L'arrivée de ressortisants nigérians à l'aéroport de Lagos, après leur évacuation d'Afrique du Sud, le 11 septembre 2019. L'arrivée de ressortisants nigérians à l'aéroport de Lagos, après leur évacuation d'Afrique du Sud, le 11 septembre 2019. 

Afrique du Sud: appel à la fraternité face à la vague xénophobe

Depuis début septembre, des violences à caractère xénophobe ont enflammé l’Afrique du Sud. Une nouvelle vague d’émeutes violentes vise les étrangers africains qui craignent pour leur commerce et pour leur vie, et pousse certains à retourner dans leur pays d’origine. Cardinaux et évêques du continent font entendre leur appel à la paix tandis que la tension montent entre certains États africains.

L’Afrique du Sud est régulièrement secouée par des violences xénophobes : 62 personnes avaient trouvé la mort en 2008 et 7 en 2015 lors d’émeutes à Johannesburg et à Durban. Les émeutes ont repris depuis le dimanche 1er septembre tandis que trois personnes étaient mortes dans des incendies à Johannesburg et à Pretoria. Alors que les violences xénophobes persistent, le bilan officiel s’élève dorénavant à 12 morts et 700 arrestations.

L’Afrique du Sud connait une criminalité généralisée avec un taux d’homicide parmi les plus élevés au monde. On compte près de 57 homicides quotidiens dans ce pays de 58 millions d’habitants. La part des étrangers sans papiers n’est pas connue dans le pays, mais c’est bien cette frange de la société qui est visée par les pillages et les incendies de commerces et camions. Ces violences sont nourries par le fort taux de chômage et la pauvreté qui persistent dans  l’économie subsaharienne la plus développée du continent, qui attire donc des migrants venus de toute l’Afrique, notamment du Zimbabwe voisin, un pays autrefois riche mais enlisé depuis 20 ans dans une grave crise économique.

La voix de l’Église

L’archevêque de Johannesburg et responsable du bureau chargé des migrants et des réfugiés,  Mgr Buti Joseph Tihagale  a réagi avec vigueur à ces violences. Dans des propos recueillis par La Croix, il déclare qu’ «il ne s’agit pas de la tentative de citoyens sud-africains préoccupés de chasser de nos villes les trafiquants de drogue et ceci n’est pas l’œuvre de quelques éléments criminels. Il s’agit purement et simplement de xénophobie». Il se scandalise de ces actes si peu fraternels dans un  pays où plus de 80% de la population est chrétienne. Il s’en réfère à la Lettre de Saint Paul au Galates (3,28) : « ‘Il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus’. De même, il n’existe plus ni Sud-africain, ni Nigérian, ni Éthiopien. Nous sommes tous un dans le Christ Jésus ».

Avec la même fermeté, le cardinal Peter Appiah Turkson, préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral, au Kofi Annan Peace and Security Forum d’Accra, affirme que : «Les Sud-Africains ne doivent pas oublier que les autres Africains ont eu un rôle de guide dans le processus ayant mis fin à l’apartheid et conduit à l’avènement de la liberté dans leur pays». Il souligne aussi que la vague de violence à l’encontre d’autres citoyens africains en Afrique du Sud risque de provoquer des représailles à l’encontre des Sud-Africains résident dans divers États du continent.

Les évêques de Zambie ont condamné eux aussi les violences xénophobes dans une déclaration du 6 septembre : «Nous demandons par suite au gouvernement sud-africain d’accroitre ses efforts pour gérer la situation en conservant les valeurs de civilisation, de tolérance et de coexistence pacifique au sein de la nation arc-en-ciel» affirme le communiqué se référant au concept de “nation arc-en-ciel” exprimé par Nelson Mandela au terme de l’apartheid. Cette notion popularisée dans les années 1990 devait permettre à toutes les communautés de vivre avec une égale dignité, sans ressentiment ni vengeance.

Des tensions diplomatiques sur le continent

Les violences xénophobes en ont été condamnées par les pays africains voisins et ont engendré des querelles diplomatiques, notamment entre l’Afrique du Sud et le Nigeria, les deux premières économies du continent.

Le gouvernement du Nigeria a annoncé le rapatriement de ses diplomates en place à Pretoria., et le consulat du Nigeria à Johannesburg a annoncé qu’au moins 640 personnes s’étaient portées volontaires pour rentrer au Nigeria. Des vols gratuits ont été affrétés pour les rapatrier. À leur arrivée à l’aéroport, des représentants du gouvernement nigérian ont promis aux rapatriés un peu d'argent pour payer leur transport jusqu'à leur famille, un abonnement de téléphone pour deux mois et des programmes d'aide pour les aider à démarrer un nouveau commerce. Un soutien bienvenu pour ces Nigérians de retour dans leur pays où plus 80 millions de personnes vivent sous le seuil de l'extrême pauvreté (1,90 dollar par jour) et où la situation sécuritaire est alarmante dans de nombreuses régions.

D’autres pays comme la Zambie et Madagascar ont annulé les matchs de football prévus contre l’équipe d’Afrique du Sud tandis que la Tanzanie a suspendu les vols commerciaux en direction de l’Afrique du Sud.

(Avec Fides et La Croix )

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13 septembre 2019, 12:13