Vue sur le monastère Sainte Catherine, Sinaï Vue sur le monastère Sainte Catherine, Sinaï 

Un trésor en péril: les manuscrits du monastère Sainte Catherine en cours de numérisation

Le monastère Sainte Catherine du Sinaï entreprend la numérisation des précieux manuscrits qu’abrite sa bibliothèque. Un travail complexe mais nécessaire alors que la région est sujette à une instabilité croissante.

Manuella Affejee (avec Reuters et Terrasanta.net) - Cité du Vatican

Après la bibliothèque apostolique vaticane, celle du monastère grec-orthodoxe contient la deuxième plus grande collection de manuscrits anciens et d’incunables au monde, soit 4 500 pièces inestimables, datées pour certaines du IVe siècle. Parmi elles, quelque mille manuscrits en syriaque et en arabe qui seront numérisés en priorité, eu égard à leur rareté et à leur fragilité. L’on y trouve essentiellement des textes chrétiens, -dont les plus anciennes copies des Évangiles-, mais également des ouvrages de science, de médecine et plusieurs classiques grecs. La majeure partie des écrits sont en grec, mais l’on trouve également des volumes en hébreu, en copte, en arménien, valaque, géorgien et slave.

Un travail complexe

Selon les premières estimations, cette première phase de numérisation durera au moins trois ans ; à terme, le travail colossal de photographie, de digitalisation et de reconstruction dans certains cas s’étendra sur une décennie. Le projet est mené par l’Emel (Early Manuscripts Electronic Library), une organisation américaine à but non-lucrative, de concert avec le monastère et la bibliothèque de l’Université de Californie, laquelle s’est engagée à publier des manuscrits en ligne dès l’automne prochain. Et de fait, l’objectif de l’entreprise, outre la sauvegarde de ces trésors, est de les mettre ensuite à disposition des chercheurs.

«Cette bibliothèque est une archive de l’histoire du christianisme et des peuples de la Méditerranée. Elle est donc intéressante pour les communautés du monde entier qui y trouvent leurs racines», a confié à Reuters Michael Phelps, le directeur de l’Emel. Le monastère Sainte Catherine, fondé au VIe siècle sous l’ère justinienne, est le plus ancien couvent en activité, canoniquement rattaché au patriarcat de Jérusalem. Peuplé d’une vingtaine de moines, grecs pour la plupart, il se situe sur les pentes du mont Sainte Catherine, dans la péninsule du Sinaï, considérée comme une terre sainte par les trois religions abrahamiques, judaïsme, christianisme et islam. C’est en effet là que Moïse reçut de Dieu les tables de la Loi. Ce haut-lieu de pèlerinage a été classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2002. En décembre 2017, sa prestigieuse bibliothèque a rouvert ses portes après trois ans de réfection.

Instabilité croissante de la région

Mais le monastère ne draine plus autant de visiteurs et de pèlerins qu’autrefois. En cause: la menace grandissante que fait planer l’État islamique, solidement implanté dans le nord-Sinaï. En 2013, le monastère avait d’ailleurs dû fermer. En avril 2017, des jihadistes avaient mené une attaque à l’un des points de contrôle de l’entrée du site qui se trouve pourtant dans le sud de la péninsule, une région réputée plus sûre.

Ce contexte d’instabilité explique toute l’urgence de cette mission. Le directeur de l’Emel rappelle en effet les innombrables et irrémédiables destructions infligées par Daech au patrimoine historique et culturel des régions dont il s’est rendu maitre, en Irak ou en Syrie. «Les bouleversements de notre époque nécessitent une finalisation rapide de ce projet», a pour sa part confirmé l’archevêque Damien, higoumène (père abbé) du monastère.

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15 mai 2019, 17:13