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Manifestation le 21 février 2020 dans la capitale algérienne. Manifestation le 21 février 2020 dans la capitale algérienne.  

En Algérie, le couvre-feu va-t-il étouffer le Hirak?

C’est une vague populaire et pacifiste qui déferlait dans les rues des plusieurs villes algériennes depuis le 22 février 2019. Le Hirak («mouvement» en arabe) a chassé le président Bouteflika en deux mois, risque-t-il aujourd'hui de s’étouffer dans une Algérie confinée? L’analyse de Kader Abderrahim, maître de conférences à Sciences Po Paris,et auteur de "La géopolitique de Algérie".

Entretien réalisé par Marine Henriot - Cité du Vatican 

Avec 392 décès liés au nouveau coronavirus et près de 3 000 cas confirmés officiellement au 22 avril, l’Algérie est le pays d’Afrique du Nord qui paie le plus lourd tribut de cette pandémie. Dans la soirée du 18 avril, les autorités ont annoncé reconduire jusqu’au 29 avril «le dispositif de confinement ainsi que l’ensemble des mesures préventives» pour lutter contre la propagation de la pandémie. La confinement total de la wilaya de Blida, près d’Alger, premier foyer de la pandémie, est maintenu. Un confinement partiel, accompagné d’un couvre-feu, a été instauré dans les 47 autres wilayas du pays.

Des mesures de confinement qui ont frappé le Hirak en plein coeur. Depuis le 22 février 2019, ils étaient des milliers d’Algériens à se rassembler chaque semaine dans les rues de la capitale algérienne pour réclamer le démantèlement du système politique en place. Couvre-feu et confinement «arrangent considérablement les autorités et le régime, déstabilisé par un Hirak qui ne faiblissait pas dans sa mobilisation», estime Kader Abderrahim, maître de conférence à Sciences po Paris. Pour ce spécialiste du Maghreb, les mesures mises en place pour lutter contre la maladie Covid-19 sont également le signe d’une volonté de reprise en main de la part des autorités qui veulent garder le contrôle sur la situation sociale. 

Renouveler la contestation 

Comment imaginer la suite d’un mouvement se déroulant la rue, alors que l’espace public est devenu inaccessible? Un étouffement du Hirak est en effet à craindre, redoute Kader Abderrahim, nuançant, «il est difficile de tracer des plans sur la comète». Les militants algériens s’organisent désormais en majorité sur les réseaux sociaux. À l’heure où Alger resserre la vis sur les médias en ligne -depuis le 3 avril, trois médias en ligne ont été censurés-, une nouvelle radio est née sur le web, pour garder le feu vif de la contestation, Radio Corona Internationale. Derrière les jeux de mots cocasses et l'ambiance joviale, les dénonciations politiques fusent. Cette radio, c'est aussi une «façon de réinventer le Hirak au temps du confinement» et de prouver que la contestation ne se résume pas qu'à des marches, c'est un «projet de société», explique son fondateur à l’Agence France Presse. 

La crise sanitaire n'a pas empêché la justice de condamner ou placer en détention provisoire des militants du Hirak et des journalistes proches de la contestation ces dernières semaines. Des procès quasiment à huis-clos, selon Kader Abderrahim, «la situation est très compliquée pour les avocats, la justice ne devrait pas se dérouler dans ce genre de circonstances». Le 6 avril, Abdelouahab Fersaoui, président du Rassemblement-Actions-Jeunesse (RAJ), une association citoyenne à la pointe du mouvement de protestation, a écopé d'un an de prison ferme pour «atteinte à l'intégrité du territoire national». 

Entretien avec Kader Abderrahim

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22 avril 2020, 17:31