Recherche

Manifestation devant le Parlement à Sofia, la capitale bulgare, le 2 septembre 2020 Manifestation devant le Parlement à Sofia, la capitale bulgare, le 2 septembre 2020 

Blocage en Bulgarie sur la question de la corruption

Les manifestations contre la corruption et le gouvernement n’ont pas cessé de tout l’été en Bulgarie. Si la mobilisation n’a pour l’instant débouché sur aucun changement politique notable, c’est en raison de différents blocages au sein des partis, et de l’hétérogénéité de la mobilisation.

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican

Des billets de banques débordant d’un tiroir dans la chambre à coucher du Premier ministre, une bouteille d’alcool près du lit, une arme et des lingots d’or: c’est ce qu’ont découvert en juin dernier les Bulgares sur des photographies et une vidéo publiées dans la presse. Des clichés qui semblaient tout droit sortis d’un mauvais film sur la mafia et qui ont beaucoup choqué la population, laissant penser que la corruption régnait au sommet de l’État.

Depuis, écœurés par ces pratiques largement diffuses dans la société, des Bulgares manifestent contre la corruption et contre le gouvernement de coalition de Boïko Borrisov, accusés de fermer les yeux sur ce problème. Si les rassemblements ont été pendant tout l’été pacifiques, la manifestation du 2 septembre dernier a dégénéré en affrontements entre les forces de l’ordre et d’une partie des manifestants qui voulaient marcher sur le Parlement.

Une mobilisation large et diverse

Preuve de la force de ce mouvement de ras-le-bol, le profil des manifestants est très divers et a évolué au fil des semaines. Des jeunes revenus au pays au début de l’été ont été moteurs de la mobilisation avant que des Bulgares plus âgés ne les rejoignent, fait remarquer Nadège Ragaru, directrice de recherche à Sciences Po Paris au sein du CERI, le Centre de Recherches Internationales. Du point de vue politique, on retrouve dans la rue des Bulgares «peu politisés», des soutiens de la droite libérale, ou du parti socialiste, ex-communiste.

«On est en présence de personnes qui se retrouvent de manière ponctuelles autour d’un écœurement par rapport à ce qui est vécu comme un système politique défaillant, corrompu, criminel et arrogant mais qui n’ont pas nécessairement une vision commune de ce qui pourrait être fait pour transformer la situation» explique Nadège Ragaru.

Des partis divisés sur la réponse à apporter

Pour l’instant, la mobilisation populaire n’a débouché sur aucune prise de position claire des partis. Du côté des socialistes, le président Roumen Radev soutient ouvertement les manifestants mais sort du rôle communément accepté dévolu au chef de l’État, perçu comme un élément d’harmonie dans le pays. Concernant le parti, il est divisé : le 12 septembre aura lieu la première primaire de son histoire pour désigner son secrétaire général, ce qui crée des tensions, «de sorte qu’il a été très difficile pour l’opposition socialiste de définir une posture commune envers les manifestations,» décrypte Nadège Ragaru. Du côté de la majorité, la même confusion règne entre les partenaires de la coalition gouvernementale.

Conséquence : «une partie des attentes des électeurs qui sont descendus dans la rue n’ont pas de visage politique possible» poursuit-elle. Seule nouveauté : le lancement par le Premier ministre d’un débat en vue d’élaborer une nouvelle constitution, davantage vue comme une tentative de diversion par la chercheuse, alors que les élections législatives sont prévues en mars 2021, dans six mois. 

Entretien avec Nadège Ragaru

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

09 septembre 2020, 13:13