Le quartier d'Al-Attaba, au Caire, en décembre 2017 Le quartier d'Al-Attaba, au Caire, en décembre 2017 

100 millions d'habitants: un boom démographique risqué pour l'Égypte

L’Égypte, pays arabe le plus peuplé, a passé le cap symbolique des 100 millions d’habitants. Cette croissance démographique, due à plusieurs facteurs, constitue un défi majeur pour les décennies à venir.

Le taux de fécondité en Égypte, qui avait enregistré une baisse notable -6,6 enfants par femme dans les années 1960 contre 3 en 2008- est reparti à la hausse à partir de 2014 avec 3,5 enfants par femme. Ce retournement de situation -visible dans d’autres pays de la région comme la Tunisie ou l’Algérie- déjoue les prévisions des spécialistes, qui parlent pour certains de «contre-transition démographique».

Un phénomène général

Ce phénomène touche tous les milieux; il s’observe tant dans les zones rurales et pauvres de Haute-Égypte, que dans les régions les moins défavorisées et les villes. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette tendance. Tout d’abord, les femmes se marient plus tôt: en 2014, 85% des 15-19 ans étaient déjà mariées. Pour les femmes les plus instruites, l’âge médian pour une première union est passé de 25 ans en 1988 à 22 ans en 2014. En conséquence, elles deviennent mère plus jeunes.

D’aucuns avancent une remontée de la religiosité et un certain retour au conservatisme pour éclairer ces évolutions, mais d’autres mettent plutôt en exergue les difficultés d’accès au marché de l’emploi pour les femmes, et cela, malgré leur degré d’instruction, souvent plus élevé que celui des hommes. Beaucoup d’entre elles optent en effet pour des filières traditionnelles comme l’enseignement, les lettres ou les sciences sociales; or les opportunités économiques proviennent essentiellement du secteur informel, pourvoyeur d’emplois peu qualifiés et beaucoup moins rémunérateurs. De là, le choix contraint de se marier plus tôt que les générations précédentes.

Conséquences potentiellement négatives

Cette croissance rapide de la population –concentrée sur moins de 8% du territoire-  a toujours été source de préoccupation pour les autorités, qui en perçoivent les conséquences potentiellement négatives en termes de problèmes sociaux –le chômage estimé à 10% touche de plein fouet les jeunes de moins de 30 ans qui représentent à eux seuls 60% de la population- et de sécurité nationale. En 2017, le président Al-Sissi affirmait même que la surpopulation constituait, avec le terrorisme, la menace principale pour le pays.

Ainsi, depuis plusieurs années, des campagnes de sensibilisation sont menées tambour battant pour ralentir ce taux de croissance. Nous en parlons avec Elena Ambrosetti, démographe et enseignante à l’Université de Rome-La Sapienza.

Entretien avec Elena Ambrosetti

 

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06 mars 2020, 07:16