider ceux qui sont touchés de plein fouet par cette crise», nous explique-t-il.

Le confinement, la mise à l’arrêt de l’économie a touché avant tout les plus précaires, ceux qui étaient sur le fil, les stagiaires, les CDD, les intérimaires, les saisonniers, les intermittents du spectacle, rappelle-t-il, alors que les personnes en CDI ou les fonctionnaires n’ont pas réellement pâti de la crise. «Comme souvent, le système de protection sociale en France protège bien ceux qui sont déjà bien insérés, mais ceux qui sont en marge de ce système ont beaucoup de mal à se raccrocher aux branches et tombent à travers les mailles du filet de la protection sociale», souligne-t-il. Certains secteurs d’activité, comme le tourisme, la restauration, le spectacle vivant, ont été presque totalement mis à l’arrêt, et des milliers de personnes employées dans ces secteurs n’ont pas le moindre filet de sécurité.

Pour éviter ces situations catastrophiques, il préconise, par exemple, une hausse des minima sociaux, faisant remarquer qu’à lui seul le RSA ne permet pas de vivre dignement, et il n’est même pas accessible pour les 18-25 ans. Le gouvernement, qui a soutenu les entreprises pour qu’elles survivent à cette période de crise, doit aussi soutenir les personnes, car l’impact sera durable. «Il ne faut pas de casse humaine, car une fois que les gens se sont endettés, qu’ils ont perdu leur maison et leur boulot, c’est très long et très douloureux de revenir à une vie normale», s’inquiète-t-il.

«Il y a des secteurs qui vont avoir su mal à se relever, et des ménages qui vont avoir du mal à retrouver une activité. Je pense notamment aux jeunes qui sortent de leurs études en ce moment: il n’y a quasiment aucune perspective d’embauche. Donc ça va être très dur. Il faudrait que le gouvernement en prenne la mesure et aide beaucoup plus massivement les personnes en difficulté, mais on n’a pas l’impression que ce soit la voie prise en ce moment», regrette Manuel Domergue.

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17 octobre 2020, 16:32