Manifestants en marge du Chemin de Croix à Managua. 19 avril 2019 Manifestants en marge du Chemin de Croix à Managua. 19 avril 2019 

Chemin de Croix sous tension dans la capitale nicaraguayenne

À Managua, des manifestants se sont greffés à la foule des fidèles participant au traditionnel Chemin de Croix du Vendredi Saint. Les forces de l’ordre ont immédiatement réagi, poursuivant les jeunes contestataires jusque dans la cathédrale. Le Nicaragua commémore ces jours-ci le premier anniversaire du mouvement de manifestations contre le président Daniel Ortega.

Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

Au terme d’une longue procession dans les rues de la capitale nicaraguayenne, le Chemin de Croix de ce Vendredi Saint venait de s’achever dans une atmosphère de dévotion. Des milliers de personnes, réunies en une foule compacte autour du char transportant un imposant crucifix, participaient à ce temps marquant du Triduum Pascal présidé par le cardinal Leopoldo Brenes, archevêque de Managua. «Nous avons marché pendant quatre heures, dans la pénitence, le silence et la prière. Aujourd’hui chacun de nous a une intention de prière pour le Nicaragua, pour les mères qui souffrent de la perte de leurs propres enfants, pour les personnes privées de liberté, pour ceux qui vivent hors de notre pays, pour toutes les nécessités de chacun de nous,  plaçons-les là, dans le côté ouvert de Jésus, qui nous écoute au plus profond de son cœur», avait déclaré le cardinal Brenes à la fin de ce Chemin de Croix.

Coups de feu et jets de pierre

Mais aux fidèles s’étaient mêlés plusieurs groupes de manifestants, jeunes pour la plupart, qui sont alors passés aux actes. Le visage souvent à-demi caché par un foulard, les protestataires se sont mis à agiter des drapeaux du Nicaragua parfois maculés de peinture rouge ou à brandir de petites croix en bois marquées du nom de victimes de la répression. Des slogans tels que «Vive le Nicaragua libre», «Liberté pour le Nicaragua», «Oui à la démocratie, non à la dictature» étaient scandés, et souvent repris par les fidèles catholiques.

Les forces de l’ordre n’ont pas tardé à réagir. Coups de feu tirés en l’air, usage de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes… Les manifestants ont été vigoureusement sommés de s’arrêter. Des opposants ont riposté à coups de pierres et de fusées artisanales. Plusieurs jeunes ont aussi rejoint la cathédrale et ses abords pour se mettre à l’abri. Mais les policiers se sont introduits dans l’édifice religieux pour tenter de les en déloger. Leur sortie a été rendue possible après des négociations entre la police, une délégation d’Alianza Civica, mouvement regroupant les opposants, ainsi que Mgr Stanislaw Waldemar Sommertag, le nonce apostolique au Nicaragua.

Un an de manifestations et près de 500 morts

Dans un communiqué, la police a accusé «un groupe de personnes armées de pierres, de mortiers et certaines d'armes à feu» d'avoir «tenté de manipuler le chemin de croix» du Vendredi Saint. Dans un tweet, la Cour International des Droits de l’Homme a quant à elle rappelé à l’État nicaraguayen son devoir de «respecter le droit à manifester, garantir la liberté d’expression et veiller sur l’intégrité physique des manifestants».

Aucune arrestation n'a cependant été signalée au terme de cet après-midi sous tension. Deux jeunes auraient été blessés. Au Nicaragua, toutes les manifestations sont interdites depuis septembre, en dépit des engagements du gouvernement. L'opposition accuse Daniel Ortega, ex-guérillero sandiniste de 73 ans, d'avoir instauré une dictature, et réclame son départ et celui de la vice-présidente, son épouse Rosario Murillo. Le chef de l'État dénonce de son côté une tentative de putsch de l'opposition avec le soutien de l'Église catholique et des États-Unis. Le mouvement de contestation populaire, durement réprimé, a commencé en avril 2018. Après un an de violences politiques, entre 350 et 500 morts ont été dénombrés (l’exécutif n’en reconnaît que 199), ainsi que 60 000 exilés et plus de 700 prisonniers politiques.

Avec Sir, AFP, EFE, La Prensa

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20 avril 2019, 13:08