Une manifestation en solidarité avec les migrants à Calais le 7 juillet 2018. Une manifestation en solidarité avec les migrants à Calais le 7 juillet 2018.  

France: le Conseil constitutionnel consacre le «principe de fraternité»

Le 6 juillet dernier, le Conseil constitutionnel français a consacré pour la première fois le «principe de fraternité», en réponse à un agriculteur condamné en 2017 pour avoir aidé des étrangers en séjour irrégulier. Les Sages censurent ainsi partiellement le «délit de solidarité» et donnent raison aux associations d’aide aux migrants.

Timothée Dhellemmes – Cité du Vatican

Les pourfendeurs du «délit de solidarité» ont finalement obtenu gain de cause. Dans sa décision du 6 juillet 2018, le Conseil constitutionnel rappelle que «la devise de la République est "Liberté, Égalité, Fraternité"», et que la loi doit donc se conformer au «principe de fraternité». De la valeur constitutionnelle de ce principe découle «la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national». Ainsi, une aide désintéressée au séjour irrégulier des étrangers ne peut plus être passible de poursuites en France.

«À l'instar de la liberté et de l'égalité qui sont les deux autres termes de la devise de notre République, la fraternité devra être respectée comme principe constitutionnel par le législateur et elle pourra être invoquée devant les juridictions», a réagi le président du Conseil, Laurent Fabius. Le législateur a jusqu'au 1er décembre 2018 pour modifier en conséquence certaines lois françaises. En cause notamment, des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), qui punissent de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende «le fait d’aider directement ou indirectement un étranger à entrer, circuler ou séjourner irrégulièrement en France».

Contexte politique tendu

C’est notamment l’agriculteur français Cédric Herrou qui avait saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité. Ce dernier est devenu en France le symbole de l’aide aux migrants, suite à sa condamnation en 2017 à quatre mois de prison avec sursis pour avoir aidé environ 200 migrants à traverser la frontière italienne par la vallée de la Roya. «C’est une victoire importante des libertés fondamentales», a réagi son avocat, Patrice Spinosi.

La décision du Conseil constitutionnel intervient dans un contexte politique tendu sur la question migratoire. Le 29 juin 2018, les dirigeants européens ont trouvé un accord après une nuit de négociations, prévoyant la création de «plateformes de débarquements» de migrants en dehors de l'Union européenne pour dissuader les traversées. En France, certains députés de la majorité ont critiqué publiquement le refus du gouvernement de proposer d'accueillir l'Aquarius, un navire refoulé par l'Italie qui voguait avec 630 migrants en détresse. Le 4 juillet 2018, les députés et les sénateurs n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur le texte du projet de loi «asile et immigration». Il devra donc être réécrit, en tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel.

Pour Didier Degrémont, président du secours catholique dans le Pas-de-calais, cette décision du Conseil constitutionnel est «une grande victoire»

Entretien avec Didier Degrémont, du Secours Catholique


 

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11 juillet 2018, 11:05