Le Pape François lors de la visite du camp de Vrazhdebna Le Pape François lors de la visite du camp de Vrazhdebna 

La Bulgarie, porte d’entrée de l’Europe pour les réfugiés du Proche-Orient

Second jour de visite du Pape François en Bulgarie. Ce lundi matin, sa journée a commencé par la visite du camp de réfugiés de Vrazhdebna situé à proximité de Sofia, où vivent plusieurs familles de demandeurs d’asile. La Bulgarie partage 260 km de frontières terrestres avec la Turquie. Elle est à ce titre en première ligne sur la route des migrants fuyant un Proche-Orient en guerre avec l’espoir de gagner l’Europe.

Entretien réalisé par Marie Duhamel – Cité du Vatican

On se souvient des colonnes de migrants avançant le long des voix expresses sur la route des Balkans. L’exode fut manifeste en 2014. Le passage par le sud de la Méditerranée jugé trop dangereux, les migrants étaient toujours plus nombreux à emprunter la voie terrestre pour rejoindre l’Union européenne. Ils passaient de la Grèce à la Macédoine du Nord ou encore de la Turquie à la Bulgarie bien souvent dans des conditions extrêmes, avec le risque d’être reconduits parfois très violemment à la frontière par la police ou par des milices citoyennes dans le cas bulgare.

Baisse considérable des arrivées… mais toujours des violations

À l’époque, la Bulgarie a vu ses centres de rétention ou d’accueil déborder. Des demandeurs d’asile étaient contraints en dépit des conditions météorologiques de camper sous des tentes. La Bulgarie n’était qu’une terre de transit pour la majorité d’entre eux, essentiellement des Syriens fuyant la guerre accompagnés d’Afghans ou d’Irakiens. En 2014, 20 000 personnes y déposent toutefois une demande d’asile. Quatre ans plus tard, ils ne sont plus que 2 500 à avoir procédé à cette démarche administrative dans l’espérance de s’installer sur place.

Depuis la signature en mars 2016 de l’accord migratoire entre l’Union européenne et la Turquie, le nombre de migrants cherchant à traverser la frontière turco-bulgare a considérablement diminué. Ils seraient cependant encore des centaines à emprunter ce chemin. Moins nombreux, ils sont plus facilement repérés.

L’ONG de défense des droits humains, Amnesty international, dénonçait encore en 2018 des «pratiques abusives»  telles que des recours à la force ou des extorsions de la part de membres de la police aux frontières. Par ailleurs, la traversée des frontières sans autorisation étant érigée en infraction, les migrants sont toujours placés en détention administrative.

Le Haut-Commissariat pour les Réfugiés de l’ONU est présent sur place où il aide, notamment, les migrants dans leurs démarches pour rentrer chez eux ou pour remplir leur demande d’asile, en dépit d’un manque évident de traducteurs. Mathijs Le Rutte, responsable du HRC à Sofia, regrette le placement en détention de personnes n’ayant commis aucun crime, mais juge cependant que des progrès ont été accomplis.

Entretien avec Mathijs Le Rutte, responsable du HCR en Bulgarie

En 2017, la Bulgarie a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme : une famille avec un bébé de 18 mois avait été emprisonnée dans des conditions insalubres pendant des heures, sans pouvoir se rendre aux toilettes. Aujourd’hui, des conditions extrêmes comme celles-ci n’ont plus cours. Mathijs Le Rutte déplore cependant des délais allant bien au-delà des 24heures prévues «pour des raisons de sécurité» ou dans le cas de migrants ne souhaitant pas faire de demande d’asile.

Des écoles reconverties

La situation des demandeurs d’asile s’est améliorée dans les centres de réception, comme celui que le Pape visite ce mardi. Plus de bêtes dans les matelas. Il faut dire que ces camps installés dans des bâtiments non adaptés comme des écoles, sont occupés aujourd’hui à seulement 10%, offrant un plus grand espace de vie aux familles. Selon le HCR, la situation critique des mineurs isolés est là sur le point de changer. Le gouvernement aurait finalement prévu des zones leur étant dédiées, avec une assistance 24h/24.

Le dilemme de ceux qui obtiennent l’asile

Après l’avoir rejeté, le gouvernement a finalement adopté un décret règlementant l’intégration des réfugiés, mais sa mise en application est inefficace : pas de soutien pour permettre aux nouveaux venus d’accéder à un travail ou à un logement. Des réfugiés se retrouvent sans-abris, déplore Mathijs Le Rutte.

Une question avant tout sécuritaire

Contrairement à ses voisins appartenant au groupe de Visegrad, la Bulgarie qui compte aujourd’hui 2 000 réfugiés pour 6 à 7 millions d’habitants, a accepté d’accueillir des migrants venant de Grèce ou d’Italie. Pourtant, Sofia a demandé un renforcement des contrôles des frontières de l’UE pour des raisons sécuritaires. 20% du budget du ministère de l’Intérieur bulgare sont alloués à ces fins. Aujourd’hui, la question migratoire est clairement traitée par les politiques mais également, semble-t-il, par la presse comme une question sécuritaire, surtout en période préélectorale. Des municipales auront lieu cette année.

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06 mai 2019, 08:47