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En Mauritanie, une transition dans la continuité

Samedi 22 juin, les électeurs mauritaniens se sont rendus aux urnes pour une élection présidentielle qui pourrait marquer la première transition entre un président sortant et son successeur. Six candidats étaient en lice et celui du pouvoir a clamé sa victoire dès l’issue du premier tour. L’opposition a directement annoncé contesté les résultats.

Entretien réalisé par Marine Henriot - Cité du Vatican 

C’est un pont entre le Maghreb et l’Afrique noire, entre l’Atlantique et le Sahara: la Mauritanie, pays marqué par les coups d’État, espère réaliser sa première transition entre un président sortant et son successeur, à l’issue du scrutin du samedi 22 juin. Pour succéder à Mohamed Ould Abdel Aziz, arrivé au pouvoir en 2008 après un putsch, cinq candidats de l’opposition et celui du pouvoir, frère d’armes du président sortant, Mohamed Cheikh El-Ghazouani.

Le général Ghazouani a revendiqué dimanche une victoire au premier tour, confortée par la Commission électorale (Céni) qui lui accorde 51,85% des voix, devant Biram Ould Dah Ould Abeid, crédité de 18,65 % des voix, et Sidi Mohamed Ould Boubacar (17,97%). Des résultats immédiatement contestés par l’opposition. «Nous rejetons les résultats de ce scrutin et nous considérons qu'ils n'expriment nullement la volonté du peuple mauritanien», a estimé le candidat Ould Boubacar. L'opposition utilisera «toutes les voies de droit», a-t-il précisé, exigeant leur publication par la Céni «bureau par bureau». Une proclamation hâtive des résultats qui selon Alain Antil, directeur du centre Afrique Subsaharienne à l’IFRI (Institut français des relations internationales) et spécialiste de la Mauritanie, est un aveu de faiblesse, «un bloc qui aurait été serein n’aurait pas annoncé les résultats avant la Céni et n’aurait pas peur d’affronter l’opposition au deuxième tour». 

Les missions du futur président?

Ancien ministre de la défense du président sortant, Mohamed Cheikh El-Ghazouani devra apprendre à s’affranchir de la tutelle de son président, mais une chose est sûre, «cette élection reconduit le système en place», explique Alain Antil. Dans son programme, le candidat Ghazouani a d’ailleurs promis la continuité, notamment dans le domaine sécuritaire. Car le défi de la Mauritanie est là: éviter de tomber dans des violences électorales qui pourraient faire de nouveau basculer le pays dans la violence, alors que le pays se relève encore, 8 ans après la dernière attaque djihadiste sur son sol.

Une paix qui doit être alliée à une santé économique. La croissance actuelle est de 3.6%, c’est une amélioration mais ce n’est pas suffisant par rapport à la démographie galopante de la Mauritanie. Une croissance par ailleurs due à l’attribution de marchés, mais dont ne profite pas toutes les franges de la population. Selon l’ONU, les trois quarts de la population vivent dans une extrême pauvreté. 

L’autre défi qui attend le futur président c’est le respect des droits fondamentaux. La société mauritanienne est marquée par des inégalités et des disparités entre les différentes communautés qui sont nombreuses dans ce vaste pays du Sahel. Le futur président est également attendu quant au respect de la liberté d’expression, en avril 2018 le blasphème devenait passible de peine de mort. Enfin, il y a le cas de ce jeune blogueur mauritanien, Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheïtir, enfermé depuis 2014 dans une prison dans un endroit tenu secret. Il aurait dû être remis en liberté, mais reste en prison pour des raisons de sécurité, selon le président Ould Abdel Aziz, expliquant à la veille du scrutin que ce «dossier pourri» reviendrai dans les mains de son successeur.

Entretien avec Alain Antil, IFRI

 

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27 juin 2019, 08:06