La croix de l'Église Saint-Augustin dans le 8ème arrondissement de Paris en France. La croix de l'Église Saint-Augustin dans le 8ème arrondissement de Paris en France.  

Les équilibres religieux en France décryptés par l'Observatoire de la laïcité

Le rapport annuel de l'Observatoire de la laïcité a été remis mercredi 10 juillet à Édouard Philippe, le Premier ministre français auquel l’organe est rattaché. Le document rend compte des dynamiques religieuses dans l’Hexagone: le catholicisme demeure la première religion de France en nombre de fidèles, suivie de l’islam.

En déclin depuis le début du XXème siècle, le catholicisme rassemble encore le plus grand nombre de fidèles, de pratiquants et de lieux de culte en France (près de 39 000 églises encore en activité, pour 12 054 paroisses), indiquent les travaux de l’Observatoire national de la laïcité, présidé par l’ancien ministre socialiste Jean-Louis Bianco depuis cinq ans.

19,9 millions de Français «catholiques» 

Ainsi selon l’enquête d’opinion Viavoice de 2019 cité par l’Observatoire, 19,9 millions de Français qui «se sentent liés au catholicisme» se déclarent «croyants».

Parmi eux, plus de 5,4 millions entretiennent une pratique religieuse «au moins une fois par mois» (soit 8% des Français), dont plus de 2 millions «au moins une fois par semaine» (soit 3% de la population totale). L’enseignement catholique privé sous contrat avec l’État rassemble lui près de 17% de la population scolaire française, un chiffre en constante augmentation depuis le début des années 2000.

L’islam, 2ème religion de France

L’islam est la religion qui, après le catholicisme, compte le plus grand nombre de fidèles et de pratiquants, soit la 2ème religion en France. Avec près de 2 600 lieux de culte, le culte musulman comptabilise par exemple moins de lieux de culte que la confession protestante. L’estimation la plus précise (comprenant les pratiquants et les non pratiquants) du nombre de Français de confession musulmane se situe entre 3,3 et 5 millions de personnes (soit entre 4,8% et 7,3% des Français), soit environ 4,1 millions de Français (soit 6% de la population totale), répertorie l’Observatoire.

Les musulmans pratiquants eux sont estimés à 1,8 million de personnes (soit 2,6% des Français).

Selon l’organisme, il ressort des différentes études et enquêtes que la proportion des Français de confession musulmane qui se déclarent «pratiquants» est bien supérieure aux Français de confession catholique, orthodoxe, juive, protestante luthérienne et réformée, mais inférieure à celle observée chez les protestants évangéliques.

Le protestantisme évangélique en pleine croissance

Le protestantisme est, en France, la 3ème religion en termes de fidèles et de pratiquants, et la 2ème en termes de lieux de culte.

De par ses courants évangéliques, elle est en expansion constante depuis une quarantaine d’années, avec une accélération ces dix dernières années (passant d’environ 2,5% de la population totale en 2010 à environ 3,1% en 2019), avec de nombreux fidèles qui ne viennent plus des seuls horizons protestants. Le culte protestant, dans sa diversité (dont les différents courants évangéliques) compte aujourd’hui plus de 4.000 temples, avec des demandes croissantes pour de nouveaux temples protestants évangéliques. Leur croissance est estimée à 1 nouveau lieu de culte tous les dix jours en France, selon le Conseil national des évangéliques de France.

Toujours selon l’enquête d’opinion Viavoice, plus de 3% des Français, soit 2,1 millions de personnes, «se sentent liés au protestantisme», et 40,1% d’entre eux estiment comme importante – assez ou très – l’intensité de leur pratique.

Moins de 1% des Français se sentent liés au judaïsme

Le judaïsme est, selon les enquêtes, la 4ème ou 5ème religion de France en termes de fidèles, la 4ème ou la 5ème en termes de pratiquants et la 5ème en termes de lieux de culte. Plus de 500 synagogues ont été comptabilisées. 476 000 personnes, moins de 1% des Français (0,7%), «se sentent liées au judaïsme».

Le bouddhisme est également, selon les enquêtes, la 4ème ou la 5ème religion de France en termes de fidèles, et comptabilise près de 400 pagodes, temples, centres bouddhistes ou centres de retraites partout en France. Ils accueillent, selon l’Union bouddhiste de France (UBF), entre 500 000 et 1 million de bouddhistes, dans une grande diversité de pratiques (bouddhistes «d’origine» pratiquants ou non, bouddhistes «de conversion», simples «sympathisants» bouddhistes, etc.).

Enfin, les orthodoxes baptisés et résidents français seraient selon l’Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF), entre 300 000 et 500 000 personnes (soit autour de 0,6% de la population totale), pour un nombre d’environ 250 églises.

Il y aurait une cinquantaine de temples hindous dans l’Hexagone et entre 150 000 et 300.000 le nombre d’hindous en France (hexagone et Outre-mer, en particulier l’île de La Réunion).

«Une laïcité trop instrumentalisée»

Outre la composition du paysage religieux français, l’étude annuelle de l’Observatoire de la laïcité décrypte aussi le rapport des Français à cette même laïcité.

Elle est trop souvent instrumentalisée par les personnalités politiques, estiment 67% des Français.  Une forte proportion trouve qu’«on n’explique pas assez ce qu’elle est» (52%) et qu’«on ne parle de la laïcité qu’à travers l’islam» (49%). Enfin, une nette majorité des Français considère que trop souvent, dans les médias ou le débat public, «on ne parle de la laïcité qu’à travers la polémique» (60%).

Le ressort religieux réactivé...

Aussi, le rapport tente d’esquisser les causes du «regain religieux» observé ces dernières années, malgré la hausse constante du nombre de personnes se déclarant «athées», «agnostiques» ou «indifférentes».

L’augmentation de la visibilité et l’expression religieuses sont expliquées par plusieurs facteurs.

D'abord, l’installation en France métropolitaine de religions auparavant «étrangères» à l’Hexagone. L’Observatoire de la laïcité cite l’islam, mais aussi dans une moindre mesure le bouddhisme et certaines nouvelles formes du protestantisme évangélique. Concernant l’islam, se constate «une surreprésentation des catégories socio-professionnelles les plus fragiles et modestes» au sein de la population de confession musulmane. À cet état de fait s’ajoute une surreprésentation de cette population dans des quartiers où la mixité sociale est faible et où le sentiment de relégation est fort.

... face à l’échec de la sécularisation

Second facteur: le rapport pointe l’affaiblissement des idéologies séculières telles que le libéralisme, le socialisme, le nationalisme et tant d’autres, renvoyant à une certaine incapacité à fournir «les fondations normatives et psychologiques de l’identité et de l’action collective», mais également à l’échec, pour certains, «d’approches scientifiques pour donner sens à la réalité». En d’autres termes, cette réactivation religieuse pourrait également être le produit d’une inquiétude devant la sécularisation de la société, sous-tend cette étude.

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11 juillet 2019, 17:42