Cortège funéraire à Béni dans l'est de la RDC, le 12 novembre 2018. Six personnes avaient été tuées par les ADF Cortège funéraire à Béni dans l'est de la RDC, le 12 novembre 2018. Six personnes avaient été tuées par les ADF 

L'État islamique en RDC : une menace bien réelle

Une première revendication, le 16 avril, après la mort de deux soldats, une deuxième après deux attaques dans l’Est du pays. En RDC, le groupe État islamique profite de l’insécurité pour construire de nouvelles bases dans le pays, s’appuyant sur les forces islamistes locales, tels que les rebelles ougandais des ADF (Forces Démocratiques Alliées).

Entretien réalisé par Marine Henriot - Cité du Vatican

Le groupe État islamique ne laisse de répit nulle part. Un mois après leur défaite en Syrie, les djihadistes revendiquaient le 16 avril dernier leur première attaque en République Démocratique du Congo. Ils s’attribuaient la responsabilité d’un assaut ayant tué au moins deux soldats près de la frontière avec l’Ouganda. Le 23 mai, à nouveau, l’EI revendiquait deux attaques dans l’Est du pays, où une dizaine de personnes avaient été enlevées.

Déjà au mois d'août 2018, le chef de l'EI mentionnait, dans une vidéo, une province en Afrique Centrale. Par ailleurs, il existe des preuves tangibles de liens financiers entre Abou Bakr al-Baghdadi et le continent africain. «Il y a une cellule au Kenya, dont on sait qu’elle a envoyé des sommes (d'argent) assez conséquentes en RDC», affirme Matteo Puxton.

L’EI en RDC depuis deux ans

Ces récentes revendications en RDC ne sont donc pas des actes opportunistes de la part d'islamistes locaux. Il s'agit bien d’une stratégie militairede l'EI, ancrée dans le temps, visant à pallier les pertes de territoires du groupe en Syrie ou en Irak.

Concernant la RDC, le djihadistes profiteraient de l’insécurité dans l’Est du pays pour s'y implanter. C'est ce qu'ont affirmé à la BBC les chefs des renseignements des pays de la région des Grands Lacs. Matteo Puxton, spécialiste de la stratégie militaire de l’État islamique et auteur d’Historicoblog, fait le même constat. Il estime que des liens existent entre l’EI et la RDC depuis deux ans.

S’appuyer sur les islamistes locaux

Pour s’implanter en RDC, les terroristes de Daech s’appuient notamment sur les rebelles ougandais des Forces Démocratiques Alliées qui sèment le chaos dans le Nord-Kivu depuis le milieu des années 1990. Les miliciens de l’ADF sont accusés du massacre de plusieurs centaines de personnes dans la région de Béni depuis octobre 2014.

Les islamistes de l’ADF réutilisent le matériel de l’EI depuis plusieurs mois, explique Matteo Puxton. Des livres de propagande notamment religieuse «qui sont bien ceux de l’EI», ont été retrouvés dans les objets confisqués par l’armée congolaise aux rebelles ougandais.

L'Est de la RDC est donc un terrain d’insécurité fertile pour les terroristes de l’organisation État islamique. «Tant que les problèmes locaux ne sont pas réglés, le terreau du djihadisme demeure», soutient Matteo Puxton.

Entretien avec Matteo Puxton

Au terme de leur assemblée plénière, tenue du 27 mai au 2 juin, les évêques de la province de Bukavu déploraient la prolifération de groupes armés sur le territoire congolais. Il y dénoncaient les "massacres aveugles" commis par les rebelles ougandais de l'ADF-Nalu, ainsi que ceux perpétrés par le "nébuleux État islamique". "L'invasion de terres communautaires se poursuit par des bandes aux provenances obscures", écrivaient-ils dans leur communiqué final, pointant les déplacements massifs de populations, signes, selon eux, d'une "déchéance de l'État".

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

10 juin 2019, 08:41