Centre de tests mis en place à Brasilia pendant la pandémie. le 22 avril 2020 Centre de tests mis en place à Brasilia pendant la pandémie. le 22 avril 2020 

Covid-19: le Brésil confronté à la récession

Le Brésil est l’un des pays les plus touchés au monde par la pandémie de Covid-19 du point de vue humain. Comme de nombreux autres États, il connait en plus une crise économique sévère. Mais le gouvernement fédéral, si critiqué pour sa gestion sociale et sanitaire, a pris un ensemble de mesures pour aider les Brésiliens les plus pauvres. Avec une incertitude: a-t-il les moyens de ses ambitions?

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican

En terme absolu, le Brésil est le deuxième pays au monde le plus endeuillé à cause du virus de la covid-19 : plus de 127 000 personnes en sont décédées. En terme relatif, c’est pour l’instant le dixième pays, avec un taux de 613,6 morts pour un million d’habitants. L’économie brésilienne paie aussi les conséquences du ralentissement mondial dû aux mesures de protection prises par presque tous les pays. Le 1er septembre, le Brésil a ainsi annoncé être entré officiellement en récession au deuxième trimestre de l’année avec une chute du PIB de 9,7 % par rapport au trimestre précédent. C’est pire que la récession enregistrée entre 2014 et 2016 pendant laquelle l’économie s’était rétractée de 8%.

Le pays avait surmonté ce passage à vide, et avait peu à peu remonté la pente. Mais la covid est venue replonger le pays dans les difficultés. La situation y est toutefois moins pire si on la compare au Pérou, autre pays d’Amérique latine, et qui est le plus durement frappé par la pandémie jusqu’à présent, remarque Cristina Terra, professeure d’économie à l’ESSEC, à Paris. L’économiste précise que le confinement au Brésil n’a pas été aussi strict que dans d’autres pays et que les activités économiques ont pu ainsi se poursuivre sans s’arrêter complétement. Mais les conséquences sociales n’en demeurent pas moins conséquentes.

Un plan d’aide pour les plus pauvres

«Le gouvernement brésilien, dès le début de la pandémie, a commencé à donner une aide» aux plus démunis, principalement les travailleurs du secteur informel, explique Cristina Terra : 600 réaux par moi, soit 100 euros environ à 60 millions de Brésiliens. Ce qui a permis de limiter la baisse de l’activité économique. Mais à partir de septembre et jusqu’en décembre, cette aide extraordinaire va être diminuée de moitié.

Cette mesure a permis de réduire la pauvreté et les inégalités pendant la pandémie, affirme l’économiste. Mais reste à savoir ce qu’il va se passer après. Le gouvernement de Jair Bolsonaro va modifier la Bolsa Familia, ce programme d’aides sociales mis en place par le président Cardoso et amplifié par son successeur, Lula da Silva : changement de nom, augmentation de l’allocation et du nombre d’allocataires, selon Cristina Terra. «La lutte contre la pauvreté extrême continue, et elle va augmenter après la pandémie» affirme-t-elle.

Difficile relance économique

Le gouvernement fédéral s’est également engagé dans un plan d’aide aux entreprises, en ouvrant une ligne de crédit mais dont le succès a été limité : les crédits devaient être alloués par les banques, réticentes à aider des sociétés aux activités risquées en cette période d’incertitude générale. Il a également flexibilisé davantage le marché du travail, permettant aux entreprises de placer leurs employés en chômage partiel.

Autant de dépenses publiques qui doivent permettre aux Brésiliens et aux entreprises de surmonter cette crise due à la covid-19. «Le problème est que le Brésil dépense déjà beaucoup», met en garde Cristina Terra, rappelant que l’excès de dépenses fut à l’origine de la crise de 2014-2016. Or, l’État brésilien n’est pas très «efficace» quant à l’utilisation de ses ressources financières – 36 % du PIB – et souffre de la corruption estime la professeure de l’ESSEC. Peu d’argent revient in fine indirectement aux Brésiliens.

Le Brésil se trouve ainsi dans une situation difficile: «s’il ne dépense pas, ce sera très difficile de relancer l’économie, s’il dépense trop ou mal, les comptes publics seront en péril, et les investisseurs privés seront effrayés», explique Cristina Terra.

Entretien avec Cristina Terra

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12 septembre 2020, 09:44