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Le président français Emmanuel Macron (à g.) et le président du Conseil des ministres italien Giuseppe Conte (à dr.), lors d'un sommet de l'UE à Chypre le 29 janvier 2019 Le président français Emmanuel Macron (à g.) et le président du Conseil des ministres italien Giuseppe Conte (à dr.), lors d'un sommet de l'UE à Chypre le 29 janvier 2019  

Dégradation, à toute vitesse, des relations franco-italiennes

«Le peuple italien mérite des dirigeants à la hauteur de son histoire». En France, le président Macron a ainsi répondu aux multiples provocations des deux hommes forts du gouvernement italien: Matteo Salvini, chef de la Ligue, le qualifiant «de très mauvais président» tandis que Luigi di Maio du Mouvement 5 étoiles manifestait son soutien aux gilets jaunes ce mardi en banlieue parisienne. Retour sur des mois d’échanges vif entre la France et l’Italie.

Entretien réalisé par Marie Duhamel – Cité du Vatican

Quand le complexe d’infériorité des uns rencontre le complexe de supériorité des autres. Alors que les Français restent fascinés par la chaleur et la débrouillardise de leurs voisins du Sud, terre privilégiée de leurs vacances, les Italiens regardent avec envie la France, son état fort et surtout fonctionnel, avec un léger ressentiment vis-à-vis de leur histoire commune : «Ils nous ont volé la Joconde et Nice»…Une vieille rengaine.

Mais les échanges entre les deux alliés européens se sont envenimés avec l’arrivée au pouvoir de la coalition italienne, composée du Mouvement 5 étoiles qui remporta les dernières élections législatives de mars 2018 avec 33% des votes contre 16% pour La Ligue, son partenaire d’extrême droite.

Le premier a avoir dégainé est le président français. Emmanuel Macron dénonçait en juin «le cynisme» et «l’irresponsabilité» du gouvernement italien après la fermeture des ports de la péninsule aux navires humanitaires. L’Italie, abandonnée par ses partenaires européens face à l’afflux de migrants arrivant sur ses côtes, n’a pas supporté qu’on lui fasse «la leçon». Le ministre italien de l’Intérieur a immédiatement exigé des excuses. Dix jours plus tard, Emmanuel Macron évoquait «la lèpre qui monte en Europe», le «nationalisme qui renaît», «la frontière fermée que certains proposent» et «ceux qui trahissent même l’asile».

Matteo Salvini, le chef de la Ligue et homme fort du gouvernement italien, devient l’incarnation, dans un clip du gouvernement français, du nationalisme à combattre avant les élections européennes du 26 mai prochain. On le voit même haranguant la foule. «Macron et ses amis doivent avoir très peur. Il m’utilise comme un épouvantail», affirmait alors le ministre de l’Intérieur italien.

Il y eut ensuite l’acte I, II, III (…) des gilets jaunes en France. Les populistes italiens n’ont pas manqué de soutenir le mouvement protestataire. D’abord Matteo Salvini, qui qualifia Emmanuel Macron de «très mauvais président», puis le Mouvement 5 étoiles. Son chef, également vice-président du Conseil italien, leur a envoyé une lettre de soutien, proposant de leur fournir sa plateforme informatique pour amorcer une «e-démocratie» avant de les rencontrer cette semaine en banlieue parisienne, mardi 5 février. «Inacceptable» pour Paris. Devancé par son partenaire au gouvernement et à quelques semaines des élections européennes, Luigi di Maio multiplie les provocations contre Paris. Le 20 janvier dernier, il demandait des sanctions contre les pays comme la France qui «appauvrissaient l’Afrique» avec le franc CFA, et poussaient ainsi les Africains à rejoindre l’Europe. L’ambassadrice italienne à Paris fut convoquée. La France affirmait alors ne pas vouloir «jouer au concours du plus bête».

Enfin autre épisode en cours: la liaison ferroviaire qui prévoit de relier d’ici 2030 Lyon et Turin. Un projet à 8,6 milliards d’euros appuyé financièrement par Bruxelles et qui fait l’objet d’un traité franco-italien. La France se montre patiente, prise en otage des divisions au sein du gouvernement italien. La Ligue est favorable au train à grande vitesse, mais le Mouvement cinq étoiles y voit un «gaspillage» d’argent.

Dans un récent éditorial, le politologue Dominique Moïsi, conseiller spécial de l’Institut Montaigne à Paris, revenait sur ces mois de tensions et analysait «le divorce à l’italienne»

Entretien avec Dominique Moïsi, politologue

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07 février 2019, 08:17