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Au checkpoint de Ataq, un soldat pro-gouvernement, le 27 août 2019. Au checkpoint de Ataq, un soldat pro-gouvernement, le 27 août 2019.  

Au Yémen, des alliances éclatées empirent la guerre

Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique de l’Arabie du Sud s’inquiète des tensions entre les séparatistes et le gouvernement, qui font théoriquement partie du même camp dans la lutte contre les rebelles Houthis.

Lundi, l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis ont appelé à nouveau gouvernement et séparatistes à négocier en faveur d'un apaisement dans le sud du Yémen, théâtre d'affrontements meurtriers depuis près de trois semaines.

Les combats ont pour toile de fond des différends entre les séparatistes et le gouvernement, deux entités faisant théoriquement partie d'un seul et même camp. Ils ont ainsi affecté l'alliance entre Abou Dhabi et Ryad, piliers de la coalition qui intervient au Yémen contre les rebelles Houthis. Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique de l'Arabie du Sud (Emirats Arabes Unis, Oman et Yémen), qui d'Abou Dhabi suit de près les événements au Yémen, grâce aussi aux sources dans le pays, et attendant de revenir après des années d'absence, parle d’une «situation confuse qui manque de transparence», dans un entretien accordé à AsiaNews. 

Des intérêts divergents 

Au niveau officiel, souligne Mgr Hinder, tous les acteurs extérieurs «déclarent vouloir maintenir l'unité». En fait, même «l'alliance sous la direction de l'Arabie saoudite n'est plus cohérente et montre des divisions» en son sein «en raison d'intérêts divergents». Le Président Abd Rabbih Mansour Hadi, qui représente le gouvernement internationalement reconnu, «ne bénéficie pas d'un grand soutien». En même temps, Aden, qui avait déjà été la capitale dans le passé, «essaie à nouveau de devenir indépendante».

57 000 morts 

La guerre au Yémen qui a éclaté en 2014 sous la forme d'un conflit interne entre le gouvernement pro-saoudiens et les rebelles chiites Houthis proches de l'Iran, et qui a dégénéré en mars 2015 avec l'intervention de la coalition arabe dirigée par Riyad, a fait plus de 10 000 morts et 55 000 blessés. Des organismes indépendants ont fixé le bilan (entre janvier 2016 et fin juillet 2018) à environ 57 000 morts. Pour l'ONU, le conflit a déclenché «la pire crise humanitaire du monde», environ 24 millions de Yéménites (80% de la population) ont un besoin d'aide humanitaire et l'urgence du choléra est toujours préoccupante. Les enfants sont également victimes de ce conflit : l'on recense environ 2 500 enfants soldats dans le pays et la moitié des filles se marient avant l'âge de 15 ans.

La fragmentation accrue de la coalition anti-Houthis complique la situation. Ces dernières semaines, l'affrontement a dépassé les frontières d'Aden pour s'étendre à Taiz dans le centre du pays. Depuis des jours, des affrontements se déroulent le long de la route Aden-Taiz entre des séparatistes du Sud et des groupes salafistes parrainés par Abou Dhabi et les forces gouvernementales liées au parti du président Hadi al-Islah, sous l'aile de Riyad. Au cours du week-end, des diplomates saoudiens et émiratis se sont rendus dans les provinces contestées d'Abyan et de Shabwa pour conclure un cessez-le-feu allié.

Un État confédéré serait une solution «viable» 

Pour le vicaire d'Arabie, les puissances internationales promeuvent une politique «qui conduira à la division en deux ou trois parties», car tous «ont peur d'un Yémen centralisé» sauf ceux «qui auront le vrai pouvoir». Dans ce contexte, un État confédéré serait une solution «valable» si les parties «étaient capables d'élaborer une Constitution équilibrée et juste, respectant les attentes légitimes des acteurs tribaux et régionaux». Mais pour atteindre cet objectif, prévient-il, il faut «être capable de faire des compromis raisonnables».

Le silence de la communauté internationale 

Il prévient que d'éventuels accords ne seront possibles «que dans un climat minimum de confiance», dans lequel les «puissances extérieures» contribueront également à restaurer le pays «plutôt qu'à le déstabiliser». Les espoirs d'une trêve à court terme sont peu nombreux car trop d'aspects «sont largement hors de contrôle» et ceux qui souffrent «sont la population civile qui lutte contre la violence, la maladie et la faim», alors que la communauté internationale «ne sait pas comment réagir. Et il se tait», mais ce silence «pourrait s'avérer fatal».

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27 août 2019, 16:14