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Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu le 27 juillet 2020 Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu le 27 juillet 2020 

Benyamin Netanyahu à l'épreuve de la rue

Depuis plusieurs semaines, les manifestations se succèdent en Israël contre la corruption et contre le Premier ministre, Benyamin Netanyahu. Sur fond de pandémie de Covid-19 et de crise économique, le chef du Likoud paraît plus contesté que jamais. Mais il dispose de plusieurs atouts dans sa manche.

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican

Des milliers de personnes rassemblées samedi soir devant la résidence du Premier ministre israélien à Jérusalem pour protester contre la corruption et réclamer sa démission: cette scène se répète depuis plusieurs semaines, dégénérant parfois en affrontements avec la police. D'autres rassemblements ont lieu dans diverses villes du pays. Benyamin Netanyahu est la cible d'une mobilisation qui ne cesse de prendre de l'ampleur.

Inculpé pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires, le chef du gouvernement doit également faire face aux critiques de plus en plus nombreuses de sa gestion de la pandémie de covid-19, et notamment le vote d'une loi qui confie à l'exécutif des pouvoirs spéciaux pour y faire face jusqu'en juin 2021, en limitant le contrôle parlementaire.

Cible de la gauche et du centre

Cette protestation devrait aller en s'amplifiant selon Frédéric Encel, docteur en géopolitique, maître de conférence à Sciences Po Paris et auteur de la Guerre, à paraître aux PUF, en septembre : «Benyamin Netanyahu concentre une véritable détestation d'une grande partie de la gauche et peut-être même du centre de l'opinion publique» explique-t-il. En plus, le chef du Likoud ne peut plus se targuer de la bonne santé de l'économie comme lors des deux dernières décennies, Israël étant frappé par la crise économique comme de nombreux pays à cause de la pandémie.

«Mais il n'a pas à craindre grand chose» estime le spécialiste d'Israël: son pouvoir est légitime, même s'il n'a pas été bien élu. Benyamin Netanyahu peut être également serein du point de vue judiciaire: la prochaine étape de son procès pour corruption est en janvier. «Ce temps long de la justice joue d'autant plus en sa faveur qu'il n'est au pouvoir que pour dix-huit mois» précise Frédéric Encel, qui reconnaît qu'en revanche ce long délai ne fait qu'exacerber la colère et l'impatience de ses détracteurs.

Gestion critiquée de la sortie du confinement

La seule vraie menace à laquelle il doit faire face, c'est en fait la pandémie et sa gestion. Pendant deux mois, Benyamin Netanyahu a été applaudi pour avoir contenu la propagation du virus, mais depuis l'allègement des mesures et la reprise des contaminations, jusqu'à un millier par mois, les critiques se multiplient à son encontre. «Benyamin Netanyahu avait peut-être annoncé de manière prématurée et trop facilement que cela en était fini» estime le chercheur.

Les problèmes rencontrés par le Premier ministre israélien semblent l'avoir empêché de prendre une décision concernant l'annexion de nouveaux territoires en Cisjordanie, comme il l'avait promis lors de la dernière campagne électorale. Mais les protestations ne sont pas à l'origine de cette inaction, selon Frédéric Encel. 

«C'est méconnaître profondément non seulement le tempérament, l'origine idéologique et surtout la stratégie fondamentale de Netanyahu. Il a toujours tenu lors de toutes ses campagnes électorales, depuis celle de 1996, des discours de matamores, très virulents, très nationalistes et ponctués de promesses qui allaient dans le sens de la droite» explique-t-il.

Pas de conséquence sur la politique envers les Palestiniens

La cause de cette stratégie, «le syndrome de 1992»: la droite est majoritaire mais divisée, et c'est la gauche avec Shimon Peres et Yitzhak Rabin qui gouverne et conclue les accords d'Oslo honnis par la droite. «Pour éviter ce cauchemar, Netanyahu a toujours tenté de fédérer les différents courants nationalistes et religieux autour de ces thématiques nationalistes» poursuit-il. Cette année, son argument est l'annexion d'une partie de la Vallée du Jourdain. «Mais une fois qu'il est au pouvoir, Netanyahu bascule dans l'éthique de responsabilité et ne le fait pas». Sa politique est plus celle des petits pas, des faits accomplis, «mais certainement pas de grands coups d'éclats. Netanyahu n'a jamais engagé une guerre» affirme ainsi Frédéric Encel.

Entretien avec Frédéric Encel

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28 juillet 2020, 13:52